Les trois skieurs japonais se tenaient en rang en attendant la note des juges. Une rare erreur de Mikaël Kingsbury leur permettait d’espérer un triplé sur le podium.

« Il a pris de l’air et il est arrivé un peu taqué, le Canados ! », avait lancé le commentateur à la Coupe du monde de l’Alpe d’Huez, vendredi.

De fait, le Québécois de 29 ans a commis une rare erreur qui lui a coûté très cher en super-finale de l’épreuve de bosses en simple.

Pas assez grave pour lui coûter le podium – désolé, Kosuke Sugimoto, qui a baissé la tête en apprenant qu’il terminait quatrième –, mais suffisante pour permettre à Ikuma Horishima et Daichi Hara de finir respectivement premier et deuxième.

Avec 81,34 points, Kingsbury a dû se contenter de la troisième place. « C’est sûr que je suis un peu déçu du résultat, mais la saison est longue et j’ai le temps de me rattraper », a commenté Kingsbury quelques minutes après la cérémonie du podium, sa 96e en 115 départs sur le circuit.

Vainqueur de l’épreuve inaugurale de Ruka, le 4 décembre, le champion olympique a pris le huitième rang la semaine dernière à Idre Fjäll, son pire classement en 10 ans en simple. Il a cependant rebondi le lendemain avec une victoire en parallèle, sa 67e en Coupe du monde.

Meneur de la qualification et de la première finale à l’Alpe d’Huez, Kingsbury a encore été largement le plus rapide de la super-finale, dévalant la pente en près de deux secondes de moins que les cinq autres finalistes. Mais sa vitesse sur le deuxième saut l’a un peu déstabilisé et il est arrivé sur l’arrière de ses skis à l’atterrissage.

C’est sûr que j’ai entendu le score d’Ikuma en haut : 87. Je savais que j’avais fait ce score-là en finale 1. Je me sentais bien en haut de parcours, mais je suis peut-être rentré un peu trop vite dans le saut du bas, ce qui m’a fait atterrir un peu trop loin. C’est beaucoup là que ça s’est joué.

Mikaël Kingsbury

Kingsbury a révélé avoir éprouvé des ennuis toute la semaine sur le deuxième saut, dont l’aire d’atterrissage était un peu trop plate à son goût. Il a donc joué de prudence toute la journée avec un saut désaxé de 720 degrés plutôt que 1080 comme Horishima. La stratégie a fonctionné en qualifications et en finale 1, mais pas en super-finale.

« J’ai décidé d’y aller un peu pour le temps, mais j’y suis allé un peu trop fort en super-finale dans le bas de parcours. Mais de manière générale, je suis content de la façon dont je skie et je me sens dans le portillon de départ. »

L’athlète de Deux-Montagnes était particulièrement heureux de son premier saut périlleux avec vrille, « probablement l’un des meilleurs que j’ai faits en compétition ».

Horishima conserve le maillot jaune de meneur au classement cumulatif de la Coupe du monde en simple, augmentant son avance de 40 points sur le Canadien (260 à 192).

« De toute évidence, ce n’est pas le résultat que je souhaite, a admis Kingsbury. La saison est longue, mais je vais pousser jusqu’à la fin. Je sais que je recule un peu derrière Ikuma dans le classement, mais j’aime toujours mes chances.

Kingsbury aura l’occasion de se reprendre ce samedi avec le deuxième parallèle de la saison. « J’ai bien fait en duel à Idre Fjäll et je suis excité pour [samedi]. C’est une autre journée, je vais donc essayer de skier un peu mieux. »

Horishima était heureux de renouer avec son compatriote Hara sur le podium, mais un peu déçu que Sugimoto n’ait pas été en mesure de compléter le balayage japonais. « Kingsbury a fait une petite erreur, je pensais que ça y était. Le prochain but, c’est de faire ça aux Olympiques », a-t-il annoncé en riant.

L’entraîneur-chef de l’équipe canadienne de bosses, Michel Hamelin, estime que les Japonais ont tiré profit de la neige un peu « slusheuses » et des « grosses bosses » de l’Alpe d’Huez, semblables à ce qu’ils retrouvent dans leur pays. « Ils s’entraînent toujours dans ces conditions, j’avais le feeling qu’ils feraient bien aujourd’hui. »

Après avoir vu Horishima récolter 87 points pour sa descente, le duo canadien a décidé de miser sur une descente semblable à la première finale, où Kingsbury avait lui aussi inscrit 87 points.

« Les sauts difficiles étaient compliqués à accomplir cette semaine. On a opté pour plus simple, mais pleine qualité et rapide. C’est sûr qu’une erreur s’est créée [après le saut du bas]. Le plan n’a pas fonctionné, ça, c’est clair. »

Les autres Canadiens

Kerrian Chunlaud a été le seul autre Canadien à atteindre la première finale réservée aux 16 premiers.

Le skieur de Sainte-Foy, le plus rapide après Kingsbury, a perdu un peu de son style en milieu de parcours et n’avait pas le plein contrôle sur la deuxième rampe de saut. Il a abouti au 11e rang, son meilleur résultat depuis la compétition d’ouverture de l’hiver dernier, en décembre 2020. Il a ainsi récolté de précieux points dans le processus de qualification olympique.

« Lui, on essaie de contrôler son intensité, a indiqué Hamelin. Il est un peu wild, assez intense. En haut, il en veut, il veut aller vite, il aime ça. »

Chez les femmes, la Torontoise Berkley Brown a été la meilleure Canadienne, se classant 15e de la première finale où elle a chuté après le premier saut.

Chloé Dufour-Lapointe (20e), Sofiane Gagnon (23e), Justine Dufour-Lapointe (35e) et Maia Schwinghammer (n’a pas terminé) se sont arrêtées aux qualifications disputées durant la matinée.

Un écart après l’atterrissage de son premier saut désaxé a coûté beaucoup de points de style à Chloé, a précisé Hamelin. Quant à Justine, elle s’est fait surprendre par des morceaux de neige déplacés par les concurrentes précédentes, ce qui a provoqué une « erreur majeure » à mi-pente.

« C’est décevant parce qu’elle était en feu aujourd’hui [vendredi]. Elle allait certainement faire quelque chose de bon. Ce sont des choses qu’on ne peut pas contrôler, quoiqu’on aurait peut-être pu l’anticiper. On s’est fait mettre des bâtons dans les roues. On a fait des plaintes, comme l’équipe américaine, dont deux filles se sont aussi fait avoir. »

L’Australienne Jakara Anthony s’est facilement imposée avec 85,97 points, une avance de plus de huit points sur la Japonaise Anri Kawamura (77,21) et l’Américaine Tess Johnson (76,64). Il s’agissait d’un quatrième podium d’affilée et d’une première victoire pour Anthony depuis le début de la saison.

La super-finale a été assombrie par la lourde chute de la Française Perrine Laffont, touchée aux côtes. La championne olympique devait décider plus tard si elle s’alignerait à l’épreuve en parallèle ce samedi, dont elle a réalisé le deuxième score des qualifications.

« Quelques claques sur la gueule… »

À l’approche de l’échéance de la qualification olympique, le 16 janvier, l’entraîneur Michel Hamelin sent la pression envahir ses skieurs. « Je vois le stress des athlètes en haut de la piste. La plupart du temps, ça les motive, ils sont plus précis, ils vont se battre. Là, on dirait que la gang pousse peut-être une coche de trop. Ils commettent des erreurs majeures et ne passent pas au prochain niveau. »

Derrière Kingsbury, qui n’est lui-même pas à son mieux, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Sofiane Gagnon, de Whistler, est la seule autre à avoir percé le top 10. La qualité du plateau féminin, très jeune, est particulièrement remarquable. « On a mangé un peu quelques claques sur la gueule », a reconnu Hamelin.

Pour les JO de Pékin, il est à peu près assuré qu’au moins deux femmes et deux hommes y seront en bosses. Pour atteindre le quota maximal de quatre athlètes par genre, « il va falloir se battre jusqu’à la fin. Ça va être dur ».

Les bosseurs seront comparés à leurs collègues de sauts, de demi-lune, de slopestyle/big air et de ski cross. La bonne nouvelle est qu’il reste quatre rendez-vous avant la date fatidique, dont les deux prochains à Mont-Tremblant en janvier.