Le moment est venu. Et il promet d’être fort en émotion. Charles Hamelin, légende du patinage de vitesse sur courte piste, glissera sur ses longues lames pour la toute dernière fois ce week-end, aux Championnats du monde à Montréal.

« Si tu avais dit au Charles Hamelin de 2001 qui a fait ses premiers Mondiaux juniors qu’il serait encore là à 37 ans, il ne t’aurait pas cru et aurait été un peu sur le cul », a lancé le patineur, mercredi après-midi.

« Il faut juste aimer ce que tu fais, croire en tes rêves et foncer. Tout peut arriver. »

Alors que les Mondiaux ne doivent s’amorcer que vendredi matin, l’émotion était déjà palpable entre les murs de l’aréna Maurice-Richard, mercredi, lors de la conférence de presse des patineurs canadiens – les mêmes qui ont pris part aux Jeux olympiques de Pékin.

Hamelin était, naturellement, au centre de l’attention. Quelques-uns de ses coéquipiers ont d’ailleurs été invités à s’exprimer sur la page d’histoire qui se tournera dans quelques jours.

« Je vais être émotive », a d’abord soufflé Kim Boutin, le trémolo dans la voix et les yeux pleins d’eau.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Kim Boutin

Charles a été un modèle pour tellement d’athlètes. Vivre ça ici pour la dernière fois, c’est juste incroyable. Que la foule soit là pour lui, je trouve ça beau. J’ai de la misère à parler en ce moment… Charles a été un modèle tout au long de ma carrière. C’est à travers lui que j’ai cru en mes rêves, que j’ai cru que je pouvais écrire ma propre histoire.

Kim Boutin

Hamelin, communément surnommé la Locomotive de Sainte-Julie, peinait aussi à contenir ses émotions. « Vous voulez me faire pleurer, c’est ça ? », a-t-il lancé, provoquant un rire collectif, quand un journaliste lui a demandé de réagir à cet hommage.

« C’est un peu surréel, a-t-il continué. Ça fait tellement longtemps que je suis là, que je patine, que c’est normal de faire des compétitions… Là, c’est la dernière. Entendre ça, c’est sûr que ça vient me chercher. Ça me rend émotif. Mais ce que j’aime le plus dans tout ça, c’est que je suis confiant que cette gang-là va perpétuer ce que j’ai fait depuis tant d’années avec les autres équipes, les autres patineurs qui ont pris leur retraite.

« Là, c’est mon tour. Mais eux sont là pour prendre le lead. Derrière, il y a des jeunes qui poussent, qui sont là. Vous allez découvrir des jeunes qui veulent travailler, écrire leur propre histoire. »

Devant Violette

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Charles Hamelin au retour des Jeux olympiques de Pékin en compagnie de sa conjointe, Geneviève Tardif, et de leur fille, Violette

Le sextuple médaillé olympique ne prendra part qu’à une épreuve, le relais 5000 m, aux côtés de ses coéquipiers olympiques Steven Dubois, Pascal Dion, Jordan Pierre-Gilles et Maxime Laoun. L’athlète de 37 ans a fait le choix de ne disputer aucune épreuve individuelle pour profiter pleinement du moment, sans trop de pression.

Il y aura, dans les gradins, une cinquantaine de membres de sa famille. Du lot, sa conjointe et sa fille. Ce sera la première et la dernière fois que la petite Violette verra son papa à l’œuvre.

Je ne voulais pas que ma fille manque ça. On lui a acheté ses petits cache-oreilles pour que le bruit de la foule ne la dérange pas trop, mais j’ai juste hâte de l’avoir avec moi durant la compétition pour qu’elle sente l’ambiance. Elle me voit à la télévision, elle sait que je fais du patin, mais je veux qu’elle sente l’énergie de la foule dans une compétition. J’ai hâte.

Charles Hamelin

Évidemment, ses coéquipiers voudront offrir à Hamelin une dernière médaille, sa 38e en Championnats du monde. Mais il n’est pas pour autant question de pression supplémentaire.

« On sait ce qu’on a à faire, a indiqué Pascal Dion. On fait notre travail. Charles, comme n’importe quel autre gars, accepte l’erreur. Si on est audacieux, si on essaie de foncer et de courser pour gagner… S’il y a une erreur, tant pis. Mais je pense qu’on est plus contents si l’attitude du groupe en est une de gagnants. Je pense que personne ne va se retenir, et on va essayer de foncer pour gagner ça. »

Une foule locale

Les patineurs canadiens ont dû s’entraîner dans l’incertitude au cours des dernières semaines. Il y a environ deux mois, on annonçait que l’évènement n’aurait finalement pas lieu à Montréal. Puis, l’invasion russe en Ukraine a changé les plans de nouveau : c’est bien dans la métropole qu’allaient se dérouler les Mondiaux, mais en avril plutôt qu’en mars.

Ce sera la première fois en deux ans que les représentants de l’unifolié auront l’occasion de compétitionner devant famille et amis. L’aréna sera d’ailleurs rempli au maximum de sa capacité samedi et dimanche.

« Une des choses que j’aime le plus dans ma vie, c’est ça, a évoqué Hamelin. Avoir la foule derrière nous qui crie pour te faire accomplir des choses que tu ne pensais même pas toi-même être capable d’accomplir. J’espère que ça va arriver aux gars et aux filles parce que c’est un sentiment incroyable. »

Chez les femmes, la Néo-Brunswickoise Courtney Sarault défendra son titre de vice-championne du monde sur 1500 m décroché l’année dernière à Dordrecht, aux Pays-Bas. Alyson Charles et Kim Boutin prendront aussi part à des épreuves individuelles.

Chez les hommes, le meneur au classement de la Coupe du monde du 1000 m, Pascal Dion, ainsi que Jordan Pierre-Gilles et Steven Dubois seront à l’œuvre dans les distances individuelles. Dubois tentera de poursuivre sur sa lancée, lui qui a remporté trois médailles à ses premiers Jeux olympiques, en février dernier.

« De la façon dont je me sens en ce moment, je pense vraiment que je peux faire quelque chose de super en fin de semaine, a-t-il affirmé. […] Je vais essayer de garder ce que j’ai fait qui a bien fonctionné aux Jeux et de l’appliquer en fin de semaine. Mais je ne suis pas surconfiant. Je vais l’approcher sans aucune attente. »