L’équipe de Saint-Léonard a triomphé aux championnats du monde même si elle ne « s’en allait pas là pour gagner »

Les Suprêmes de Saint-Léonard visaient – bien humblement – un top 3 aux Championnats du monde de patinage synchronisé. Elles ont finalement tout raflé. En plus de devenir la première équipe québécoise de l’histoire à mettre la main sur le titre mondial, elles ont établi deux records du monde. Qui dit mieux ?

L’évènement avait lieu du 7 au 9 avril, à Hamilton, en Ontario. La compétition a bien commencé pour le groupe entraîné par Marilyn Langlois, Pascal Denis et Amélie Brochu. Son programme court lui a valu 81,51 points, bons pour le deuxième rang.

C’est le lendemain, lors du programme libre, que les patineuses québécoises ont tout cassé. Toutes de rouge vêtues, elles ont offert une performance sensationnelle au son de la musique du film The White Crow, devant un public canadien imposant et enflammé. Leur résultat ? 154,80 points. Record du monde.

Leur pointage cumulatif ? 236,31 points. Un autre record.

« On est encore un peu sur notre nuage », lance Marilyn Langlois, jointe au téléphone par La Presse jeudi soir, quelques jours après que sa troupe eut été couronnée championne du monde.

Il va falloir qu’on se fasse un bon débriefing d’entraîneurs parce que, assurément, on a fait de très bons coups dans notre préparation, qui était loin d’être habituelle pour réussir à arriver là.

Marilyn Langlois, entraîneuse-chef junior et senior des Suprêmes

Résilience, détermination et créativité ont été de mise chez les Suprêmes au cours des dernières années. L’équipe a grandement souffert de la pandémie.

« Ça nous a empêchées de nous entraîner de façon adéquate, explique Langlois. C’était très difficile de garder la motivation parce que les athlètes qui font du patinage synchronisé, ils veulent faire du patinage synchronisé et non des séances de patinage individuel. Mais on a réussi à les garder dans le bateau. »

« On a créé des défis pour essayer de les garder motivées, continue-t-elle. On se fixait des objectifs à plus court terme. D’habitude, il y a les compétitions qui s’en viennent, mais là, on n’avait pas la carotte. »

Avant la pandémie, l’équipe s’était qualifiée pour les Mondiaux de 2020, qui ont été annulés. Tout comme ceux de 2021. Pendant que la troupe québécoise était privée d’entraînements en présentiel en raison des mesures gouvernementales, ses adversaires continuaient de se perfectionner et de compétitionner dans leurs pays respectifs.

Ultimement, les Suprêmes n’ont pris part à aucune compétition en deux ans. En février dernier, elles ont participé aux Championnats canadiens, leur première compétition depuis le début de la pandémie. Et elles ont triomphé, ce qui leur a permis d’obtenir leur billet pour les Mondiaux.

Espoirs dépassés

Après les Championnats nationaux, la formation de Saint-Léonard ne disposait que d’un mois pour se préparer pour les Mondiaux. Comble de malheur, elle a été frappée par la COVID-19, et plusieurs patineuses ont de nouveau dû se résigner à s’entraîner à distance.

« Ce n’est pas comme une équipe de hockey ! lance Marilyn Langlois. Tu ne peux pas remplacer les joueuses. […] On a axé les entraînements sur des objectifs différents : la qualité, le côté artistique, la musicalité. On faisait des appels Zoom avec les filles qui étaient à la maison. Elles faisaient les entraînements sur pieds en regardant. »

Ce n’est qu’une semaine avant les Mondiaux que l’équipe a pu se réunir et faire la routine en entier pour la première fois.

« Elles ont tellement travaillé fort, insiste l’entraîneuse. Les filles, on le savait qu’elles étaient bonnes. On savait qu’on avait de bons programmes. »

« On ne s’en allait pas gagner les Championnats du monde, précise-t-elle toutefois. Mais on savait qu’on pouvait faire un top 3 parce que notre équipe était de calibre. »

Comme elles ne s’étaient mesurées à personne à l’international, il leur était difficile, voire impossible, de se comparer à leurs adversaires. Et elles ne pouvaient se baser sur leur pointage obtenu aux Nationaux, où le panel de juges n’est pas le même.

« Notre objectif ultime, ça sonne cliché quand on le dit, mais c’était d’avoir du plaisir. Parce que ça fait deux ans et demi que les filles attendaient un Mondial. »

Au programme court du vendredi, les Suprêmes ont tout donné sur la patinoire. Mais elles étaient surtout heureuses d’être là et de se mesurer à 22 équipes en provenance de 19 pays.

PHOTO NICK IWANYSHYN, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Patineuses de l’équipe des Suprêmes de Saint-Léonard

« Le lendemain, notre mission, ce n’était pas de gagner encore, raconte Langlois. C’était d’avoir du fun comme la veille ! On se disait : on va voir ce que ça va donner. Et là, pouf ! Ça sort ! 154 points ! Ayoye, wow ! C’est incroyable ! »

La dernière médaille des Suprêmes aux Mondiaux remontait à 2003. Elles avaient décroché le bronze.

Objectif olympique

Voilà plusieurs années que le patinage synchronisé tente de faire sa place dans le programme olympique. Le sport, pourtant très pratiqué au Québec, est plutôt méconnu du grand public. De l’avis de Marilyn Langlois, le manque de couverture médiatique y est pour beaucoup.

Il faut qu’on fasse comprendre au Comité olympique qu’on a un public. Et il y en a un parce que chaque fois que les gens voient ça pour la première fois, ils se disent : c’est donc bien beau !

Marilyn Langlois, entraîneuse-chef junior et senior des Suprêmes

« Je sais que les gens qui sont sur le comité de l’Union internationale de patinage (ISU) travaillent vraiment fort pour que ça arrive. Ils ont fait les applications. On ne sait pas si ça va fonctionner, mais on le souhaite de tout notre cœur.

« En même temps, on sait que si ça n’arrive pas tout de suite, on va continuer à vivre parce que c’est un sport rassembleur. [Les athlètes] apprennent tellement de belles choses. Ils sortent de nos écoles et sont outillés pour le reste de la vie. »

Les membres des Suprêmes de Saint-Léonard

  • Amelia Asparian
  • Anouk Begin
  • Karianne Begin
  • Julia Bernardo
  • Anne-Claude Champagne
  • Loriana Cocca
  • Marie-Ève ​​Comtois
  • Laurie Desilets
  • Olivia Di Giandomenico
  • Lisanne Foley
  • Charlotte Grutter
  • Alessia Hart-Lewis
  • Giulia Hart-Lewis
  • Audrey-Ann Lajeunesse
  • Agathe Sigrid Merlier
  • Andréanne Paradis
  • Martha Maria Pietrasik
  • Florence Poulin
  • Olivia Ronca
  • Emmakaisa Tikkinen