(Québec) Ils étaient une vingtaine de jeunes rassemblés devant la porte des arrivées à l’aéroport Jean-Lesage. C’était une fin de jeudi gris à Québec. Mais ces petits patineurs avaient fait la route depuis Lévis pour être ici.

Ils agitaient des pancartes avec son prénom écrit en grosses lettres : LAURENT. L’un des passagers, surpris par le comité d’accueil, a murmuré : « C’est qui, Laurent ? » Un autre s’est exclamé, en direction des journalistes : « Vous attendez Star Académie ? »

Le comité d’accueil n’attendait ni académicien ni joueur de hockey. Il attendait Laurent Dubreuil, l’homme qui a redonné ses lettres de noblesse au patinage longue piste québécois, qui rentrait jeudi en fin de journée d’un éreintant voyage de dix semaines dans le monde.

« Ce que j’ai envie de faire en ce moment, c’est de passer un après-midi où je m’effoire sur un divan et je joue aux jeux vidéo. C’est niaiseux de même », a lâché Dubreuil, d’une franchise désarmante avec les journalistes, alors que sa fille Rose tournoyait autour de lui.

L’athlète de 29 ans a sorti de ses bagages un énorme trophée. Cette saison, il a remporté la Coupe du monde de patinage de vitesse longue piste sur 500 m. C’est le premier Québécois à l’avoir fait, et le deuxième Canadien.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Laurent Dubreuil et sa fille Rose

Puis il a sorti sa médaille d’argent gagnée aux Jeux olympiques de Pékin. Les jeunes du Club de patinage de vitesse de Lévis présents à l’aéroport ont écarquillé les yeux.

« Quand il est arrivé, il a tout de suite montré sa médaille à un enfant plutôt que nous la montrer ! », a remarqué sa mère, Ariane Loignon, qui note que le champion est resté très près des petits patineurs.

« Je suis rassasié »

Tous ces honneurs, il les a remportés depuis son départ de Québec, fin janvier. Il a été parti pendant plus de deux mois. « C’est mon plus long voyage », dit-il.

Peut-être aussi son plus beau. Dubreuil a pris le temps de revenir sur ce qui a été probablement sa « plus belle saison en carrière ». Au seuil de la trentaine, il commence aussi à faire des bilans provisoires de sa carrière.

Il reste des trucs que je veux accomplir, c’est sûr. Je peux être meilleur, je veux être meilleur. Je ne suis pas rassasié. Je vais essayer l’année prochaine de battre les temps de cette année, c’est clair.

Laurent Dubreuil

« Mais si je ne gagne plus aucune médaille de ma vie, je vais quand même avoir une très belle carrière. Je suis rendu là. Que ça arrive ou n’arrive pas, je suis heureux de ce que j’ai accompli. Il n’y a plus vraiment de pression pour le reste de ma carrière. »

Une chose est sûre, les succès de Dubreuil participent à un engouement nouveau pour le patinage longue piste dans la région de Québec. Car si les Québécois sont dominants en courte piste (anneau de 111 m), leurs succès sont sporadiques en longue piste (anneau de 400 m).

« On est en relance du longue piste. Il y a eu une période où ce n’était pas facile. On s’entraînait à l’extérieur, il faisait froid, il ventait. Les jeunes de moins de 10 ans partaient au vent, carrément. Maintenant qu’on a un nouveau centre de glace intérieur, il y a un engouement pour le longue piste. C’est merveilleux », lance Gontrand Lévesque, président du Club de patinage de vitesse de Lévis, rencontré à l’aéroport.

L’homme faisait référence au nouvel anneau de glace couvert à Sainte-Foy. Maintenant, des jeunes de la région vont s’y entraîner en longue piste.

« Je pense qu’il va y avoir un nouvel engouement dans la région de Québec pour le longue piste. Et d’ici quelques années, les Québécois vont devenir plus dominants », croit-il.

Laurent Dubreuil est conscient du rôle qu’il joue auprès des jeunes. « Ce que j’ai accompli a un impact sur les jeunes, et c’est tant mieux. Moi, quand j’étais jeune, c’était Kalyna Roberge qui avait gagné des médailles en courte piste. Elle vient du club de Lévis aussi, et ça nous avait inspirés quand on était jeunes. Si ça peut faire la même chose ! »

Il va maintenant s’offrir quelques semaines de repos après une saison mouvementée. Puis il va recommencer l’entraînement. Il jure qu’il a déjà hâte.

Car même si on sent parfois le détachement du vétéran dans ses propos, il est clair que Dubreuil veut encore gagner. Son long voyage n’est pas fini.

« C’est sûr que je ne suis pas en train de dire : “Ce n’est pas grave si je finis 15e, j’ai une médaille olympique”, dit-il. C’est sûr que je vais me sentir différemment la veille du Championnat du monde dans un an. »