Les Canadian Cowboys mènent une vie dangereuse dans un sport à risque. Blessés à tour de rôle au cours des dernières années, ses cinq membres principaux sont passés à une semaine près de présenter pour la première fois depuis 2009 une formation complète et en relative santé à une épreuve de vitesse de la Coupe du monde de ski, ce week-end, à Lake Louise. C'était avant la blessure subie par Robbie Dixon, jeudi dernier, au Colorado.

Quand un coéquipier tombe, toute l'équipe en ressent les contrecoups, a soutenu Keith Bradford, directeur des communications de Canada Alpin, au cours d'un entretien avec La Presse. Le skieur québécois Erik Guay en témoigne. Croisé dans le lobby du Château Lake Louise, il a expliqué que les athlètes doivent se faire une carapace pour ne pas se laisser atteindre par les accidents des autres, et avoir un moral d'acier pour se relever de leurs blessures. Guay a raconté avoir rendu visite à Robbie Dixon à l'hôpital de Vail, où son coéquipier a été opéré à la jambe droite quelques heures après sa chute survenue pendant une course à Copper Mountain. «Il était en état de choc. Il était vraiment secoué», a-t-il dit.

Le skieur de Tremblant soutient que les blessures font partie des risques du métier, mais il avoue qu'elles laissent des traces. «J'ai manqué toute la saison 2003 à cause d'une blessure à un genou. Au retour sur les skis et à la compétition, on est un peu craintif. Ça m'a pris une demi-saison avant d'être capable d'attaquer les parcours à mon goût. Pour gagner, il faut prendre des risques et aller à fond. Vingt gars vont viser la même trajectoire que toi, alors il faut aller plus serré et plus en ligne droite.»

«Manuel [Osborne-Paradis] dit que sa jambe est rétablie à 100%, mais qu'il a du chemin à parcourir pour retrouver la touche qui lui permettra de vraiment pousser et de prendre des risques», a ajouté Keith Bradford.

Canada Alpin est conscient du support qu'il doit offrir à ses athlètes blessés, assure M. Bradford. L'organisation a développé un programme en plusieurs volets afin de favoriser leur retour en piste, notamment avec le concours d'un psychologue, dit-il.

Les Cowboys Manuel Osborne-Paradis et John Kucera ont retrouvé le circuit de la Coupe du monde à Lake Louise pour la descente d'entraînement de mercredi, après des absences prolongées. Osborne-Paradis n'a pas couru à ce niveau depuis une blessure subie à Chamonix, en janvier 2011, alors qu'une fracture à un genou et des maux de dos ont tenu John Kucera à l'écart depuis novembre 2009. C'est sans compter les blessures et opérations de cet automne qui ont contrecarré les programmes d'entraînement d'Erik Guay et de Jan Hudec.

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Plus de blessures que dans tout autre sport

Les skieurs de la Coupe du monde de ski souffrent de blessures plus sérieuses que les athlètes des autres sports, selon une étude de chercheurs norvégiens publiée en 2009 dans le British Journal of Sports Medecine.

La recherche portant sur 521 coureurs pour les saisons 2006-2007 et 2007-2008 révèle que 191 d'entre eux se sont blessés sérieusement, et que 38% de ces blessures ont provoqué des mises au rencart de plus de 28 jours, une donnée plus élevée que pour les autres sports, disent les chercheurs. Avec un taux de 17,2 blessures par 1000 descentes, «le risque de blessures pour les athlètes de la Coupe du monde est même plus élevé que ce qui avait été précédemment rapporté», selon une des conclusions de l'étude. «Si nous considérons les défis impliqués - descendre une montagne abrupte et glacée sur une paire de ski avec une protection minimale, très souvent au-delà de la limite de vitesse, ces constatations ne sont pas surprenantes», ajoutent les auteurs du Centre de recherche sur les blessures sportives d'Oslo.

La question de la sécurité est au centre d'un débat - qui se cristallise autour de la dimension des skis - entre la Fédération internationale de ski (FIS) et de nombreux athlètes de premier plan, dont Erik Guay et l'Américain Ted Ligety. Les skieurs sont regroupés au sein du Ski Athletes Network avec le projet éventuel de former un syndicat pour faire contrepoids au «conservatisme» de la FIS.

Dans ce contexte, Canada Alpin a nommé en septembre dernier un consultant national en sécurité. «La sécurité de nos athlètes est notre priorité numéro 1, a déclaré à cette occasion Max Gartner, président de Canada Alpin. La sécurité n'est pas seulement idéologique, nous avons la ferme intention d'agir pour qu'elle devienne partie intégrante de notre ADN. 

La nomination de Ted [Savage] nous aidera à mettre sur pied une stratégie en sécurité et encouragera tous les intervenants en ski de compétition, que ce soit les athlètes, les concepteurs de piste et les organisateurs de course, à travailler main dans la main pour rendre notre sport plus sécuritaire.»

Photo: AFP

La Canadienne Kelly Vanderbeek s'était blessée lors d'une descente d'entraînement à Val d'Isère en 2009.