Depuis ma médaille d'or à Vancouver, plusieurs personnes m'ont dit que ma vie allait changer. Je ne sais pas. On verra. Mais j'ai de la misère à le croire.

Je suis la même personne. J'ai juste fait une performance de 23 secondes. Il y avait beaucoup d'heures de préparation derrière ça. J'ai réussi. Mais je suis toujours le même petit gars que j'étais avant ces 23 secondes...À Vancouver, par contre, je dois admettre que ma vie a changé!

J'avais vu ma coéquipière Jenn Heil gagner l'or à Turin. Je m'étais donc fait une idée de ce qui pouvait m'attendre.

Évidemment, une première médaille d'or olympique canadienne gagnée au pays ajoutait à l'impact. Le monde y a vu un exploit supplémentaire. Pour ma part, je me considérais comme celui qui avait brisé la glace, rien de plus. Je me disais que les gens allaient capoter pendant deux jours et passeraient ensuite à autre chose. Ça n'a pas été le cas. J'ai vécu deux semaines complètement folles!

Médiatiquement, ça n'avait juste plus de sens. Les demandes provenaient de partout dans le monde. Kelley Korbin, l'attachée de presse de l'équipe, m'a dit qu'elle en avait refusées 300 seulement dans la deuxième semaine des Jeux. C'en était presque ridicule.

Si je voulais profiter un peu des Jeux, il fallait mettre un frein. Surtout qu'on ne prévoyait pas que la ville soit sans dessus-dessous comme ça. Les foules, les drapeaux, les rues barrées, le gros party: jamais je n'avais vu une telle ambiance. C'est comme si la ville avait gagné la Coupe Stanley à chaque jour pendant deux semaines!

Personnellement, je pouvais difficilement marcher dans la rue ou aller prendre une bière avec mes coéquipiers Pierre-Alexandre, Vincent et Maxime. Ça se serait limité à deux gorgées parce les demandes des gens étaient trop nombreuses et que je me sens toujours mal de dire non. Je devais me déplacer sous escorte policière, avec un capuchon sur la tête, sinon je ne pouvais me rendre d'un endroit à un autre.

J'ai donc mis la pédale douce durant la deuxième semaine, me limitant à quelques événements avec les commanditaires de l'équipe.

J'ai aussi eu l'occasion d'assister à la dernière soirée de patinage de vitesse courte piste avec nul autre que le premier ministre Stephen Harper. Je pensais qu'on ne se dirait pas un mot. Finalement, il a été très sympathique et volubile. Le trois quart de la conversation s'est déroulée en français. Ça m'a impressionné. Il revenait de la finale de curling féminin, où le Canada s'était incliné de façon très serrée. Il était dans tous ses états! M. Harper est un grand fan de ce sport et il m'a expliqué le déroulement du match et les choix stratégiques de long en large.

Au courte piste, la soirée a été électrisante avec les médailles de Charles Hamelin et François-Louis Tremblay et cette victoire spectaculaire au relais. Le premier ministre a été impressionné de voir autant de gens fiers d'être canadiens au Pacific Coliseum. L'atmosphère était explosive. On sentait qu'on avait trois Centre Bell sur nos épaules.

En sortant, M. Harper, qui n'avait pas d'attentes particulières, m'a dit : «Wow, c'était fantastique. C'est l'un des plus beaux événements de sport auquel j'ai personnellement assisté.»

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J'aurais bien aimé rentrer à Montréal après les Jeux et poursuivre la frénésie olympique avec ma famille et mes proches, mais c'aurait été irréaliste. Je n'aurais pu y passer qu'une seule journée puisque je devais me rendre au Japon pour la suite de la saison de Coupe du monde. Ce n'est que partie remise. Je rentrerai au pays le 19 mars prochain, au lendemain de la dernière compétition de la saison, en Espagne.

Mon récent séjour au Japon a malheureusement a été gâché par la météo capricieuse. L'épreuve masculine a été annulée puisque les 10 derniers coureurs n'ont pas été en mesure de prendre le départ en raison de la mauvaise visibilité. Ça fait mal au coeur parce que j'occupais le premier rang à ce moment-là. Le podium était assuré et la victoire, très possible. J'avais une avance de deux points sur tout le monde.

L'annulation me prive donc de précieux points dans la course pour le globe de cristal. Avec trois épreuves à faire, je suis quatrième. Mathématiquement, c'est toujours possible, mais il faudrait que l'Australien Dale Begg-Smith, le leader actuel, ne fasse pratiquement rien d'ici la fin de la saison. J'ai donc déjà fait une croix sur le globe.

Je suis présentement à Äre, en Suède, pour une épreuve en simple, vendredi, et un duel, samedi. Puis, je mettrai un terme à ma saison avec un simple à Sierre Nevada, en Espagne, le 18 mars. Je veux poursuivre sur ma lancée des Jeux et du Japon et je vise la deuxième ou la troisième place au classement général.

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Pour ce dernier texte, je tiens à remercier tous ceux qui m'ont appuyé cette saison et tout particulièrement mon entraîneur Dominick Gauthier, tout l'entourage du programme B2ten*, Wayne Halliwell, Kelley Korbin, Peter Judge et ma famille.

J'en profite aussi pour inviter tout le monde à faire preuve de générosité. À Vancouver, Jenn et moi avons chacun donné 25 000 dollars à une cause qui nous est chère: Because I'm a girl et l'Association canadienne des centres de santé pédiatrique pour la recherche sur la paralysie cérébrale.

Croyez-moi, le montant est significatif pour nous. Nos commanditaires et plusieurs personnes ont renchéri. Nous avons amassé près de 300 000$ pour nos causes. Même des firmes concurrentes comme KPMG et Ernst & Young ont choisi de s'impliquer.

Au-delà de l'argent, l'idée derrière notre geste est d'inciter les gens à avoir un impact dans une cause ou un domaine qui leur est cher. Que ce soit en argent, en temps ou en matériel.

Personnellement, la paralysie cérébrale de mon frère Frédéric a changé ma vie et m'a beaucoup appris. À mon tour de contribuer et en espérant pouvoir créer une vague qui sera suivie.

*Scott Livingston, Jaime Livingston, JD Miller, Andrea Miller, Serge Bilodeau, Dave Campbell, Leslie Larson, Paulo Sandana, Andrew Parsons, Richard Monette, Jenn Heil et tous les donateurs privés.