Erik Guay et ses coéquipiers de l'équipe canadienne de ski alpin ont vécu une journée sombre à l'entraînement à Nakiska, en Alberta, mardi, date anniversaire de la mort du Français David Poisson, qui s'est tué au même endroit il y a un an. Récit.

En haut de la piste à Nakiska, Erik Guay était prêt à s'élancer pour sa troisième descente d'entraînement, à la suite de Broderick Thompson, mardi.

Après quelques secondes, il a vu tomber son jeune coéquipier. Au walkie-talkie, les entraîneurs ont aussitôt réclamé la présence du médecin et des patrouilleurs. Le skieur de Mont-Tremblant n'a pas eu à attendre l'arrivée de la civière pour comprendre le sérieux de la situation.

Le même jour, Jeffrey Read, fils de Ken et autre jeune membre de l'équipe canadienne de ski alpin, a violemment heurté les filets de sécurité. Heureusement, il s'est relevé sur-le-champ.

Un an plus tôt, jour pour jour, David Poisson n'avait pas eu cette chance à la même station. Le descendeur français était passé à travers les filets avant de percuter un arbre. Il était mort sur le coup. Il avait 35 ans.

Après l'évacuation de Thompson, qui a pris une trentaine de minutes, Guay s'est lancé. Il le fallait.

À 37 ans, le skieur canadien le plus prolifique de l'histoire en a vu d'autres. Mais l'accident de son coéquipier l'a frappé. Il n'était pas tout à fait lui-même pendant cette descente à 125 km/h. D'autant que les conditions n'étaient pas fameuses en raison de la faible couverture neigeuse dans les Rocheuses albertaines.

«C'est toujours dur de perdre un athlète comme ça. Le moral de l'équipe est assez bas. Ça te rappelle à quel point c'est un sport dangereux. Il faut dire que Broderick skiait très, très bien. Pas mal mieux que tout le monde. Il était à peu près une seconde devant les autres, incluant les Autrichiens. C'est quelque chose. Quand il se fait mal, tu sais que ça peut t'arriver n'importe quand.»

Ses craintes au moment de l'accident de Thompson se sont confirmées: la saison du skieur de Whistler, touché à un genou, est terminée. L'athlète âgé de 24 ans s'est fait opérer hier à Calgary, a indiqué Canada Alpin.

«Moi, je reviens de blessure, a rappelé Guay. Tu te mets un peu dans sa situation. Si tu te fais mal, c'est une autre rééducation pendant neuf mois. Ça vient te jouer dans la tête, mais ce n'est pas la première fois que je passe à travers ça.»

«Ça va moyennement bien»

Absent la saison dernière à partir du 16 décembre, après avoir aggravé une blessure au dos à Val Gardena, Guay a toujours l'intention de reprendre la compétition la semaine prochaine à la Coupe du monde de Lake Louise.

Le contexte est toutefois loin d'être idéal. Le mois dernier, l'équipe a dû annuler un stage sur neige en Europe pour des considérations budgétaires. Le champion mondial du super-G pensait y rattraper un peu le temps perdu durant sa convalescence. «Je suis déçu, mais c'est la réalité, ce n'est pas la fin du monde.»

Ensuite, Guay s'attendait à retomber sur les planches un peu plus tôt à Nakiska, mais la neige n'y était pas. Avec ses coéquipiers, il a donc repris le collier la semaine dernière pour une séquence de quatre jours. Après un court séjour à la maison à Mont-Tremblant, il est retourné à la station albertaine pour ses premiers entraînements de descente ces jours-ci.

«On dirait que je n'ai pas l'habitude de la vitesse encore, a-t-il admis. J'ai un peu de retard et j'ai quand même beaucoup de rattrapage à faire. J'aimerais donner de bonnes nouvelles, mais en ce moment, ça va moyennement bien.»

PHOTO ALEXANDER KLEIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

David Poisson

Il note néanmoins qu'il a déjà vécu le même genre de scénario. L'an dernier, il avait pris le cinquième rang à la première descente d'entraînement à Lake Louise avant de se faire mal le lendemain.

«J'ai comme l'impression que c'est un peu différent [cette fois-ci], a-t-il corrigé. En ce moment, je ne m'attends pas à grand-chose à Lake Louise. Je sais que ça va être un peu plus long avant que je retrouve mon ski. J'essaie de garder un bon moral et de passer à travers.»

L'ombre de David Poisson plane sur Nakiska, mais personne n'en parle. «C'est un peu tabou, a relaté Guay. Moi, j'y ai pensé tout de suite en faisant ma première descente de reconnaissance en arrivant ici. Mais on prend toujours des précautions maintenant. Ils ont élargi la piste, mis plus de clôtures. C'est mieux. Mais tu ne sais jamais quand il va se passer quelque chose de grave.»

Au milieu de la conversation, Guay s'arrête et réfléchit tout haut: «Y a des moments, comme aujourd'hui quand Broderick s'est fait mal, où je me pose la question: pourquoi t'es là? Es-tu là pour les bonnes raisons? Serais-tu mieux d'être à la maison en santé? Je suis en train de passer à travers ça en ce moment. C'est tough.»

Photo Eric Bolte, archives USA TODAY Sports

Erik Guay à Lake Louise en novembre 2017