Après des années à y travailler, Antoine Gélinas-Beaulieu croyait avoir mis ses crises d’anxiété derrière lui en 2020, année où il a remporté la médaille de bronze au départ en groupe aux Championnats du monde de patinage de vitesse longue piste.

« En tant qu’athlète, on se pense fort mentalement parce que c’est le portrait qu’on peint de nous et qu’on peint soi-même, constate-t-il. J’ai toujours cru que mes problèmes étaient physiques, qu’ils étaient simplement liés à de l’asthme, du surentraînement, etc. Ç’a été un long travail depuis mon retour, mais je me suis enfin avoué ce dont je souffrais. Et c’était en partie entre mes deux oreilles. »

L’hiver dernier, Gélinas-Beaulieu a été l’un des rares patineurs canadiens à décliner l’invitation à participer à deux Coupes du monde et aux Championnats du monde dans une bulle aux Pays-Bas. Aux prises avec l’asthme depuis sa jeunesse, il ne voulait pas risquer de s’exposer aux conséquences de contracter la COVID-19 au moment où le nombre de cas explosait.

L’athlète de 29 ans renouait donc avec la compétition le mois dernier aux Championnats canadiens de Calgary. Il se croyait fort, en contrôle, jusqu’à ce qu’il s’apprête à s’élancer pour le 1000 m.

Non seulement Laurent Dubreuil l’a-t-il surpris avec le départ le plus rapide de l’histoire, il a aussi perdu ses moyens au fil de la course. Comme s’il se noyait de l’intérieur, pour reprendre son image. Même s’il a fini troisième, il a souffert le martyre en se crachant les poumons pendant 15 minutes après la fin de l’épreuve.

Ce qui arrive pour moi, c’est anxiété avant la course, hyperventilation pendant la course, et asthme et crise de panique après la course. Un mélange vraiment pas agréable, mettons.

Antoine Gélinas-Beaulieu

Pour ses deux courses suivantes, Gélinas-Beaulieu n’avait qu’un mot-clé en tête : respire, Antoine, respire. Deuxième du 1500 m, même s’il s’est un peu trop retenu à son goût, il a remporté l’or au départ en groupe, épreuve où il s’est vraiment éclaté.

Ces trois résultats ont valu au natif de Sherbrooke une sélection pour les Coupes du monde de l’automne, dont la première tranche sera disputée de vendredi à dimanche en Pologne.

Gélinas-Beaulieu n’a pas disputé de compétition internationale depuis la finale de la Coupe du monde en mars 2020, juste avant le début de la pandémie.

Des papillons ? « Absolument, a-t-il répondu mercredi. La distance qui me fait le plus de papillons, c’est indéniablement le départ en groupe. Quand c’est chaotique et que tout peut arriver, c’est là que je me sens le plus à l’aise et c’est ce qui me met dans un bon état d’esprit. Pour les courses individuelles, j’aurai la chance de me mesurer aux meilleurs au monde en partant, ce qui sera assez exceptionnel. »

L’objectif

Au 1500 m samedi, il s’élancera dans le groupe A, après quoi il enchaînera avec le départ en groupe. Dimanche, il tentera de sortir du groupe B avec une bonne prestation au 1000 m. Son objectif : se classer parmi les huit premiers après les quatre Coupes du monde, ce qui lui assurerait une présélection pour les Jeux olympiques de Pékin.

Il n’a jamais regretté son absence l’an dernier, qui l’a forcé à suivre à distance les exploits de Laurent Dubreuil, médaillé d’or au 500 m et de bronze au 1000 m.

« Ce que Laurent a fait, c’est exceptionnel. Ça a montré au monde entier qu’on était capables de s’adapter et de s’organiser avec les moyens du bord. Sortir gagnant d’une épreuve difficile comme une pandémie mondiale montre la résilience qu’on a au Québec. »

Gélinas-Beaulieu aurait aimé se mesurer aux autres, mais il a trouvé son compte en s’entraînant, sa véritable passion.

Pour plusieurs, comme Laurent [Dubreuil], c’est la compétition qui les fait triper dans le sport. Pour moi, c’est l’entraînement.

Antoine Gélinas-Beaulieu

Faute d’anneau accessible, il a parfois patiné sur la piste publique des plaines d’Abraham. Mais il a surtout passé son temps dans la salle de musculation. Ce « moment de répit » lui a donné l’occasion de s’attarder sur des facettes négligées, comme ses départs.

« Je suis un gars de distances moyennes. Je dois faire un peu de tout. C’est donc difficile de se concentrer sur des spécificités, même en ce qui concerne ma physiologie. Comme sprinteur, Laurent fait trois ou quatre séances de muscu par semaine. Moi, je peux en faire une ou deux max. Si je manque un peu d’explosivité, c’est dur de faire des gains. »

Maintenant, il veut retrouver son « feeling de course ». « Ça va peut-être prendre un peu plus de temps, mais ça ne me fait pas peur. On va faire beaucoup de courses en Coupe du monde et ça va revenir assez rapidement. »

Le plus important sera de maîtriser ce qui se passe dans sa tête. « Depuis que je travaille sur mon anxiété et que j’en parle, je reprends le contrôle. Ce n’est pas facile de se montrer vulnérable – surtout pas dans le sport –, mais moi, ça m’a donné la force d’affronter mes plus grandes peurs. »