Connaissez-vous Katharina Gallhuber ? À la surprise générale, l’Autrichienne a remporté la médaille de bronze du slalom aux Jeux olympiques de PyeongChang. Elle avait 20 ans et n’était jamais montée sur un podium de la Coupe du monde. Elle n’y est d’ailleurs pas retournée depuis.

Laurence St-Germain a assisté à l’exploit de Gallhuber en Corée du Sud. La skieuse de Saint-Ferréol-les-Neiges était elle-même très heureuse de sa 15place à ses premiers Jeux. Mais en observant la cérémonie du podium, elle s’est dit : pourquoi pas moi la prochaine fois ?

Près de quatre ans plus tard, St-Germain sent qu’elle s’approche. Au point d’oser en faire un objectif précis pour les prochains Jeux de Pékin, dans moins de 90 jours.

« Clairement, ça va être une surprise pour beaucoup de monde si j’ai une médaille. C’est quand même ce que je vise. Je suis rendue là dans ma progression. »

Sixième aux Championnats du monde de 2019, la slalomeuse n’a encore jamais atteint le podium en 47 départs en Coupe du monde. Au début de la dernière saison, elle a fini sixième et huitième aux épreuves d’ouverture de Levi. Elle a conclu l’hiver au huitième rang du classement de la discipline, un sommet personnel.

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Laurence St-Germain

Alors, pourquoi pas elle ?

Physiquement, elle a construit sur les bases de l’an dernier. L’été dernier, elle a même poussé la note un peu plus loin. Au moment de l’entrevue, vendredi, elle venait de réussir un record personnel à l’épaulé. Combien ? « 71 kg… je ne suis pas encore Maude Charron, mais ça part bien la saison ! »

Le vrai changement, c’est dans la tête qu’elle aimerait le voir s’opérer. En gros, elle s’est quelquefois élancée du portillon sans avoir le couteau entre les dents. Comme aux Championnats du monde d’Åre, où elle n’a pu faire mieux que le 17rang. Dans ce contexte pandémique, sans spectateurs, elle avait l’étrange impression de faire un entraînement.

« Le petit stress du départ n’était pas là, ni la sensation que c’est une course spéciale, je n’étais pas capable de me mettre dans cet état d’esprit. Ça m’a un peu déstabilisée. »

Avec le temps, elle a compris qu’elle avait besoin de pression pour offrir de bonnes performances.

« C’est drôle parce que quand tu dis contrôler ton stress, normalement, c’est pour le descendre », fait remarquer St-Germain, qui n’avait encore jamais travaillé cette facette de la performance. « Dans mon cas, c’est plus aller chercher cette drive-là. Aller chercher du bon stress, dans le fond. »

Du bon stress comme aux Mondiaux de 2019, aux Jeux de PyeongChang ou lors de sa double victoire aux Championnats universitaires américains en 2019.

Je n’avais pas peur d’échouer, au contraire. Je ressentais une formidable envie de bien performer.

Laurence St-Germain

Avec l’aide de sa préparatrice mentale, St-Germain peaufinera sa routine de visualisation précourse dans les prochains jours avant les deux premiers slaloms de Coupe du monde à Levi (Finlande), les 20 et 21 novembre.

« J’aimerais vraiment avoir un podium au lieu d’être juste constante de course en course. Ces dernières années, je me concentrais là-dessus, être dans le top 10. Mais là, je veux plus. »

En bref

Bulle olympique

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Le Centre national de ski alpin de Yanqing

Après son baptême asiatique à PyeongChang, St-Germain découvrira la Chine aux JO de Pékin, pour lesquels elle doit toujours confirmer sa qualification (1 top 3, 2 top 7, 3 top 15, etc.). « Est-ce que je vais considérer être allée en Chine ? Est-ce que, strictement confinée dans la bulle olympique, je verrai la Chine ? Je ne sais pas… »

Droits de la personne ?

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Les Jeux olympiques d’hiver de Pékin auront lieu en février 2022.

S’estimant chanceuse d’avoir déjà vécu des « Jeux olympiques normaux », sans le nuage de la COVID-19, l’athlète de Saint-Ferréol s’en remet à l’équipe canadienne et à la Fédération internationale de ski pour lui offrir un environnement sûr à Pékin. Quant aux appels de boycottage des JO en raison de la situation des droits de la personne en Chine, elle préfère ne pas s’y attarder : « J’essaie de me concentrer sur ce que je peux contrôler. En fait, ce que je veux, c’est faire du ski alpin et performer. Les Jeux olympiques, c’est ça, un lieu de haute performance et aussi une occasion, peut-être pas de faire la paix, mais au moins de se rencontrer dans un climat apaisé, une sorte de trêve, on l’a vu en Corée avec le Sud et le Nord qui ont marché ensemble à la cérémonie d’ouverture et compétitionné ensemble [en hockey féminin]. »

Les sous

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La pratique du ski alpin coûte cher aux athlètes de haut niveau.

Même si elle figure parmi les 10 meilleures au monde, St-Germain doit toujours acquitter des frais pour faire partie de l’équipe canadienne. La somme requise pour cette saison est 30 000 $, soit 10 000 $ de plus que l’an dernier. « Il n’y a pas un sport en ce moment qui roule dans trop d’argent. On n’est pas tout seuls. C’est juste que le ski, ça se passe tout en Europe et c’est un sport super cher. » Elle peut au moins compter sur un commanditaire personnel, la société de téléphonie Telus, qui poursuit son association avec la Québécoise. Sinon, Canada Alpin met à la disposition des skieurs une page internet pour recueillir des dons et réduire d’autant leurs frais d’équipe. Pour le reste, il y a les bourses de course accordées aux 30 premiers. « C’est difficile, surtout que j’aimerais faire un autre cycle olympique de quatre ans si mon corps le permet et que je suis encore motivée. Mais à 120 000 $… »