En 2016, Caroline Côté a démissionné de son poste de directrice des communications pour vivre comme elle l’entendait. Sur deux skis, hors des sentiers battus. Le résultat de sa plus récente aventure, en Norvège, accompagnée de son conjoint, Vincent Colliard, fait l’objet du documentaire Le dernier glacier.

« La mort rôde toujours en expédition. »

C’est Vincent Colliard qui le dit. Dans le premier des six épisodes du documentaire consacré aux 63 jours du périple du couple dans le Nord norvégien, l’hiver dernier. Une expédition de 1000 km, éprouvante à plusieurs égards. La plus rude qu’ait faite Caroline Côté.

« Le plus difficile était de ne jamais savoir ce qui allait se passer le lendemain. Si j’allais réussir à avoir le désir de faire un pas de plus. Dans le quotidien, il fallait que je me décide à agir même si ça ne me tentait pas, raconte la native de Charlevoix. À la fin de la journée, je me disais qu’il y en avait une de plus de faite. »

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Caroline Côté dans le documentaire Le dernier glacier

À sa décharge, les pas sont moins légers lorsqu’on tire des traîneaux totalisant 120 kg (265 lb). Pour lui, 180 kg (397 lb).

Le 2 février, Caroline Côté et Vincent Colliard ont quitté Longyearbyen pour se rendre à la pointe nord de l’île de Spitzberg, la principale de l’archipel du Svalbard. Leur objectif : de là, atteindre la pointe sud avant le 21 mars afin de devenir les premiers à réaliser la traversée en hiver, sans assistance, avant de remonter ensuite jusqu’au point de départ, Longyearbyen. Leur périple a pris fin le 5 avril. Dans la souffrance.

Je suis vraiment allée loin dans le manque de nourriture et ça m’a amenée à douter beaucoup. Le matin, quand je me réveillais, à cause de la faim, il y avait un niveau d’anxiété qui était toujours présent.

Caroline Côté

« Ça m’a permis de comprendre ce que c’était d’être en situation de famine et de ne pas pouvoir manger », ajoute-t-elle.

Ce n’est pas une sensation que tient à revivre celle que son conjoint français appelle « la louve ».

Sans un appui de tous les instants de Vincent et de plusieurs collaborateurs, en amont ou à distance, l’aventure n’aurait pu se conclure positivement, affirme l’exploratrice, cinéaste et ultramarathonienne en sentier.

L’éloignement qui unit

Sur le terrain, le couple n’en était pas un, cela dit.

« On s’est dit que pendant l’expédition, vu que ce serait très difficile, on ne pourrait pas vraiment être un couple. Il fallait mettre les émotions de côté parce qu’on vivait un peu de la survie chaque jour », fait valoir Caroline Côté.

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Vincent Colliard et Caroline Côté dans Le dernier glacier

Ils se sont rencontrés en Antarctique. Aventurier d’expérience en milieu polaire, il guidait un groupe. Elle filmait l’expédition de 30 jours.

Depuis, ils habitent ensemble en Norvège, bien qu’elle ait conservé un petit logement à Montréal.

Avec un pied-à-terre en Scandinavie, elle pourra préparer adéquatement ses futures escapades polaires, dont la prochaine, « sûrement en Antarctique ».

« J’ai vraiment envie de retourner là-bas. De faire une voie complexe et de la faire le plus rapidement possible. Ça va être un challenge mental, en solo », dévoile la Québécoise de 35 ans.

Pour la prochaine année, elle se préparera donc à cette fin. Elle en discute avec des explorateurs, des Norvégiens maîtres skieurs.

Mais un évènement important l’attend à bien plus court terme. Elle repartait du Québec dimanche, puis Vincent et elle se marieront vendredi, dans un petit village norvégien.

Au bout du compte, l’adversité vécue pendant l’expédition aura scellé le couple.

Le réchauffement climatique

Caroline Côté s’exprime d’une voix très calme et posée. Même lorsqu’elle décrit les effets sans doute fort déstabilisants qu’a eus l’aventure après coup.

« C’est vraiment spécial parce que je pensais que ça allait être physiquement, le plus difficile. Ça m’a pris deux, trois mois à vouloir reprendre mon quotidien de coureuse et participer à des évènements, mais en fait, le plus dur, c’était le mental. »

Je n’arrivais pas à me motiver. Je n’avais plus envie de faire des efforts qui m’amenaient, par exemple, à sortir au froid. Je me disais : “Ah non, pas aujourd’hui.”

Caroline Côté

« Je me sentais vraiment quelqu’un d’autre, ajoute-t-elle. Quelqu’un qui n’avait plus envie de vivre de défi. »

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L’aventure de Caroline Côté en Norvège n’a pas été de tout repos.

Bref, son besoin de repos s’est révélé beaucoup plus mental que physique. Elle compte faire des recherches au sujet de ces réactions d’après-expédition.

Mais le naturel a repris le dessus, évidemment.

Et ce qui l’anime, outre l’aventure en soi, c’est de mettre sa caméra au service de sujets auxquels elle souhaite contribuer positivement, qu’ils soient culturels ou environnementaux. En revenant du Svalbard, ils sont allés rencontrer un glaciologue.

« Cette personne nous a dit que les répercussions du réchauffement climatique se font vraiment plus sentir dans des endroits comme le Svalbard qu’ailleurs dans le monde », indique Caroline Côté.

Comme Mike Horn et Børge Ousland avant eux, ou encore Steve Backshall et Aldo Kane, de la série Explorations de l’extrême, Caroline Côté et Vincent Colliard ont pu constater de visu à quel point la fonte des glaces s’accélère. Par exemple, lorsque des gens les ont dirigés vers un endroit où ils affirmaient passer chaque année.

« Et malheureusement, on s’est fait refouler au milieu d’un fjord qui était supposé être glacé. Pour nous, c’est juste plate. Mais l’enjeu est beaucoup plus gros que cette expédition », souligne la Québécoise.

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Vincent Colliard

Ils ont finalement dû grimper le glacier pour passer. En d’autres endroits, il n’y avait tout simplement plus de neige. Au point qu’ils se sont parfois demandé s’ils devraient plutôt prendre les traîneaux sur leur dos et marcher.

Quoi qu’il en soit, Caroline Côté ne regrette pas son choix de 2016. La vie occidentale classique, de toute évidence, elle n’y reviendrait pas.

Mais ce n’est pas tant par rejet d’une certaine façon de vivre, comprend-on, qu’en faveur d’une autre qui l’a appelée.

« Mon quotidien, c’est sur les skis avec le traîneau, dit-elle. C’est là que je sens que tout a du sens. Je suis proche de l’environnement, et l’expédition, c’est juste se rapprocher de ce qui est naturel. Pour moi, ce n’est pas vivre de l’extrême chaque jour. C’est être à l’extérieur et se sentir bien. »

Regardez le premier épisode du documentaire Le dernier glacier