« Je suis allée dans son garde-robe et j’ai juste enfoui ma tête dans ses vêtements. C’est la première chose que j’ai faite quand je suis revenue à la maison après le décès de mon père. »

C’est sur cette phrase que s’amorce le texte, puissant et senti, de la skieuse étoile américaine Mikaela Shiffrin publié jeudi sur le site The Players Tribune.

L’athlète active la plus victorieuse sur le circuit de la Coupe du monde raconte d’abord le moment où elle a reçu, en février 2020, un appel de son frère lui annonçant la terrible nouvelle : leur père avait eu un grave accident. À ce moment, Shiffrin était en voyage en Italie avec sa mère.

« La dernière chose que les médecins nous ont dite avant qu’on embarque dans l’avion, c’est : “ nous ferons tout en notre pouvoir pour le garder en vie jusqu’à ce que vous arriviez ” », relate-t-elle.

« Ce soir-là, tout le monde est sorti de la chambre d’hôpital et je suis montée sur le lit avec lui. J’ai juste mis son bras autour de moi. Je suis restée là pendant neuf heures, juste pour lui faire savoir que j’étais là. J’ai mis ma tête sur son torse et je pouvais encore entendre son cœur battre. Je sais qu’il a senti que j’étais là, avec lui. Je le sais. »

Dans un texte tout en sincérité, Shiffrin raconte son deuil. Un deuil qu’elle n’a pas encore complètement surmonté et qu’elle ne surmontera probablement jamais.

D’habitude, quand quelque chose de terrible t’arrive dans un cauchemar, tu te réveilles avec des sueurs froides, ton cœur bat très vite et tu réalises lentement que « Ok. C’était un cauchemar. Ouf. Ils ne sont pas réellement morts ».

Mikaela Shiffrin

« Pour moi, c’était l’inverse, continue-t-elle. Dans mes rêves, il était encore là. Quand je me réveillais, je réalisais lentement que le cauchemar était bien réel. »

Une lettre

En partageant son histoires, Mikaela Shiffrin espère aider ceux qui pourraient traverser une épreuve comme la sienne. C’est d’ailleurs la lettre d’un étranger, un bénévole d’un orphelinat de Portland, qui l’a elle-même aidée quand elle était à son plus bas, explique-t-elle. Ladite lettre a « profondément résonné » en elle.

« Je me souviens que ça disait : “ Tu auras probablement besoin de raconter des histoires à propos de ton père que tout le monde aura déjà entendues 100 fois, mais c’est correct. Continue de les raconter. ” »

« Ça disait : “ souviens-toi, le deuil n’est pas un processus intellectuel. ” Ça disait : “ c’est correct d’être fâché après ton père parce qu’il t’a quitté. ” Et ça disait : “ tu es endeuillé autant que tu aimes. ” »

« Si cette dernière partie est vraie, alors peut-être que je n’arrêterai jamais d’être endeuillée. Et c’est correct, aussi », ajoute-t-elle.

Après sa douloureuse perte, la skieuse a eu beaucoup de difficulté à reprendre son sport. Un sport qui, depuis toujours, fait partie intégrante de la famille Shiffrin. Un sport qu’elle a appris aux côtés de son père.

« Même quand j’ai trouvé la force de retourner sur la montagne, c’était une lutte constante de juste me sentir correcte. De ne pas me sentir coupable de faire la chose que j’aimais faire, explique-t-elle. Quand je savais que j’avais la chance de remporter ma première course après sa mort, j’ai vécu ce moment surréel en haut de la montagne, avant ma deuxième descente. Je savais que si j’avais une bonne course, je gagnerais. Mais si je gagnais, je gagnerais dans une réalité dans laquelle mon père n’est plus. Et je me demandais : est-ce que je veux seulement exister dans cette réalité ? »

Pékin

À la surprise générale, la skieuse américaine est sortie de parcours à trois reprises lors de ses cinq courses aux Jeux olympiques de Pékin, en février dernier. Elle n’a remporté aucune médaille, elle qui avait pourtant décroché l’or au slalom géant aux Jeux de Sotchi, en 2018.

À ce sujet, l’athlète explique que sa « vérité est beaucoup plus compliquée que ce que vous voyez à la télévision ou que ce que vous entendez dans une conférence de presse ». « Les gens me demandent toujours : “ qu’est-ce qui est arrivé, à Pékin ? ” Ils veulent une réponse. Et je n’en ai honnêtement aucune », écrit-elle.

« Après Pékin, quand j’ai remporté la Coupe du monde, les gens me disaient des choses comme : “ Mikaela, maintenant que t’es dans une meilleure place mentalement… ” […] Je ne l’ai jamais dit à voix haute, mais je me disais toujours : “ est-ce que je le suis réellement ? ” »

« Nous associons la victoire au fait d’être bien et l’échec au fait de ne pas être bien. Mais la vraie vérité, c’est que je ne suis ni bien, ni pas bien. Ça dépend de la journée et ça n’a presque rien à voir avec la vitesse à laquelle je descends une montagne. »