« Assiste-t-on au passage du flambeau du hockey en Floride ? » Les sages paroles du descripteur d’ESPN, Steve Levy, prononcées en troisième période lundi, préparent en effet le terrain pour le portrait d’une division Atlantique qui pourrait changer dans les prochains mois.

C’est au cours de cette troisième période que les Panthers de la Floride ont achevé le Lightning de Tampa Bay. Sa version 2023-2024, mais aussi – qui sait ? – peut-être une partie de son âge d’or. Les Panthers ont éliminé le Lightning sous la forme d’une victoire de 6-1, pour remporter en cinq matchs la série de premier tour entre les deux rivaux floridiens.

PHOTO WILFREDO LEE, ASSOCIATED PRESS

Niko Mikkola et Carter Verhaeghe

C’est une deuxième fin de saison hâtive de suite à Tampa. Bien des amateurs de hockey par ici prendraient bien ça, une fin « hâtive » en avril plutôt qu’en janvier, mais le Lightning nous a habitués à un certain standard. Depuis la relance sous Jon Cooper, amorcée par le retour en séries en 2014, le bilan des Éclairs se lit comme suit :

  • Deux conquêtes de la Coupe Stanley (2020, 2021)
  • Deux défaites en finale (2015, 2022)
  • Deux défaites en finale de l’Est (2016, 2018)
  • Trois défaites au 1er tour (2019, 2023, 2024)
  • Une exclusion (2017)

Les plus malins ajouteront que le Lightning perd une troisième série de suite, si on calcule la finale perdue de 2022. Mais c’est surtout en regardant les décisions qui attendent Julien BriseBois qu’il y a lieu de se demander si cette équipe n’amorcera pas une certaine transition.

Steven Stamkos

Il vient de marquer cinq buts en cinq duels. Dans ce cinquième match, il a distribué neuf mises en échec, a provoqué une pénalité et a redonné vie au Lightning en fin de première période, après qu’un but eut été refusé aux visiteurs.

Steven Stamkos est le capitaine du Lightning et il a livré une performance à la hauteur de son titre, malgré la défaite. Il a fini de montrer son leadership en se pointant comme tout premier joueur pour la poignée de main. Ses rivaux lui ont bien rendu leur respect.

PHOTO SAM NAVARRO, ARCHIVES USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Steven Stamkos (91)

Mais Stamkos devient aussi joueur autonome sans compensation cet été. La dernière fois que cette chance s’était présentée à lui, il avait entretenu le suspense jusqu’au 29 juin, soit 48 heures avant de devenir libre comme l’air. Sauf qu’à l’époque, il avait 26 ans. Le voici maintenant à 34 ans. Il vient de connaître sa septième saison de 40 buts dans la LNH, mais son prochain contrat sera, selon toute vraisemblance, marqué par la décroissance.

BriseBois jouera gros dans ce dossier, car au-delà des buts et des points, il devra surtout chiffrer le coût du cœur et de l’âme de son équipe.

Jon Cooper

Lui aussi a mis son empreinte sur ce match, en y allant d’une contestation audacieuse sur un but refusé au Lightning. Audacieuse, parce que les coachs le disent souvent : les règles de la LNH sur l’obstruction envers le gardien sont un de ces mystères de la vie. La personne qui finira par y voir clair pourra essentiellement fonder sa propre religion. Cooper a perdu son pari, mais la défaite de Tampa n’a rien à voir avec cette décision.

Quoi qu’il en soit, on en parle moins, mais Cooper amorcera la saison prochaine la dernière année de son contrat. Son destin a toujours été relié à BriseBois. C’est BriseBois qui a extirpé Cooper de la USHL pour l’amener dans la Ligue américaine, à la tête du club-école du Lightning. Cooper est maintenant en poste à Tampa depuis 11 ans.

Or, en cette journée où le congédiement de Dave Hakstol à Seattle a fait grimper Martin St-Louis au 7rang (!) des entraîneurs les plus anciens avec leur équipe actuelle, il y a lieu de se demander ce qui se passera dans le dossier Cooper. Un nouveau contrat signifiera qu’il pourrait bien s’approcher de la quinzaine d’années à la barre de l’équipe.

La loyauté de BriseBois envers Cooper n’a jamais fait de doute. Mais les deux hommes devront se questionner sur les dangers de l’usure du pouvoir.

Pendant qu’il est question du personnel, il faudra aussi surveiller ce qui adviendra de Mathieu Darche, bras droit de BriseBois. Il s’est déjà plié à plusieurs processus d’entrevue pour devenir DG et comme chaque printemps, des postes deviendront vacants. On sait déjà qu’il y en aura un dans ses anciennes terres, à Columbus.

Andrei Vasilevskiy

Mettons tout de suite les choses au clair ; Vasilevskiy a encore un avenir radieux à Tampa. Il fêtera ses 30 ans cet été et est encore vu par ses pairs comme la référence à sa position. Et son contrat est valide jusqu’en 2028.

PHOTO WILFREDO LEE, ASSOCIATED PRESS

Andrei Vasilevskiy (88)

Cela dit, Vasilevskiy n’a pas livré sa plus grande performance dans ce cinquième match. Généreux sur ses retours, chancelant en début de match, il n’avait pas l’air d’un gars qui compte un trophée Vézina et un Conn-Smythe dans son sous-sol.

Vasilevskiy est un phénomène de la nature et le Lightning l’utilise comme tel ces dernières années. Mais le temps est-il venu de lui trouver un auxiliaire capable d’en prendre plus ? Le Russe a amorcé sa saison sur la table d’opération en raison d’un problème de dos. Depuis son retour au jeu, le 24 novembre, il a été le gardien le plus occupé de la LNH, et de loin : 52 départs, devant Juuse Saros (49) et très loin devant son rival dans cette série, Sergei Bobrovsky (43).

Nikita Kucherov

Comme Vasilevskiy, lui aussi en a encore beaucoup à donner. Son contrat est valide pour trois autres années et un trophée Art-Ross l’attend en juin, en vertu de ses 144 points. S’il n’en tenait qu’à Cooper, il ajouterait aussi le trophée Hart à sa collection ; l’entraîneur-chef avait livré un vibrant plaidoyer en sa faveur lors de son passage à Montréal.

PHOTO WILFREDO LEE, ASSOCIATED PRESS

Nikita Kucherov

Mais comme en finale en 2022, le Russe a fini sa saison en faisant l’équivalent d’une crise du bacon. Pendant ce temps, le joueur de concession de l’autre côté, Aleksander Barkov, livrait une performance épique de trois points, un différentiel de +4, 79 % de succès aux mises en jeu, tout ça avec son aplomb habituel.

Si le Lightning souhaite se sortir rapidement de son présent creux de vague, l’apport de Kucherov sera crucial. Encore faut-il que son énergie soit bien canalisée. Un beau chantier pour Cooper ou la personne qui le gérera.