Quelle est la différence majeure entre un entraînement de ski et une compétition de ski ? « Tu ajoutes un chronomètre et des bénévoles éparpillés sur la piste. »

Au bout du fil, Daniel Paul Lavallée est dans tous ses états. Le directeur général de Ski Québec Alpin n’a pas fermé l’œil de la nuit. Le resserrement des mesures sanitaires, annoncé jeudi soir, a jeté une douche froide sur la fédération provinciale et ses membres. Le DG a écrit à toutes les instances publiques imaginables pour essayer de sauver le début de saison des jeunes skieurs québécois. En vain.

Devant la flambée des cas de COVID-19, le gouvernement Legault a décidé de laisser libre cours à la pratique des sports, mais en interdisant l’organisation de compétitions ou de tournois. Les affrontements entre deux équipes demeurent toutefois permis pour les sports intérieurs, pour peu que le nombre de participants soit inférieur à 25.

Cette mesure vise explicitement à limiter, voire interdire les rassemblements. Cependant, elle range dans la même catégorie des sports dont les réalités n’ont strictement rien en commun.

Par exemple, des matchs de hockey, de basketball ou même de soccer intérieur pourront avoir lieu. Mais les skieurs seront restreints à l’entraînement.

Pourtant, M. Lavallée insiste : « Le contexte de l’entraînement et de la compétition, c’est à 90 % pareil. Interdire la compétition, c’est incompréhensible. »

« Imaginez une piste de slalom géant de 250 m de long et de 45 m de large, poursuit-il. La piste est fermée en haut et en bas. Il y a des filets de sécurité. L’entrée vers le portillon et l’aire d’arrivée sont contrôlées. Il n’y a jamais plus que cinq ou six athlètes en haut, au départ, jamais plus qu’un à l’arrivée, et jamais plus que trois sur le parcours à cause des intervalles de sécurité. On parle de 10 athlètes sur un espace équivalant à 20 terrains de soccer. À l’extérieur. Alors que tout le monde est vacciné. »

Facile à gérer

Même si des compétitions peuvent regrouper une centaine d’athlètes, il est faux de penser qu’ils sont tous rassemblés au même endroit, au même moment, renchérit M. Lavallée. Lorsqu’un skieur n’est plus dans l’aire de compétition, « il devient un client de la station de ski ».

« S’il y a une inquiétude à cause des spectateurs, on n’a qu’à décider qu’il n’y en aura pas ! Ce sont des aspects très, très faciles à gérer », ajoute le DG.

M. Lavallée sentait « la soupe chauffer » au cours des derniers jours, alors que le nombre d’infections au coronavirus augmentait en flèche dans la province et que des rumeurs de nouvelles restrictions étaient dans l’air.

Il dit avoir senti que ses doléances avaient été entendues au ministère de l’Éducation et au ministère de l’Enseignement supérieur, qui chapeautent les sports. Au cabinet de la ministre déléguée Isabelle Charest, on affirme avoir fait des « représentations » en hauts lieux, mais c’est ultimement la Santé publique et le cabinet du premier ministre qui ont la prérogative de trancher.

À une question écrite de La Presse sur la situation du ski alpin et des sports extérieurs, un porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux a répondu que « la mesure est générale pour tous les sports parce qu’il est important de donner un coup de barre pour réduire la contagion ».

Des répercussions jusqu’aux JO

Le souhait de renouer avec la compétition n’est pas un caprice, insiste-t-on à Ski Québec Alpin.

Après une saison 2020-2021 consacrée exclusivement à l’entraînement, une absence de compétition en 2021-2022 pourrait pousser de nombreux skieurs à abandonner le volet compétitif.

« Ces jeunes, c’est la génération d’olympiens de 2026 et de 2030, rappelle Daniel Paul Lavallée. On est en train de les démotiver. Ça va avoir des conséquences longtemps. »

Pour progresser, les athlètes de plus de 16 ans de niveau élite doivent participer à des compétitions sanctionnées par la Fédération internationale de ski (FIS), afin d’y amasser des points de classement. « Quand tu améliores tes points, tu obtiens un meilleur dossard de départ à ta course suivante… Ils ont besoin de faire des courses FIS s’ils veulent progresser, explique le DG. La fenêtre de développement des skieurs est tellement petite, ils ne peuvent pas perdre une autre année. »

Déjà, dans la foulée des dernières annonces gouvernementales, quatre courses qui devaient lancer la saison, la semaine prochaine, ont été annulées à Saint-Sauveur et à Mont-Tremblant. On a stoppé en catastrophe l’organisation de ces évènements, alors que les bénévoles devaient amorcer l’aménagement des lieux vendredi. On a aussi averti les participants issus des États-Unis ou des autres provinces canadiennes de rester à la maison.

Daniel Paul Lavallée affirme que la Fédération ne ménagerait aucun effort pour sauver l’évènement à la dernière minute si Québec annonçait un assouplissement pour les sports extérieurs. Car, insiste-t-il, la compétition est un « besoin essentiel en ski alpin ».

« Même au niveau des clubs, à la base, les jeunes s’entraînent avec un but, celui de faire des courses. » Et non pas juste d’aligner les descentes.