Erik Guay a enfilé un smoking pour sa dernière descente. Un «tuxedo canadien», jeans et veste de denim, une idée de ses coéquipiers. Sans oublier la boucle de ceinture des «Canadian Cowboys», surnom que se sont donné les descendeurs de la dernière génération pour se distinguer des Crazy Canucks.

À Lake Louise, les quelques centaines de spectateurs n'ont à peu près rien vu; l'écran géant ne retransmettait pas cette descente d'adieu en prélude du super-G de la Coupe du monde de Lake Louise, dimanche après-midi.

Pour la dernière fois, Guay a traversé le fil en position de recherche de vitesse, drapeau canadien entre les mains. Son frère Stefan l'attendait dans l'aire d'arrivée pour lui remettre un chapeau de cowboy (décoré de l'inévitable autocollant de son commanditaire...). Après une accolade fraternelle, le nouveau retraité a salué son public une dernière fois.

Comme après sa victoire aux Championnats du monde de Saint-Moritz en 2017, Guay était heureux d'avoir eu des lunettes miroir pour camoufler ses yeux. Surtout dans le portillon de départ quand bénévoles et travailleurs de parcours l'ont applaudi.

«Normalement, tu es tellement concentré que tu ne réalises même pas qu'ils sont autour, a-t-il souligné. C'était le fun de savourer ça et de les remercier pour toutes ces années. J'ai aussi pu saluer mon technicien et le gars qui s'occupe des bottes. Et, en descendant, tous ces gens que j'ai côtoyés pendant 15, 20 ans.»

L'entraîneur Burkhard Schaeffer, peu porté sur les effusions émotives, avait prévenu son protégé qu'il se cacherait derrière une clôture. Mais l'Autrichien était bel et bien au poste, dans le virage du Coaches Corner, pour lui dire qu'il lui manquerait.

Chose certaine, en inspectant le parcours en matinée, l'athlète de 37 ans était «tellement content» de ne pas avoir à attaquer cette piste glacée et bosselée. La décision de se retirer, prise mercredi soir après la blessure de son coéquipier Manuel Osborne-Paradis, lui semblait plus judicieuse que jamais.

«Quand tu es en mode course, tu es toujours dedans, concentré, ça te prend énormément d'énergie. En ce moment, on dirait que je me sens déjà ailleurs. Je pense que je suis drainé.»

Après ce coup de chapeau au champion mondial en titre, le super-G de Lake Louise ne pouvait couronner vainqueur plus approprié que Kjetil Jansrud, son dauphin à Saint-Moritz.

D'emblée, le Norvégien de 33 ans, qui s'imposait une troisième fois de suite dans les Rocheuses albertaines, s'est joint au concert d'éloges entendu depuis le milieu de la semaine.

«Je ne dis pas ça juste comme ça, mais Erik est l'un des véritables gentlemen sur le circuit», a souligné le gagnant après s'être excusé d'avoir fait attendre les deux journalistes canadiens.

Jansrud a raconté comment Guay l'avait accueilli quand il s'est amené dans le groupe des descendeurs après un début de carrière du côté technique, en slalom et en géant.

«Il y a les gens qui ne t'adressent pas un regard en tant que jeune skieur. Et il y a des gens comme Erik, qui est totalement à l'opposé. Il a été un skieur fantastique avec une personnalité chaleureuse. Il va manquer à tout le circuit. Il a le respect de tout le monde. Il a eu une carrière très respectable, avec deux titres mondiaux, cinq victoires en Coupes du monde. Un peu malchanceux avec les Jeux olympiques, mais ce n'est presque qu'un point petit invisible dans sa carrière. Il peut se retirer le coeur en paix.»

Jansrud a ensuite relaté une conversation qu'il avait eue avec Guay au sujet de la retraite plus tôt dans la semaine. «Je m'approche aussi des années où tu peux voir la fin de la route, a noté le quintuple médaillé olympique. Avec tous les risques encourus en descente, il se crée un lien spécial entre les coureurs. Tu partages les mêmes risques, les mêmes possibilités que les choses tournent vraiment mal. C'était donc un peu émotionnel quand je lui ai parlé. Mais il a pris la bonne décision et il se sent confortable. Je devrai donc le visiter au Canada pendant l'été pour voir comment se porte sa vie de cowboy!»

Pour l'heure, Guay n'avait qu'une chose en tête: retrouver sa femme et ses quatre filles à Mont-Tremblant. «Je pense que je vais dormir le reste de la semaine. J'ai vraiment hâte de rentrer chez moi.»

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Un hommage du CH

Erik Guay a été touché de recevoir un appel du Canadien de Montréal samedi soir. L'équipe souhaite lui rendre hommage au Centre Bell. La date reste à déterminer.

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La montagne des Norvégiens

Après sa deuxième victoire consécutive l'an dernier, Jansrud avait exprimé le souhait que Lake Louise devienne à moitié norvégien. Il faudra maintenant se rendre aux trois quarts! Son compatriote Aksel Lund Svindal, cinquième hier, avait gagné les quatre présentations précédentes...

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Kriechmayr 2e

Quatrième de la descente samedi, Vincent Kriechmayr a fini deuxième du super-G, arrêtant le chrono 14 centièmes après Jansrud. «Une descente presque parfaite, mais j'ai fait une petite erreur en haut de parcours qui m'a fait perdre presque quatre dixièmes sur Kjetil», a regretté l'Autrichien, deuxième du classement de la spécialité l'hiver dernier. Le Suisse Mauro Caviezel (+0,21 sec) a causé une certaine surprise en terminant troisième pour décrocher le deuxième podium de sa carrière.

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Cook 16e

Dustin Cook a obtenu le meilleur résultat canadien avec une 16e place, à 1,26 seconde du gagnant Jansrud. «C'était deux tiers d'une bonne descente», a jugé le skieur de Mont-Sainte-Marie, mi-figue, mi-raisin. «Le haut était bon, le bas très bon [4e du dernier intermédiaire], mais au milieu, où je sens que je devrais être meilleur, ça n'a pas été comme je pensais. J'ai perdu beaucoup de temps là et j'en suis très déçu. Avec la qualité du ski qu'on voit sur le circuit, tu ne peux pas te permettre d'avoir les deux tiers d'une bonne descente.» Cook espère se reprendre la semaine prochaine à la Coupe du monde de Beaver Creek, au Colorado, où il avait gagné l'argent aux Mondiaux de 2015.