(Buffalo) Automne 2020. On sait depuis peu qu’il ne sert à rien de laver frénétiquement ses conserves de maïs en crème en revenant de chez Steinberg. Mais le monde demeure en pleine pandémie et chacun vit ses défis.

À Mount St. Charles Academy, une prep school du Rhode Island, un Trifluvien de 14 ans du nom de Sacha Boisvert installe ses pénates, avec des connaissances à peu près nulles en anglais.

« Je devais me faire de nouveaux amis, je vivais en dortoir, mes parents n’étaient pas là. À Noël, j’avais une décision à prendre : retourner chez nous et risquer de manquer le reste de la saison parce que ce n’était pas sûr que j’allais pouvoir traverser la frontière, ou aller habiter dans la maison d’un gars de mon équipe. J’ai été chez l’ami. »

J’ai compris à un jeune âge que j’allais devoir faire beaucoup de sacrifices pour me rendre où je veux dans la vie.

Sacha Boisvert

En ce mercredi, Boisvert est exactement là où toute personne de hockey veut être à cette époque de l’année : à Buffalo. C’est dans un luxueux hôtel du non moins luxueux centre-ville que La Presse le rencontre, à l’occasion du camp d’évaluation de la LNH en vue du repêchage.

De l’intérêt

Boisvert poursuit son développement aux États-Unis depuis ce fameux automne 2020, mais il débarque ici à titre de meilleur espoir québécois du repêchage 2024. Son entourage s’attend à ce que l’attaquant de 6 pi 2 po et 176 lb soit réclamé entre le 15e et le 25rang. C’est d’ailleurs dans ces eaux que les principaux classements d’experts le placent. Il vient au 22rang du palmarès des espoirs de Bob McKenzie (TSN), au 21rang de celui de Sam Cosentino (Sportsnet).

Une fois le top 10 parti, le reste du premier tour peut être très volatil, puisque les possibilités de transactions sont plus élevées. Au très mouvementé repêchage de 2022, les choix 7, 11, 13, 25, 27 et 29 avaient changé de main la journée même du premier tour.

Dans ces circonstances, Boisvert a donc rendez-vous avec 29 des 32 équipes de la LNH cette semaine. Les trois exceptions : Tampa (aucun choix dans les trois premiers tours), Vancouver (aucun choix dans les deux premiers tours) et le New Jersey, prêt à échanger son choix de 1er tour et déjà dépourvu d’un choix de deuxième.

Parmi ses 29 entrevues, on relève notamment une rencontre plutôt corsée avec le Canadien. Jeff Gorton et Kent Hughes, qui n’ont pas assisté à toutes les entrevues, ont d’ailleurs participé à celle avec Boisvert. « J’ai aimé ça, c’était un challenge différent des autres équipes », estime le jeune homme.

C’est que Boisvert offre un éventail intéressant pour une équipe de la LNH. Il se décrit comme un « attaquant de puissance de talent, bon dans les deux sens de la glace. Je peux lancer, donner des mises en échec, jouer la game physique. La game physique, c’est ce qui fait mon charme avec les équipes. Je suis un bon joueur, mais j’ai aussi l’élément compétitif. » Le genre de mélange dont le Canadien ne regorge pas.

Les chiffres correspondent à sa description. Au sein des Lumberjacks de Muskegon, dans la USHL, il a inscrit 68 points en 61 matchs. Avec 36 buts, il a terminé la campagne au 5rang du circuit junior américain. Mais on note aussi ses 86 minutes de pénalité. Dans une entrevue avec le confrère de RDS Éric Leblanc, il a dit s’être battu six fois cette saison, un chiffre validé par une analyse des sommaires de ses matchs.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DES LUMBERJACKS DE MUSKEGON

Sacha Boisvert

« Je me suis battu une couple de fois pour défendre mes coéquipiers, sinon, pour changer le momentum. C’est mon côté compétitif, je suis un leader, je suis prêt à défendre mes coéquipiers. J’ai fait de la boxe quand j’étais plus jeune, mon père est coach de boxe. Je n’ai pas peur de ça et ça fait partie de la game, il y a encore des batailles », fait-il valoir.

Boisvert accomplit tout cela au moment où les recruteurs des 32 équipes voient aller les Panthers de la Floride, une équipe certes menée par Aleksander Barkov, mais où Matthew Tkachuk et Sam Bennett déploient eux aussi cet heureux mélange de talent offensif et de robustesse.

Cela dit, Boisvert ne nomme ni Matthew Tkachuk ni son frère Brady, quand on lui demande quel joueur il aimerait devenir.

Je veux devenir moi-même, même si c’est quétaine de dire ça. Mais j’aime regarder Anze Kopitar. Il est grand, gros, c’est un centre qui gagne ses mises en jeu, il est bon sur 200 pieds, il peut jouer en avantage numérique et en désavantage, c’est un leader qui a gagné la Coupe. C’est un très bon exemple.

Sacha Boisvert

Boisvert en saura plus sur son avenir le 28 juin, lors du repêchage à Vegas. Mais sa prochaine destination sera néanmoins l’Université du Dakota du Nord, là où il jouera à compter de cet automne. On lui fait remarquer qu’il n’a pas exactement choisi le collège le plus près de chez lui, sachant le nombre de programmes de hockey dans la région de Boston, à cinq heures de route du Québec.

Sauf qu’on parle ici à un jeune qui s’est exilé de la maison à 14 ans pour s’aider à atteindre son rêve. « J’ai fait des sacrifices depuis que je suis jeune. Je serais prêt à aller en Australie pour jouer dans la Ligue nationale ! »