Justine Dufour-Lapointe avait besoin de nouveauté ; de « nouveaux défis », de « nouvelles expériences », d’une « nouvelle aventure ». C’est pour cette raison qu’elle a décidé de réorienter sa carrière vers le freeride (ski libre). Au revoir, les bosses. Bonjour, les montagnes.

Au bout du fil, la benjamine des sœurs Dufour-Lapointe semble enthousiaste. « De pouvoir enfin le dire, ça me fait du bien », laisse-t-elle entendre.

Voilà « un petit moment » que l’athlète de 28 ans savait que son parcours en ski acrobatique tirait à sa fin. À son retour des Jeux olympiques de Pékin, elle s’est posé différentes questions : « Qu’est-ce que j’ai envie de faire ? », « Quels sont mes objectifs ? », « Où est-ce que je veux m’en aller ? ».

C’est en se promenant sur les réseaux sociaux qu’elle a découvert le freeride. Cette discipline à la fois spectaculaire et périlleuse consiste à dévaler des montagnes sans piste, sur de la neige poudreuse intacte, et à composer avec les obstacles naturels qui s’y trouvent, comme les pierres, les arbres et les crevasses.

« J’étais vraiment excitée, ça me semblait une discipline spectaculaire. C’est incroyable. Ça demandait d’être un athlète vraiment complet », lance-t-elle.

La médaillée d’or olympique a eu des discussions avec le Freeride World Tour, qui réunit les meilleurs riders, en ski et en snowboard. Chaque année, ceux-ci prennent part à différentes compétitions en haute montagne. Ils reçoivent une note de 0 à 100 basée sur cinq grands critères. L’athlète ayant récolté le plus de points à la fin de la saison est sacré champion du monde.

Normalement, les athlètes doivent se qualifier pour prendre part à la tournée mondiale, mais le Freeride World Tour a offert un laissez-passer à Dufour-Lapointe. « C’était une opportunité en or pour moi d’aller pousser mes limites », dit celle qui sera la première Québécoise à y participer.

Pour la première fois depuis 12 ans, la Montréalaise ne passera donc pas son hiver à parcourir les pistes européennes du circuit de la Coupe du monde, où elle est montée sur le podium 49 fois en 117 départs.

J’avais besoin d’aller voir ce que j’étais capable de faire ailleurs, d’aller dans un nouvel environnement où je suis vraiment dans une zone d’inconfort, carrément.

Justine Dufour-Lapointe

« J’avais besoin d’aller chercher quelque chose de différent, d’être dans une zone où je dois travailler fort pour faire mes preuves. D’aller me surpasser personnellement, c’était un peu ça, ma quête. »

Lâcher-prise

En ce qui concerne l’inconfort, Justine Dufour-Lapointe devrait être servie avec le freeride. Comme il n’est ni olympique ni subventionné par le gouvernement, c’est elle qui doit financer ses voyages. Elle est d’ailleurs en quête de partenaires qui voudront l’aider à réaliser ce défi.

« Il faut que je m’entraîne, que je voyage partout dans le monde. Il faut que j’aille chercher des chaînes de montagnes beaucoup plus grandes que ce qu’il y a ici [au Québec]. Il faut que je paye mes déplacements. Il y a aussi le changement de devoir me trouver un coach », énumère-t-elle.

« J’ai aussi besoin de tout filmer, d’avoir une équipe pour m’aider à créer du contenu à travers tout ça. »

Sa nouvelle discipline l’oblige également à adopter un « lâcher-prise » sur certains aspects de son entraînement. « Avant, on skiait deux heures dans la journée et on rentrait dans la maison. Là, tu skies de 8 h le matin jusqu’à la fermeture des pistes, sans avoir d’objectifs clairs comme avant. […] On s’adapte à ce qu’on a avec la température, les conditions. »

La skieuse ne se le cache pas ; le freeride est un « sport extrême », encore plus que ce qu’elle faisait avant. Mais c’est aussi « vraiment sécuritaire », assure-t-elle.

« Quand on se prépare pour faire une compétition, ça vient avec un environnement qui est balisé, testé, vérifié pour les chances d’avalanches. […] C’est sûr que de sauter des roches et des falaises, c’est différent. Mais je pense que mes habiletés de faire l’exécution du saut sont là. »

En solo

Il fut un temps où les trois sœurs Dufour-Lapointe skiaient ensemble à travers le monde. En quelques années, les choses ont bien changé. L’aînée, Maxime, a accroché ses skis en 2018, puis Chloé a confirmé sa retraite en septembre dernier.

Pour la première fois, Justine se retrouve donc à voyager et à skier seule. Et c’est probablement ça, son deuil, plus que le ski de bosses en soi.

Être seule avec moi-même, je pense que c’est un super exercice vers la suite des choses, vers la vraie vie, en quelque sorte. C’est un inconfort que je m’apprête à embrasser.

Justine Dufour-Lapointe

« Je pense que ça fait partie du processus que j’ai envie de vivre, de partir par moi-même, vivre ma prochaine carrière, ma prochaine expérience de vie seule, sans mes sœurs. En même temps, je pense que c’est un passage obligé et qui va être quand même assez intéressant. »

Ça commencera dès jeudi. Elle s’envolera alors vers Whistler pour commencer son entraînement en vue de la première compétition de la saison, qui aura lieu du 13 au 18 janvier à Kicking Horse, en Colombie-Britannique. Elle y travaillera ses techniques et y suivra ses premiers cours d’avalanche.

« C’est plein de grandes étapes que je suis en train de défricher pour peut-être une prochaine génération, qui sait ? J’en suis extrêmement fière. »