Éprouvé par trois blessures graves à un genou, le skieur alpin François Bourque prend sa retraite à l'âge de 26 ans.

Dans le milieu du ski alpin canadien, on sentait venir cette retraite hâtive depuis déjà quelque temps. En convalescence à la suite d'une rupture du ligament croisé antérieur gauche depuis janvier 2011 - sa troisième blessure du genre en moins de 26 mois -, Bourque a simplement fait savoir au printemps qu'il ne souhaitait plus faire partie de la liste de sélection pour l'équipe nationale.

Sans tambour ni trompette, à l'image de sa personnalité, il a donc tiré un trait sur une trop courte carrière qui n'a malheureusement jamais pu vraiment décoller. Canada Alpin aurait souhaité en faire une annonce officielle, mais Bourque a refusé.

«Il a tout simplement arrêté de skier», a fait savoir Robert Rousselle, directeur des affaires sportives de l'équipe canadienne, en entrevue téléphonique plus tôt cette semaine. «Il ne voulait pas en faire une grosse affaire. Il préférait que l'attention soit sur les athlètes actifs. C'est une décision personnelle qu'on respecte.»

Originaire de New Richmond, en Gaspésie, Bourque est l'un des plus beaux talents qu'ait connus le ski alpin canadien dans la dernière décennie.

Triple médaillé aux Mondiaux juniors de 2004, il est monté sur le podium en Coupe du monde l'hiver suivant, finissant troisième du super-G de Garmisch-Partenkirchen à l'âge de 20 ans.

Athlète polyvalent, ce passionné de la chasse et incorrigible pince-sans-rire a connu ses plus beaux moments en slalom géant, s'installant au cinquième rang de la discipline à l'hiver 2007.

Frank the Tank

Ses succès précoces lui ont valu le surnom du «Gaspésien volant» dans les médias. Ses coéquipiers en avaient un autre. «Si on l'appelait Frank the Tank, ce n'est pas pour rien!», affirme Jean-Philippe Roy, vétéran de 10 saisons en Coupe du monde. «Il avait un style assez carré sur ses skis, solide. Il passait à travers n'importe quoi.»

Roy se souvient en particulier d'un slalom géant à Hinterstoder, en Autriche, en décembre 2006. Bourque a fait fi du brouillard et des ornières pour filer jusqu'à la deuxième place: «On ne voyait rien et boum! boum! il était passé comme s'il n'avait rien senti.»

Rendez-vous raté avec l'histoire

Bourque a peut-être plus marqué les esprits en passant à côté de l'histoire aux Jeux olympiques de Turin, en 2006. Gagnant de la première manche, il a été repoussé à la quatrième place à l'issue de la manche ultime.

Le scénario crève-coeur s'est répété l'hiver suivant aux Mondiaux d'Åre, en Suède. Quelques jours après une chute spectaculaire lors d'un entraînement de descente, il a enregistré le deuxième temps lors de la manche initiale de géant. Décidé à effacer le mauvais souvenir de Turin, il a attaqué la deuxième manche avec un peu trop d'aplomb, sortant du parcours à la quatrième porte. «Ça a été dur psychologiquement pour lui», souligne Jean-Philippe Roy, septième de cette course.

Bourque n'a jamais pu se reprendre. L'hiver suivant, se sentant «un peu brûlé physiquement et mentalement», il a peiné à retrouver le niveau. Au surplus, il n'avait plus le goût de s'investir dans la descente alors que ses entraîneurs voyaient en lui un futur gagnant du grand globe de cristal. «Ils ne l'ont pas écouté», pense Jean-Philippe Roy.

«Il faut que j'apprenne à faire ce que j'aime vraiment, avait prévenu Bourque à l'aube de la saison suivante. J'ai peut-être tendance à faire plaisir à tout le monde. Dans ce temps-là, la seule personne que je pénalise, c'est moi.»

Il n'a jamais pu mettre à l'épreuve sa nouvelle philosophie, se déchirant le ligament croisé antérieur gauche en s'échauffant pour la Coupe du monde de Lake Louise, en novembre 2008. «Ma carrière est loin d'être finie», disait-il avec optimisme au lendemain de cette première blessure sérieuse. Il ne savait pas que deux autres blessures identiques allaient ultimement mettre un terme prématuré à sa carrière, qui se conclut avec un goût d'inachevé.

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UN RÊVE DE PODIUM BRISÉ PAR LES BLESSURES

Jean-Philippe Roy estime que le coup fatal à la carrière de François Bourque est survenu au printemps 2011. Blessés, les deux coéquipiers poursuivaient leur rééducation ensemble à Calgary quand Bourque a appris que l'état de son genou ne lui permettait pas de penser à un retour en compétition avant la saison 2012-13.

Roy pense que si la convalescence ayant suivi sa troisième opération avait été plus rapide, Bourque aurait peut-être été tenté de prolonger sa carrière. «Il s'est blessé trois fois le même genou, il avait toujours des douleurs le matin, ça lui tentait de passer à autre chose, raconte Roy. François avait plein de projets.»

Installé dans la région de Québec depuis plusieurs années, Bourque est engagé dans des compagnies du secteur de l'immobilier. Il entretient aussi une passion pour la mécanique et la machinerie lourde.

De son côté, Roy, qui s'est lui-même blessé aux deux genoux et qui a subi de multiples opérations, s'engage pour une 11e saison. «Comme je l'ai déjà dit à François, si j'étais déjà monté sur le podium comme lui, peut-être que j'arrêterais moi aussi, souligne l'athlète de 33 ans. C'est encore un rêve que je veux réaliser.»

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FRANÇOIS BOURQUE EN CHIFFRES

> 105: départs en Coupe du monde

> 4: podiums en Coupe du monde: 3e super-G Garmisch-Partenkirchen (février 2005), 3e géant Alta Badia (décembre 2005), 2e géant Hinterstoder (décembre 2006), 2e géant Kranjska Gora (mars 2007)

> 5e: classement en slalom géant lors de l'hiver 2007

> 1ère: place après la première manche du slalom géant des Jeux olympiques de Turin. Il s'est finalement classé quatrième (et 8e en super-G)

> 4: médailles aux Mondiaux juniors de 2003 et 2004, dont l'or en combiné

> 3: déchirures du ligament croisé antérieur: novembre 2008 (échauffement à Lake Louise), décembre 2009 (course à Val Gardena), janvier 2011 (entraînement à Kirchberg)