Sa routine enrichie d’une nouvelle manœuvre, la planchiste Elizabeth Hosking se sent fin prête pour viser le podium à ses deuxièmes Jeux olympiques

La planchiste Elizabeth Hosking n’avait pas terminé sa 5secondaire quand elle a fini 19e en demi-lune aux Jeux olympiques de PyeongChang. À 16 ans, elle était la plus jeune membre de toute l’équipe canadienne.

Ce qu’elle a aimé de son expérience sud-coréenne ? Tout. « Mais surtout le salon au Village des athlètes où l’on se rassemblait pour suivre les compétitions »

« Pour vrai, les deux semaines où j’ai été là, j’ai juste capoté sur tout. »

En plein milieu de sa première descente d’entraînement, elle a réalisé : « Heille, je suis dans la demi-lune des Jeux olympiques ! J’ai fait tout le reste de la run un gros sourire accroché dans la face. »

Après son épreuve, elle a eu l’occasion de suivre la finale masculine de descente acrobatique où Maxence Parrot et Mark McMorris ont remporté l’argent et le bronze pour le Canada.

Pendant la cérémonie du podium, elle s’est tournée vers ses entraîneurs Catherine Parent et Brian Smith : « Je veux ça. Je veux une médaille. »

PHOTO MICHAEL MADRID, USA TODAY SPORTS

Elizabeth Hosking à Aspen, au Colorado.

Quatre ans plus tard, elle s’est considérablement approchée de son rêve. Septième aux championnats du monde d’Aspen en mars dernier, Hosking rentre tout juste avec Smith d’un stage de 30 jours sur un glacier en Suisse. Elle en rapporte une énorme dose d'assurance. Une courte vidéo la montre dans sa dernière descente, celle qu’elle compte bien exécuter aux JO de Pékin, en février prochain.

Sur la demi-lune de 22 pi, on voit la jeune femme enchaîner cinq manœuvres, dont un 1080 avec une prise de planche au talon, nouvelle figure qu’elle avait maîtrisée pour la première fois quelques jours plus tôt seulement… « Tu ne vois jamais ça, note son coach. D’habitude, ça peut prendre des mois avant de réussir à intégrer une nouvelle figure dans une descente complète. »

Hosking ne se fait pas prier pour rejouer la vidéo sur le téléphone. « Ce n’est pas ma plus belle descente, mais le prochain camp d’entraînement en Autriche servira à la peaufiner. » Seulement une demi-douzaine de planchistes dans le monde sont aptes à réussir le 1080.

Hosking nous a reçus avec ses deux entraîneurs au vieil aréna de Saint-Jérôme, à des centaines de milles de toute demi-lune. Une salle d’entraînement dernier cri occupe la moitié de l’ancienne patinoire. Des terrains de basket ont été construits dans l’autre portion. C’est ici qu’est installé l’Institut régional des sports des Laurentides, une antenne de l’INS Québec situé au Stade olympique.

Elizabeth Hosking à l'entraînement
  • Elizabeth Hosking à l'entraînement

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Elizabeth Hosking à l'entraînement

  • Elizabeth Hosking à l'entraînement

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

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    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

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Quand elle n’est pas en Europe ou dans l’Ouest pour virevolter dans une demi-lune, Hosking y passe le plus clair de son temps.

« C’est presque 70 % dans le gym contre 30 % sur la neige, expose Brian Smith. À son niveau, la préparation physique est même plus importante que ce qui va se passer sur neige. Ça nous permet d’être plus efficaces, de réduire les risques de blessure sur neige. Elle adore ça. Elle en mange. Elle en ressent tout de suite les bénéfices. »

Le coach assure que ce n’est pas la norme dans le milieu de la planche à neige, où il évolue depuis plus de 25 ans.

Avec elle depuis plus de 10 ans

Sa conjointe Catherine, avec qui il dirige le programme sports-études APEXX, et lui suivent Hosking depuis ses débuts, il y a plus de 10 ans. Ce sont eux qui l’ont initiée à la demi-lune lors d’un camp à Whistler quand elle avait 9 ans. Ils trouvaient le slopestyle trop dangereux pour une si petite fille (elle a quand même été championne nationale quelques années plus tard).

Catherine Parent, qui est aussi sa gérante, décrit une athlète persévérante, dévouée, travaillante, un peu gênée au premier abord. Malgré sa précocité, ou peut-être à cause d’elle, elle a longtemps souffert du syndrome de l’imposteur.

Hosking n’est ni Shaun White ni Chloe Kim, des champions olympiques américains qui semblent programmés pour la victoire.

On la considère comme une jeune adulte normale. Elle veut être aimée et populaire, son estime d’elle-même est sans cesse à retravailler. Elle ne s’est jamais vue comme la meilleure.

Catherine Parent, gérante d'Elizabeth Hosking

Depuis la Corée, la vie n’a pas été qu’un long fleuve tranquille. En décembre 2019, Hosking s’est fracturé un os d’une cheville en finale de la Coupe du monde de Secret Garden, sur le site olympique de Pékin, où elle a quand même fini septième. Après une opération, sa réadaptation a coïncidé avec la pandémie.

Elle n’est donc retournée à la compétition qu’en janvier à la Coupe du monde de Laax. Déçue de sa prestation (23e), elle s’est fait remonter le moral par une concurrente espagnole, qui l’a assurée qu’elle avait le niveau pour se mesurer aux meilleures.

« Elle m’a dit : “On le sait que tu es là. On te regarde et on attend juste que tu atterrisses une descente.” » Un mois et demi plus tard, Hosking prenait le septième rang aux Championnats du monde d’Aspen. Elle a conclu la courte saison au même endroit avec une cinquième place, ce qui égalait un sommet personnel en Coupe du monde. Tout ça en étant limitée à des rotations de 720 degrés.

Le podium ne lui a jamais semblé aussi accessible. « Je suis proche, je suis là. »

Après un stage en Autriche, Elizabeth Hosking ouvrira sa saison de Coupe du monde à Copper Mountain, dans le Colorado, les 9 et 11 décembre.

Les sous

La Suisse, l’Autriche, des demi-lunes et un entraîneur privés… Hosking ne le cache pas, son sport coûte cher. Comment finance-t-elle tout ça ? Son coach Brian Smith écrit la réponse sur une feuille de papier : « 20 % fédéral (brevet de Sport Canada), 30 % privé, 50 % parents ». Sans commanditaire majeur de l’industrie, elle compte sur le soutien de quelques entreprises comme Auclair, Fourgons Transit, Location Brossard et Truck’N Roll. Elle a rencontré ces trois derniers commanditaires du monde du transport lors d’une activité du Club des petits déjeuners, dont elle est ambassadrice. Elle surfe sur les planches québécoises Utopie MFG, une entreprise de Rimouski qui lui a fourni du temps pour une conception sur mesure.

À quand les X Games ?

Malgré d’excellents résultats, Hosking n’a encore jamais reçu d’invitation pour participer aux X Games ou au Dew Tour, des compétitions privées. « Pour moi, c’est illogique, s’interroge Brian Smith. Il y a des filles invitées qui ne sont pas capables de faire même une fraction de ce qu’elle fait sur un snowboard. » Selon lui, ce n’est qu’une question de temps avant que les organisateurs de ces évènements ne les contactent. « Je lui ai dit : tu vas l’avoir, mais quand cette occasion va arriver, c’est toi qui pourras décider si tu y vas ou non. Tu vas pouvoir dire : j’y vais selon mes termes. »

De Longueuil à Saint-Jérôme

Native de Longueuil, Hosking a déménagé à l’âge de 12 ans avec sa mère au chalet familial de Mille-Isles, pour y faire son secondaire dans le sport-études à Saint-Jérôme. Elle est chapeautée par APEXX, l’entreprise de Catherine Parent et Brian Smith qui organise des programmes de snowboard, freeski et danse. Fait à noter, la planchiste a toujours évolué en marge de l’équipe canadienne. À l’Institut régional des sports, elle est suivie par une préparatrice mentale et un préparateur physique. Parent, qui possède une certification d’entraîneuse niveau 4, et Smith (niveau 3) ont formé plusieurs athlètes qui se sont rendus en Coupe du monde, dont Dominique Vallée et Charles Reid, qui a pris part à la première épreuve de slopestyle aux JO de Sotchi en 2014.