Dame Nature est capricieuse. Elle le sera de plus en plus au cours des années à venir. Pour pallier ses irrégularités, une entreprise québécoise tente de révolutionner l’industrie de la neige pour offrir aux amateurs de plein air, d’ici ou d’ailleurs, une solution permanente.

À Noël, la neige fut. Au jour de l’An, disparue. L’hiver québécois se moque des skieurs, planchistes et randonneurs. Les saisons de glisse s’écourtent, car les précipitations ne sont plus ce qu’elles étaient.

Guy Pelchat a donc créé Latitude 90, toujours établie à Lévis. Son fils Raphaël a pris la relève comme président de l’entreprise depuis quelque temps. Leur mission est simple : inventer l’hiver.

Avec ses machines entièrement conçues et pensées dans la Belle Province, Latitude 90 peut fabriquer de la neige dans toutes les conditions. Il est donc possible pour les stations bénéficiant de la technologie nécessaire de déterminer précisément le calendrier de la saison de glisse, nonobstant la température.

Une révolution technologique

Les canons à neige utilisés par la majorité des stations de ski québécoises et canadiennes fonctionnent grâce à un procédé complexe et seulement lorsque la température est inférieure à -2 ˚C. Or, les engins de Latitude 90 fonctionnent uniquement à l’eau et à l’électricité et produisent de la neige peu importe la température extérieure. C’est d’ailleurs pourquoi l’entièreté des ventes de la société est effectuée à l’étranger, principalement aux États-Unis et au Japon. Selon M. Pelchat, une douzaine de machines sont utilisées à l’international. Sept ont d’ailleurs été expédiées en 2022.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE LATITUDE 90

Les engins conçus par l’entreprise Latitude 90 fonctionnent uniquement à l’eau et à l’électricité et produisent de la neige peu importe la température extérieure.

« Ça prend environ quatre à cinq mois pour fabriquer une machine, mais on en fait plusieurs en même temps », indique le président de Latitude 90 au téléphone en provenance d’une chambre d’hôtel de la côte est américaine, à quelques heures de rencontrer des acheteurs potentiels.

Deux machines sont sur le marché. La L30 peut produire 60 mètres cubes de neige en 24 heures, tandis que la L60 peut en faire le double dans les mêmes contraintes de temps.

M. Pelchat précise vouloir « augmenter le nombre de machines par année et faire de nouvelles applications ». Non seulement dans le monde du sport, mais aussi, par exemple, pour pallier les dommages structurels accentués par la fonte du pergélisol dans le Grand Nord.

Le processus pour fabriquer de la neige est extrêmement complexe.

Raphaël Pelchat, président de Latitude 90

Donc même s’il veut sauver le monde, chaque avancée doit se faire progressivement.

Un succès international

Sur le site web de l’entreprise, il y a trois options d’affichage linguistique. Le français, l’anglais et le japonais. L’entreprise de Lévis est bien installée dans le marché japonais, notamment parce que la plupart de ses stations veulent investir dans des machines non polluantes et miser sur celles-ci.

Aux États-Unis, la percée concerne davantage la situation climatique. « Nous avons notamment trois clients en Caroline du Sud, qui se situe dans un parallèle plus au sud », évoque M. Pelchat. Leurs précipitations de neige sont donc minimes. « Il faut donc assurer un enneigement de petites sections », ajoute-t-il.

D’ailleurs, Latitude 90 a déjà reçu des demandes en provenance de l’Europe et de l’Océanie.

Invisible au Québec

Si M. Pelchat se targue de diriger une entreprise où « tout le savoir-faire, les infrastructures et les fournisseurs sont au Québec », il est pertinent de se demander pourquoi la technologie de Latitude 90 est absente du territoire québécois.

Ce sont des réalités différentes, explique-t-il concernant la nordicité du climat québécois. Les stations de ski du Québec sont certaines de pouvoir avoir de la neige. » Il croit aussi qu’il s’agit d’une question d’investissement. Toutefois, depuis un an et demi, « je tends beaucoup plus de perches au Québec ».

Consultées par La Presse à ce sujet, certaines stations ont confirmé les dires de M. Pelchat à propos de l’enneigement.

Pour le Massif de Charlevoix, « cette technologie est une bonne solution pour la tenue d’évènements spéciaux, les parcs de glissades et les pentes-écoles. Le scénario le plus réaliste pour le Massif de Charlevoix, en termes de rapport qualité-prix, reste toutefois celui de produire de la neige à partir de températures avoisinant le point de congélation de -2 ˚C. »

Même écho du côté du Mont-Tremblant : « C’est une technologie intéressante que nous gardons sur nos radars pour répondre à certains besoins pointus, mais pour l’instant, nous ne considérons pas nécessaire d’employer ce genre de technologie pour l’enneigement de la montagne. »

M. Pelchat promet que de nouveaux modèles « encore plus gros et plus performants » verront le jour prochainement pour pouvoir continuer d’exporter l’hiver québécois un peu partout.