(Lowell, Massachusetts) « Je suis fière d’avoir joué pour l’équipe de Montréal », a soufflé Ann-Renée Desbiens, avant que sa voix craque et que deux larmes coulent lentement le long de ses joues.

À son côté, son entraîneuse-chef Kori Cheverie avait encore les yeux rouges d’avoir pleuré après la rencontre, au terme de laquelle les Montréalaises se sont inclinées par la marque de 3-2 en prolongation contre les Bostoniennes.

Elles ont, de ce fait, été éliminées des séries éliminatoires de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF).

C’est donc ici, à Lowell, à 30 minutes de voiture de Boston, que s’est conclue une saison à la fois courte et remplie de moments historiques.

« Je suis juste fière d’avoir fait partie de cette équipe-là », a à son tour laissé tomber Sarah Lefort, la mine basse. « Je suis fière de chaque coéquipière, qu’elle soit sur la glace ou blessée. Je pense qu’on a amené un très bon produit sur la glace tout au long de la saison. Malheureusement, ce n’est pas le résultat qu’on voulait aujourd’hui. »

Il faut dire que jusqu’en troisième période, rien n’indiquait que Montréal serait en vacances en quittant le Tsongas Center mardi soir…

La troupe de Kori Cheverie dominait outrageusement Boston dans les deux premiers tiers. Elle avait pris les devants 2-0, gracieuseté de Marie-Philip Poulin et de Maureen Murphy. Au moment de commencer la troisième période, Montréal avait lancé 25 fois vers Aerin Frankel – toujours aussi impériale – et Boston, 11 fois vers Ann-Renée Desbiens.

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Marie-Philip Poulin (29) célèbre son but marqué en première période.

Comme à court d’énergie, les visiteuses ont ralenti le rythme au troisième engagement, alors que les locales ont commencé à insister davantage offensivement. En milieu de période, Sophie Shirley a réduit l’écart en coupant au filet. Elle a faufilé la rondelle entre le poteau et le bras droit de Desbiens.

Avec moins de quatre minutes à jouer au temps réglementaire, Amanda Pelkey a été laissée complètement seule à la ligne bleue alors que Montréal évoluait en avantage numérique. Prenant bien soin d’éviter le hors-jeu, elle s’est amenée seule devant Desbiens et l’a battue d’un tir des poignets du côté du bloqueur pour faire 2-2.

« Elles ont fait un changement sournois sur le désavantage numérique, qui leur a permis de se faufiler derrière notre groupe », a résumé Cheverie au sujet de ce but égalisateur.

En prolongation, Boston n’a mis qu’une minute pour marquer ; l’œuvre de Susanna Tapani, qui a sauté sur un retour de lancer d’Alina Müller.

Ainsi s’est terminé le premier chapitre de l’équipe montréalaise. Le premier chapitre d’un livre qu’on lui souhaite long.

La fatigue ?

Les joueuses de Montréal ont disputé beaucoup, beaucoup de hockey au cours de la dernière semaine. Rappelons que les deux premiers duels se sont aussi conclus en prolongation. Le deuxième a duré un total de 111 minutes et 44 secondes. C’est long – encore plus quand, après tant d’efforts, votre équipe rentre bredouille.

Certaines joueuses, comme Erin Ambrose, Marie-Philip Poulin, Laura Stacey ou Kristin O’Neill, ont obtenu un temps de jeu démesuré dans la série. Mardi, en troisième période surtout, on sentait l’équipe un peu à bout de souffle. Comme si les jambes ne suivaient plus.

Interrogée à ce sujet, Ann-Renée Desbiens a refusé de mettre la faute sur la fatigue.

Je ne dirais pas qu’on était fatiguées. Je trouve qu’on a fait un bon travail pour récupérer, revenir. On a eu un excellent début de match, une excellente deuxième période. On était là. On a peut-être trop essayé en deuxième période ; c’est peut-être ce qui nous a coûté la partie. Mais ce n’est assurément pas un manque de récupération. Je suis très fière de ce que les filles ont accompli aujourd’hui.

Ann-Renée Desbiens

Cheverie, de son côté, a préféré ne pas trop s’étendre sur sa gestion des effectifs.

« Je pense que dans les 12 périodes que nous avons jouées, nous avons probablement eu le dessus sur elles dans 10 périodes. Ce n’était pas suffisant. »

Une déception différente

S’il était encore trop tôt, après le match, pour évaluer la saison, Kori Cheverie s’est dite fière de l’effort livré par ses joueuses.

« Je pense que c’est important pour notre groupe de savoir à quel point il a bien joué dans les trois derniers matchs. C’est correct de ressentir les émotions, c’est important », a dit l’entraîneuse-chef.

Probablement que tout le monde se blâme en ce moment. Est-ce que j’aurais pu faire ça, ou ça ? Ultimement, non. […] Je pense qu’il y a plusieurs choses desquelles nous pouvons être fières. Je pense que nous avons surtout besoin de nous donner un peu d’amour en ce moment.

Kori Cheverie

Du haut de ses 30 ans, Ann-Renée Desbiens n’en est pas à sa première déception en carrière. Cette déception-ci a néanmoins quelque chose de « différent ».

« Tu passes la saison au complet avec ces filles-là. C’était une saison inaugurale. Il y a eu des hauts, des bas, des choses qui ont été un succès, des choses à améliorer. Tu traverses ces choses-là avec chaque fille dans le vestiaire, chaque membre du personnel. C’est différent d’un tournoi à court terme.

« On va prendre le temps de réfléchir à ce qui a fonctionné, à ce qu’il faut améliorer, et on va continuer de travailler pour l’an prochain. »

On se dit donc à l’année prochaine.

En hausse

Mikyla Grant-Mentis


Promue au sein du premier trio, elle a exécuté un jeu parfait pour permettre à Marie-Philip Poulin de marquer le premier but de Montréal.

En baisse

Amanda Boulier


Elle a commis plusieurs erreurs défensives. C’est elle qui a été battue par Alina Müller, dont le tir a mené au but gagnant.

Le chiffre du match

141

C’est le nombre total de tirs bloqués par la gardienne de Boston Aerin Frankel en trois matchs. Elle n’a accordé que quatre buts.

Dans le détail

Peu d’ambiance à Lowell

L’équipe de Boston ne joue pas tout à fait à Boston, contrairement à ce que son nom laisse croire. Son domicile est plutôt situé à une cinquantaine de kilomètres de là, à Lowell. L’équipe évolue dans l’aréna des River Hawks de l’Université du Massachusetts, le Tsongas Center, qui a une capacité de 6500 spectateurs pour les matchs de hockey. Mardi, l’amphithéâtre, quoique joli, n’était même pas rempli à la moitié de sa capacité ; 2781 personnes ont assisté au duel. L’ambiance n’était pas du tout comparable avec celle de la Place Bell, où ont eu lieu les deux premiers matchs de la série. Il faut dire toutefois que c’était un mardi et que les Bruins, ainsi que les Red Sox, jouaient à quelques kilomètres de là…

Une Bostonienne nommée

La LPHF a annoncé avant la rencontre le nom des trois joueuses nommées pour le titre de recrue de l’année. Celles-ci devaient avoir 25 ans ou moins au moment de commencer leur première saison chez les professionnelles. Aucune Montréalaise n’en fait partie, mais une Bostonienne, Alina Müller, est du lot, en compagnie des attaquantes Emma Maltais, de Toronto, et Grace Zumwinkle, du Minnesota. C’est justement Müller qui a été à l’origine du but gagnant de Boston, mardi. Elle a battu Amanda Boulier avant de décocher un tir des poignets. Susanna Tapani a ensuite sauté sur le retour pour donner la victoire aux locales. En saison, Müller a été la meilleure pointeuse de son équipe avec 16 points, dont 5 buts, en 24 rencontres. Les gagnantes seront annoncées en juin, en même temps que celles des cinq autres trophées de fin de saison.

Cinq en cinq

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Ann-Renée Desbiens

Il faut croire que Boston est la bête noire d’Ann-Renée Desbiens. Y compris les matchs de la saison, la Québécoise a gardé les buts contre cette formation à cinq reprises cette année. Les Montréalaises n’ont cependant gagné aucun de ces matchs. De toute évidence, Desbiens n’est pas la seule raison de cette défaite. En trois matchs éliminatoires, elle a bloqué 95 tirs et accordé 7 buts.