François Bourque a quitté le ski alpin sans jamais donner de nouvelles, après trois interventions chirurgicales au même genou. Véritable personnage, le Gaspésien d'origine préférait discuter chasse et pêche ou machinerie lourde plutôt que virages ou mise à carre. Il avait ses différends avec les dirigeants de Canada Alpin, qui rêvaient de convertir ce spécialiste de géant en skieur polyvalent, candidat au grand globe du général.

Après sa troisième opération, en janvier 2011, il n'a pas claqué la porte, mais pas loin. «Un physiothérapeute de l'équipe m'a dit: "Tu vas faire de l'arthrite ou des rhumatismes à 40 ans, que tu le veuilles ou non"», raconte aujourd'hui l'ex-skieur de 28 ans.

Bref, François Bourque est bien le dernier gars qu'on aurait cru voir revenir dans le monde du ski alpin. Voilà que le Rouge et Or de l'Université Laval a annoncé hier son embauche comme entraîneur-chef de son équipe de ski alpin.

«Quand j'ai lâché le ski, je ne voulais pas retourner coacher dans l'équipe canadienne ou à Ski Québec Alpin, c'était sûr et certain, reconnaît-il au téléphone. Au Rouge et Or, l'approche est différente. En partant, il y a l'école.»

Quand il était sur le circuit de la Coupe du monde, où il est monté quatre fois sur le podium, Bourque raconte qu'il côtoyait des collègues-skieurs qui avaient des formations de plombier, de policier ou d'électricien. Lui, comme la majorité de ses collègues de l'équipe canadienne, avait dû abandonner ses études. Un parcours qu'il ne regrette pas, mais qui n'est pas sans conséquence. «Tu peux encore réussir sans diplôme, mais tu sais comme moi que quand tu vas porter ton CV, tu n'as pas les mêmes réponses.»

Bourque, un débrouillard, a fondé son entreprise d'entretien dans le monde de la construction. L'hiver dernier, Vincent Lavoie, un ami et un ex-coéquipier dans l'équipe canadienne, lui a demandé de venir lui donner un coup de main avec les skieurs du Rouge et Or. Bourque a aimé l'atmosphère et a eu la piqûre. Après s'être fait tirer l'oreille, il s'est finalement laissé convaincre par Lavoie, qui laisse sa place après cinq ans pour se consacrer à son emploi dans les finances.

S'il ne veut pas «concurrencer» l'équipe canadienne ou Ski Québec Alpin, la voie incontournable vers les plus hauts sommets, François Bourque se réjouit de pouvoir guider de jeunes skieurs talentueux et passionnés qui veulent poursuivre leurs études. Il cite les exemples de Laurence Vallerand et de Simon Claude Toutant, deux anciens membres de l'équipe du Québec qui représentent aujourd'hui le Rouge et Or.

«Ils ont poussé pour réussir et à un moment donné, ils ont plafonné pour des raisons X, Y ou Z, raconte Bourque. Ils sont retournés à l'école, ils ont un bon niveau de ski et ils ont une chance de faire de bons résultats aux Universiades, un Championnat du monde qui n'est pas à dénigrer.»

Le niveau dans le circuit universitaire québécois, qui était sous respirateur artificiel il y a quelques années, s'est considérablement amélioré, note le nouvel entraîneur-chef. Qui sait si le circuit universitaire ne deviendra pas un tremplin dans quelques années? «On commence à le voir aux États-Unis», souligne Bourque, dernier skieur canadien à être monté sur un podium en géant (2e à Kransjka Gora, en 2007). «Il y a des jeunes issus des programmes universitaires qui ont de bons résultats en Coupe du monde. Ça arrive. À un moment donné, il va falloir que l'équipe du Québec pense à un partenariat avec les universités pour garder les jeunes dans le coup.»

Pour le reste, le genou est «pas mal usé», mais lui donne «un rendement normal». «Je n'embarque pas sur les parcours, par contre...»