Après des Jeux olympiques de Sotchi en deçà de ses espérances, Jasey-Jay Anderson hésitait à se lancer pour une autre saison. Avec une médaille d'or aux JO de Vancouver, quatre titres mondiaux et 27 victoires en Coupe du monde, le planchiste de 39 ans n'avait évidemment plus à rien prouver.

Mais sa petite entreprise de planches de surf des neiges est encore en pleine phase de recherche et développement. Le circuit international est le seul endroit où il peut valider les hypothèses mises à l'essai dans son atelier et sur les pistes de Mont-Tremblant. «Je n'ai pas fini d'acquérir ce dont j'ai besoin comme connaissances pour avoir l'esprit en paix», résumait-il au téléphone la semaine dernière, quelques jours avant de partir pour ses huitièmes Mondiaux, à Kreischberg, en Autriche, où il s'alignera à partir de demain.

Trop vieux?

Un autre élément a réveillé son esprit compétitif et cristallisé sa volonté de poursuivre l'aventure: la décision de Canada Snowboard de l'exclure du groupe d'athlètes admissibles au financement de Sport Canada, une première en 13 ans.

Même s'il avait satisfait aux critères, la fédération arguait qu'il ne progressait plus et ne représentait pas un potentiel pour les JO de 2018, simplement parce que ce seraient alors ses sixièmes. Bref, trop vieux.

Se sentant poussé vers la sortie, Anderson a plutôt choisi de se battre contre ce qu'il considérait comme une injustice flagrante envers lui et la discipline alpine en général.

«Ils voulaient me débarquer, affirme-t-il au sujet des dirigeants de Canada Snowboard. J'ai dit non. Quand je serai prêt à débarquer, je vais vous le dire. Je ne suis pas prêt. Ça fait que vous allez me redonner mon brevet.»

Ça a pris cinq mois et de multiples démarches dans le cadre d'un processus d'appel, mais un arbitre lui a donné gain de cause en octobre, renvoyant la fédération à ses devoirs. Le comité haute performance a finalement inclus le quintuple olympien dans la liste des athlètes admissibles à un brevet de financement de Sport Canada.

Combiné au programme Équipe Québec, Anderson peut absorber la majeure partie des coûts associés à sa saison, qu'il évalue à 30 000 $. Parce que la fédération ne paie plus rien. En plus d'une somme de 5000 $ pour couvrir une portion du salaire d'un entraîneur, le Québécois, comme ses coéquipiers, doit assumer ses frais de voyage, de déplacements, d'hébergement et de subsistance.

Inquiet pour l'avenir des jeunes

Très critique de la gestion de Canada Snowboard, il s'inquiète surtout pour l'avenir des jeunes coureurs. «Je me suis détaché. J'ai mon entreprise, ma médaille de Vancouver, une famille en parfaite santé. C'est le moindre de mes soucis. Je suis juste triste pour mon sport.»

Le 16 décembre, Anderson a fini troisième en slalom géant en parallèle lors de la première Coupe du monde de la saison, à Carezza, en Italie. Il n'était pas monté sur le podium depuis sa victoire à La Molina, en mars 2010, soit quelques semaines après son triomphe olympique.

Sans être revanchard, ce succès en forme de pied de nez lui a fait particulièrement plaisir. «Disons que celle-là, ils l'ont reçue dans les dents pas à peu près...»

À ses yeux, son expérience et la qualité de son équipement sont les seules explications de sa performance. «À 39 ans, je ne devrais pas faire de podium», admet celui qui a dominé les qualifications malgré son dossard 44.

Les résultats de Sotchi ont influencé les choix techniques de ses concurrents. Ce fut une grave erreur d'évaluation, croit Anderson, qui avait peiné en Russie avec une 14e et une 15e places. «Ça s'appliquait très bien à Sotchi, parce que c'était super plat et glacé, mais ça ne s'applique nulle part ailleurs sur la planète. Ça va plus vite sur les plats, mais ça ne fonctionne vraiment pas dans l'à-pic. J'utilise quelque chose de plus polyvalent.»

Un terrain propice à son équipement

Justement, Anderson croit trouver à Lachtal, la station qui accueille les épreuves alpines des Mondiaux, un terrain propice à son équipement. Il vise un podium, en particulier en slalom géant parallèle, présenté vendredi. Il s'alignera aussi, demain, en slalom parallèle, mais il sent que sa planche n'a pas atteint le même raffinement technique.

Un résultat parmi les 8 premiers lui assurerait du financement pour la saison 2015-2016, tant pour lui que pour le programme alpin. Il espère ainsi en faire profiter les jeunes.

Les JO de Pyeongchang en 2018 sont-ils dans les cartons pour le père de deux enfants? Il ne ferme pas la porte. «Je l'ai encore en moi, avance Anderson. Comme on l'a vu à la dernière course, je suis capable d'aller chercher de la vitesse. Je ne suis pas fini. Même à 39 ans.»