Même s’il collectionne les étampes dans son passeport, le cœur d’Olivier Léveillé est toujours à Sherbrooke. Il est parti voir le monde en quête de records, mais il sait que les médailles ne s’achètent qu’avec l’expérience.

Léveillé était à Davos, en Suisse, à quelque 6000 kilomètres de son Estrie natale, lorsqu’il a décroché le téléphone.

En pleine préparation pour sa deuxième saison sur le circuit de la Coupe du monde, le fondeur de 21 ans vit à un rythme effréné depuis deux ans. Entre chaque aéroport, il a enchaîné les bonnes performances. La majorité des gens de sa génération ont souffert de la pandémie qui a égratigné une partie de leur jeunesse. Au cours de cette même période, Léveillé a consolidé ce pour quoi il travaille depuis si longtemps.

Rythme effréné

En 2020, il a gagné sa première médaille aux Championnats du monde juniors. L’année suivante, il en a ajouté une seconde. En 2022, il est devenu olympien. « C’est certain que c’est allé vite », admet-il. D’autant plus qu’il a fini la dernière saison de Coupe du monde en lion, avec deux top 10 à Falun, en Suède, la piste chouchou de plusieurs fondeurs. Sa performance au 15 kilomètres style libre, qui lui a valu une neuvième place, a été pour lui un moment de grâce. Surtout qu’il portait le dossard numéro 1. Il était donc le premier skieur à s’élancer sur cette piste mythique, devant une foule investie et une neige encore épargnée. Il était bien loin de ses séances d’entraînement au mont Orford.

C’est à son retour chez lui qu’il a réalisé à quel point ses exploits avaient pu résonner. À la fin de l’hiver dernier, il est retourné dans son club local. La vague d’amour qu’il a reçue de la part des jeunes skieurs l’a happé de plein fouet. « Ça m’a pris de court », précise-t-il. Il était ravi de constater l’enthousiasme que ses performances avaient pu générer, mais surtout d’avoir fait, malgré lui, la promotion d’un sport auquel il a décidé de consacrer sa vie.

Il faut montrer aux jeunes que c’est possible de croire en la haute performance.

Olivier Léveillé

Léveillé parle non seulement du ski de fond, mais aussi du sport en général, peu importe la discipline.

Sherbrooke est devenue une pépinière à olympiens et chacun d’entre eux est devenu un modèle. « Il faut donner le mérite à Excellence sportive Sherbrooke, insiste Léveillé. Ils font un super travail pour soutenir les athlètes. » Parmi la délégation canadienne envoyée aux derniers Jeux olympiques et paralympiques de Pékin, sept athlètes étaient originaires de Sherbrooke. Pour une ville d’à peine 170 000 habitants, « ce n’est pas rien » !

Une question de temps

En ski de fond, la patience est de mise. Dans un sport à long développement comme celui-ci, la plupart des athlètes arrivent à leur apogée à la fin de la vingtaine ou au tournant de la trentaine.

Au classement général de la dernière saison, seulement trois des quinze meilleurs fondeurs étaient âgés de moins de 26 ans.

Toujours à Falun, dans sa meilleure course à vie, Léveillé a détenu la position de tête pendant un bout de temps. Il a même fait mieux que le grand Iivo Niskanen. Néanmoins, le produit des années 2000 sait qu’il devra attendre encore un moment pour être aussi talentueux que le Finlandais.

C’est vrai que certains jours, j’aimerais progresser aussi vite que j’ai progressé entre 18 et 20 ans.

Olivier Léveillé

Il note cependant que sa progression est à point, avec ses six top 30 en 2022. Il traverse chaque étape de brillante façon et chaque foulée sur le circuit de la Coupe du monde est une corde de plus à son arc. « C’est sûr qu’on a envie de sauter sur les podiums tout de suite, mais je fais de mon mieux et j’aime ce que je fais, donc ça ne paraît pas trop long non plus », raconte-t-il.

Son rendement comme recrue est encourageant, soutient-il, et il avoue aussi se mettre une pression supplémentaire à l’amorce de sa deuxième année. « Parfois, j’ai peur de reculer dans le classement, d’avoir une moins bonne saison après les attentes que j’ai pu créer. » Sa clé pour effacer ses craintes est de se rappeler la raison pour laquelle il est embarqué sur ses spatules à l’âge de 5 ans. « C’est parce que j’aime ça. Je pense que c’est ce qui m’a permis de performer. »

Léveillé est toujours émerveillé. Il vit son rêve chaque jour, même qu’il ne le réalise pas pleinement. « Je ne le ressens pas comme je l’avais imaginé. » À force d’aller toujours plus vite, il est moins instinctif de regarder derrière pour constater tout le chemin parcouru. En revanche, Léveillé n’a jamais oublié d’où il venait.