Qui aime bien châtie bien, veut le dicton. Si on se fie au vestiaire du Canadien après la victoire sans appel de 9-3 sur les Flyers de Philadelphie, mardi, Juraj Slafkovsky est un homme populaire.

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Prenez Brendan Gallagher, invité à parler du premier des trois buts de Slafkovsky. Un but marqué sur une déviation, devant le filet, le genre de but qui a permis à Gallagher de devenir riche en jouant au hockey.

« Ça a touché quoi, sa jambière ? », a demandé Gallagher. « Son patin », a répondu un collègue dans la mêlée de presse.

Réplique de Gallagher : « Il porte du 23, il est dur à manquer ! »

Il est de bon ton, au hockey, de modérer les célébrations individuelles pour placer l’équipe, les coéquipiers, sous les projecteurs. Mais dans ce tour du chapeau de Slafkovsky, il y avait un peu des deux.

Ainsi, Christian Dvorak racontait la scène dans les instants qui ont suivi le troisième but de Slafkovsky, celui marqué en échappée. « Après le but, les gars au banc criaient tous : excellent changement, HP ! », a raconté Dvorak.

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS VIA REUTERS CON

Christian Dvorak (28)

« HP », Rafaël Harvey-Pinard, avait en effet réalisé toute une séquence. Il a d’abord plaqué le très colosse Erik Johnson, le faisant chuter, avant de rentrer au banc, et c’est Slafkovsky qui l’a relayé, avant de partir en échappée.

« Pour un jeune, Slaf comprend les actions sous-estimées sur la glace, a souligné Martin St-Louis. Rafaël fait un changement et juste avant, il frappe le gars qui a la rondelle. Pour une seconde ou deux, ce joueur-là ne peut pas faire partie de la relance ou de la défense. Il ne peut pas jouer parce que Rafaël l’a frappé et il tombe. Et là, il change et ça donne du jump à Slaf. Rafaël a fait le jeu et Slaf comprend ça. »

Il appert que Slafkovsky les remarque, les jeux de ses coéquipiers. Son point de presse ressemblait donc plus à un discours de remerciement aux Oscar, sans la musique pour le chasser subtilement de la scène.

« Sur le premier but, je ne sais même pas comment j’ai marqué. Le deuxième but, c’était toute une passe de Suzy (Nick Suzuki). Et sur le troisième, HP a fait un excellent changement, il a créé de la place pour moi et Dave [Savard] m’a fait une belle passe. Je suis content des trois buts.

« Ça importe peu, comment j’ai marqué. Ce n’est pas comment, c’est combien ! »

Des chiffres impressionnants

Même s’il a été réussi contre une équipe désorganisée, en perdition, le tour du chapeau de Slafkovsky demeure spécial. Un seul joueur, Stéphane Richer, en a réussi un à un âge plus précoce que lui en 11 décennies d’histoire de cette équipe.

Avec ce triplé, Slafkovsky compte 19 buts cette saison. Lui prédire une récolte de 20 buts, aussi récemment qu’en novembre dernier, aurait été hérétique. À la mi-décembre, il était à 2 buts en 29 matchs, et les tribunes sportives avaient passé une partie de l’automne à se demander s’il valait mieux pour lui d’aller passer quelques semaines à Laval, comme était alors en train de le faire son coéquipier Arber Xhekaj.

Pourquoi donc l’avoir gardé à Montréal, contre vents et marées ? La question a d’abord fait sourire St-Louis. « Vous me posez des questions sur le mois de novembre, je ne me souviens même pas de ce que j’ai mangé pour déjeuner ! », a rétorqué le coach.

« Ça a été une progression. On ne voulait pas lui en donner tout d’un coup. On a commencé à l’employer sur le bord de la bande en avantage numérique, pour lui permettre de toucher à la rondelle quand il y a de l’espace. Et ça l’a aidé à 5 contre 5. »

Après avoir vu un certain progrès, St-Louis l’a alors muté au sein du trio de Nick Suzuki, avec les résultats que l’on connaît. « Pas parce que je me sentais mal pour lui offensivement. C’était parce que son jeu d’ensemble était bon, parce qu’il faisait tout ce que je lui demandais de faire, donc il avait mérité la chance de jouer avec nos meilleurs joueurs. Et il a pris son envol. »

À ses 41 derniers matchs, soit l’équivalent d’une moitié de saison, Slafkovsky compte maintenant 34 points, soit essentiellement une récolte de 70 points sur une saison complète.

Dans une fin de saison en queue de poisson, marquée par des matchs sans enjeu au classement pour le CH depuis la semaine dernière, la tenue de Slafkovsky fait partie de ces sources d’espoir pour l’avenir.

La victoire a d’ailleurs inspiré à St-Louis une de ses fameuses métaphores de la vie. Elle s’appliquait à son équipe en général, au sujet des bénéfices d’une bonne fin de calendrier. Mais elle peut certainement s’appliquer à Slafkovsky aussi.

« Je compare ça au golf. Quand tu fais un birdie au 18e, tu as hâte de revenir jouer une autre ronde. »

En hausse : Jordan Harris

Celui qui est, espérons-le, surnommé « Calvin » a discrètement obtenu trois mentions d’aide.

En baisse : Jamie Drysdale

Personne du Canadien ne mérite d’apparaître ici. Qu’à cela ne tienne : la candidature de Jamie Drysdale s’impose d’elle-même. Le défenseur des Flyers, nouvellement acquis des Ducks d’Anaheim, a fini le match avec un différentiel de -6.

Le chiffre du match : 3

Brendan Gallagher a lui aussi obtenu trois points dans la victoire. Ça faisait trois ans que ça ne lui était pas arrivé, soit depuis le 6 mars 2021.

Dans le détail

Un gros retour pour Dvorak

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Christian Dvorak

Après avoir raté les 42 rencontres précédentes en raison d’une déchirure à un grand pectoral et ensuite une opération, Christian Dvorak était enfin de retour en ce mardi soir très festif au Centre Bell face aux Flyers de Philadelphie. Dvorak était censé rater le reste de la saison selon le Canadien, mais il a pu revenir plus tôt que prévu, et il a même profité de cette fête face aux Flyers pour marquer deux buts, son quatrième et ensuite son cinquième de la saison. Il n’avait pas marqué depuis le 18 décembre. « Je me sens bien, a-t-il expliqué en fin de soirée. C’est un poids qui s’enlève sur mes épaules. Je suis surtout content d’être avec les gars et de lutter avec eux. C’était plaisant de faire partie d’un tel match et de voir Slafkovsky marquer trois buts… Je me sentais de mieux en mieux à mesure que le match progressait. Tu peux faire des séances de patinage tant que tu veux, rien ne se compare à jouer de vrais matchs. »

Les Flyers ont (encore) des ennuis devant le but

PHOTO ERIC BOLTE, USA TODAY SPORTS

Samuel Ersson

La mort, les impôts, les Flyers qui n’ont pas de gardiens. Il y a de ces certitudes dans la vie, et une fois de plus, la malédiction de Pelle Lindbergh continue de frapper l’équipe de la ville de Rocky. Cette fois, Samuel Ersson et Ivan Fedotov ont été envoyés dans la mêlée, et ce ne fut pas exactement un succès. Le premier a été sorti du match en deuxième période, après avoir accordé 5 buts sur 17 tirs montréalais, et ensuite, Fedotov a pris la relève sans que ça s’améliore, en accordant 4 buts sur 13 tirs à son tour. Une fois cette dure soirée terminée, Ersson a bien voulu répondre à nos questions dans le vestiaire des visiteurs. La mine basse, il s’est lui-même montré du doigt. « C’est dur à expliquer… Je trouve que c’est gênant pour nous, ma performance n’est pas du tout acceptable, encore moins à ce moment-ci de l’année. Je suis gêné de mon jeu et je dois jouer beaucoup mieux que je ne l’ai fait. J’essaie du mieux que je peux, je dois être meilleur dans plusieurs aspects. »

Un vestiaire des visiteurs bondé après le match

Les membres des médias ont eu droit à toute une surprise au moment où la porte du vestiaire des visiteurs s’est ouverte en fin de soirée : tous les joueurs des Flyers, sans exception, étaient assis à leur casier. De mémoire, c’est la deuxième fois en 25 ans de carrière que votre humble serviteur voit une telle scène (Alain Vigneault avait exigé la même chose des joueurs du Canadien ici à la fin des années 1990). On croit comprendre que cette décision est venue de John Tortorella, qui était par ailleurs d’un calme étonnant en fin de soirée. « Ils doivent répondre aux questions, a expliqué l’entraîneur des Flyers au sujet de ses joueurs. C’est un bon groupe, peu importe ce qui est arrivé ici. Nous n’avons pas été bons, mais c’est un bon groupe, je suis frustré pour eux… Nous avons fait des erreurs. Je ne vais pas remettre l’effort des joueurs en question, mais nous avons atteint le fond du baril. Je n’aime pas voir quelque chose comme ça après les bonnes performances de cette équipe depuis le début de la saison. On a fait beaucoup d’erreurs, des erreurs qu’on ne fait pas d’ordinaire. Les deux derniers matchs, on a fait des choses qu’on n’a pas faites de la saison… Il faut retrouver notre dignité et jouer de la bonne manière. »

Richard Labbé, La Presse