(Killington, Vermont) « Where is Mimi ? » Accoudée au bar d’un restaurant mexicain de Killington, dimanche soir, une « ski bum » s’enquérait de la raison de l’absence de Marie-Michèle Gagnon à la Coupe du monde de ski alpin.

La Canadienne n’est pas passée inaperçue à ses quatre présences précédentes dans le Vermont. En 2016, une soixantaine de ses proches avaient loué une auberge pour assister à ses courses.

Cinq ans plus tard, Gagnon ne touche plus du tout aux épreuves techniques (slalom et slalom géant), les seules disputées à Killington le week-end dernier.

Pour cette pause de l’Action de grâce, « Mimi » prenait plutôt du bon temps en famille à la résidence de son fiancé, le skieur américain Travis Ganong, à Lake Tahoe, en Californie.

Avant de déguster la traditionnelle dinde, elle a pris quelques minutes pour discuter de la saison qui s’amorcera pour elle cette semaine à Lake Louise. Si la météo ne fait pas des siennes comme pour les hommes – deux épreuves annulées la semaine dernière –, elle s’élancera pour deux descentes et un super-G à partir de vendredi.

Après un stage final de préparation dans le Colorado, où elle a pu se mesurer à la plupart de ses rivales des autres nations dans des conditions optimales, son optimisme est au beau fixe.

« C’était vraiment bon, a-t-elle confié d’un ton enthousiaste. Mon ski va bien. Il est solide, constant, rapide. Je suis contente. »

Évidemment, c’est juste de l’entraînement. On verra en course. Mais je commence la saison avec une bonne confiance.

Marie-Michèle Gagnon

À sa deuxième campagne avec l’entraîneur Hansjörg Plankensteiner, l’athlète de 32 ans a senti une amélioration dès qu’elle a posé ses skis sur le glacier de Zermatt, à la fin d’août. L’équipe suisse a accueilli la seule Canadienne à faire de la vitesse à temps plein.

« Les exercices techniques qu’on avait faits sur la neige l’année d’avant étaient devenus plus naturels. Rapidement, j’ai vu le changement. J’étais déjà à un niveau technique plus avancé. »

Joint lundi à Lake Louise, Plankensteiner cachait mal son enthousiasme. « C’est mieux de ne pas trop parler en ce moment – la course est une autre chose –, mais Mitch a été vraiment bonne. Elle a fait de très bons temps et elle est très forte après un bon été d’entraînement. Je pense qu’elle est à un meilleur endroit qu’elle ne l’était à la même période l’an dernier. »

En 2020, la skieuse de Lac-Etchemin avait choisi de se consacrer entièrement au super-G et à la descente. Elle avait dû convaincre les décideurs de Canada Alpin de la pertinence de son projet. Après une première moitié de saison irrégulière, elle a pris son élan en janvier, terminant troisième du super-G de Garmisch-Partenkirchen, son premier podium en cinq ans, le tout premier dans une discipline de vitesse.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Michèle Gagnon

« C’était comme la cerise sur le sundae, je ne m’y attendais pas. Ç’a toujours été un rêve de faire un podium en vitesse. »

L’ancienne slalomeuse a ensuite bien fait aux Championnats du monde de Cortina (6e en super-G, 13e en descente après une grosse erreur en haut de parcours) avant de conclure l’hiver en force avec deux sommets personnels en descente (7e et 9e).

Grâce à cette solide fin d’hiver, Gagnon peut partir avec de meilleurs dossards de départ dès le début de la saison. Elle occupe présentement le 9e rang en super-G et le 15e en descente. Elle n’était pas parmi les 30 meilleures un an plus tôt.

« Ça va m’aider. En vitesse, tu dois avoir les mêmes conditions que les autres filles qui vont vite. Si tu pars plus tard, la lumière et la neige sont un peu différentes. Plein d’aspects peuvent faire varier la performance. »

Une question d'équipement

L’équipement est l’un de ceux-là. À sa deuxième année avec Head, elle se dit en pleine confiance. Elle a quand même eu une petite peur, cet automne, quand le nouveau technicien qui devait la suivre est tombé malade. Plankensteiner a joué le double rôle pendant un mois.

À la « dernière minute », ils ont déniché un technicien de très bonne réputation : l’Italien Augusto Gillio, qui accompagnait le Suisse Didier Défago lors de sa médaille d’or à la descente olympique de Whistler, en 2010.

« On a trouvé une perle, a affirmé Gagnon. Il est hyper expérimenté en vitesse. Il vient de la région de Courmayeur. On parle donc français et on s’entend super bien. C’est très cool. Tout le monde me dit : “Oh my God, tu as Augusto, tu es tellement chanceuse !” Il est super bien reconnu dans le milieu. »

Mentor du vétéran-descendeur italien Christof Innerhofer depuis près de trois décennies, Plankensteiner a découvert en Gagnon une athlète aussi engagée.

« Ils sont similaires. Très professionnels et prêts à donner le maximum chaque jour. C’est parfois même un peu trop. Elle veut toujours une descente de plus. Je dois quelquefois l’arrêter. »

Refusant de s’imposer de la pression, Gagnon ne veut pas chiffrer ses objectifs en 2021-2022. « Je suis vraiment à une bonne place en ce moment. Si je continue de skier comme je l’ai fait dans les derniers mois, je sais que ça va donner de bons résultats. »

Blessée à un genou en 2017-2018, Gagnon a donc raté les Jeux olympiques de PyeongChang. Dès lors, elle avait tourné ses yeux vers Pékin, qui seraient ses troisièmes.

Je n’en reviens pas, ça fait déjà quatre ans. Wow ! J’ai tellement de plaisir en vitesse. J’ai du fun tous les jours, même quand les choses vont moins bien.

Marie-Michèle Gagnon

Elle aimerait arriver dans la capitale chinoise sur une bonne séquence, même si elle sait que cela viendrait avec des attentes. « Ce serait quand même cool d’être l’une des favorites parce que ce n’est pas une situation que j’ai vécue souvent. »

Ses parents et l’un de ses frères seront là pour l’encourager à Lake Louise cette semaine. Elle en sera à son 11e départ dans la célèbre station albertaine, où elle a fini 10e du super-G en 2013.

« Si elle fait une course normale, elle peut finir parmi les 10 premières, a prédit son coach. Elle peut aussi terminer dans les cinq meilleures. »