La saison de ski de fond n’est pas encore commencée que ses adeptes font déjà face à un problème d’envergure. L’Université Laval a décidé de barrer l’accès aux pistes de la forêt Montmorency, l’un des sites les plus prisés en Amérique du Nord, pour la saison 2022-2023. Une décision qui est loin de faire l’unanimité.

La forêt Montmorency est un temple pour les fondeurs de la province. Située dans le parc des Laurentides, à environ 45 minutes de Québec, elle accueille les amateurs et les athlètes de pointe de la fin octobre jusqu’au début mai. En plus d’offrir des qualités de glisse exceptionnelles, le site est composé d’hébergements et de stations pour se nourrir. Un lieu sans pareil au Québec.

Néanmoins, l’Université Laval a pris la décision de bloquer l’accès au territoire qui lui appartient au profit de ses étudiants et de ses enseignants de la faculté de foresterie, de géographie et de géomatique, car « la Forêt Montmorency est un laboratoire de recherche et d’enseignement », a expliqué l’établissement dans un communiqué envoyé à La Presse. Dans cette même déclaration, l’Université précise que « les sentiers seront donc utilisés par la machinerie et ce secteur pourrait être dangereux pour les gens ».

Bien que l’Université se dise « conscient[e] que cette décision attriste de nombreux skieurs », les amateurs qui profitent habituellement des installations sont atterrés par ce choix.

Une pétition populaire

Mathieu Fréchette, skieur du dimanche habitué du site, n’a fait ni une ni deux lorsqu’il a appris que la rumeur qui circulait s’était concrétisée. Il y a deux semaines, il a lancé une pétition pour que les gens fassent connaître leur mécontentement.

Il faut que l’Université comprenne que cet endroit est important pour la communauté de ski de fond. Au départ, je pensais que ça allait rejoindre les gens de Québec, mais je me suis rendu compte que ça transcendait la région.

Mathieu Fréchette, skieur amateur et habitué des lieux

Il déplore que l’Université prive les citoyens du site qui, pense-t-il, fait l’envie de bien des nations dans le monde. « Je trouve ça dommage et déplorable qu’on ne tire pas profit de cette proximité avec un lieu de ski de cette qualité. »

La pétition n’est plus qu’à quelques signatures de son objectif de départ qui était de 10 000. « C’est une agréable surprise », admet son instigateur, M. Fréchette.

Une perte pour les athlètes

Cendrine Browne et Pierre Harvey ont utilisé exactement les mêmes mots pour décrire la situation : « C’est juste vraiment triste. »

Browne, olympienne et coordonnatrice du soutien aux athlètes chez Ski de fond Québec, explique que ce site, qui ouvre environ trois semaines plus tôt que la moyenne, permettait aux skieurs québécois de rivaliser avec les athlètes de l’Ouest qui comptent eux aussi sur des installations du même genre.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Cendrine Browne

D’ailleurs, ce lieu profitait non seulement aux athlètes de l’équipe nationale, mais aussi aux clubs civils, à l’équipe du Québec et même aux skieurs américains, qui s’y rendaient pour entamer leur saison.

L’équipe de développement du Québec était censée tenir son premier camp de la saison à la forêt Montmorency. « On essaie de se virer de bord. On brasse des idées, mais oui, la préparation des athlètes est en jeu », estime Browne.

De son côté, Pierre Harvey a toujours profité de ce site enchanteur. De l’époque où il était lui-même membre du Rouge et Or jusqu’à l’automne dernier.

« J’ai trouvé ça très malheureux. C’est triste, parce que c’est un endroit unique au Québec. Tous les éléments sont là. »

Pionnier dans son domaine, Harvey peine à se faire à l’idée, considérant que la forêt du parc des Laurentides s’étale sur des centaines de kilomètres, que l’Université Laval n’ait pas pu laisser une parcelle de son territoire aux fondeurs.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Pierre Harvey avec son fils, Alex

J’ai vraiment beaucoup de difficulté à comprendre. C’est immense, donc dommage qu’on ampute tout le ski de fond. J’espère qu’ils vont faire preuve d’ouverture.

Pierre Harvey

Tous les intervenants consultés croient qu’il y aurait place au compromis. Tant pour l’Université, qui pourrait laisser de l’espace, que pour les skieurs, qui pourraient faire avec l’idée que certaines pistes soient fermées pendant une période donnée.

Pendant la pandémie, la popularité du ski de fond a explosé. Cette décision vient briser, d’une certaine manière, l’élan que la discipline avait pris, ce que déplorent les trois intervenants.

La bonne nouvelle, s’il en existe, c’est que l’engouement et l’intérêt autour de cette situation prouvent que les fondeurs de tous calibres s’épaulent et se tiennent debout. « C’est impressionnant », lance Cendrine Browne. Puis, Pierre Harvey de répondre que « ça fait chaud au cœur de voir que les gens s’intéressent » au ski de fond et à ses athlètes.