Le Canadien est éliminé.

Il l’est depuis longtemps, direz-vous, mais cette fois, c’est officiellement officiel. À la suite de cette défaite de 7-4 aux mains du Lightning de Tampa Bay, jeudi, le classement laisse croire que le CH pourrait encore rejoindre la dernière équipe qualifiée pour les séries éliminatoires, mais puisque plusieurs équipes dans le peloton s’affronteront entre elles d’ici deux semaines, le dernier échelon payant deviendra inatteignable.

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Cette formalité, de toute façon, est insignifiante. Il était clair depuis longtemps que ce jour viendrait. Alors que ce soit aujourd’hui, hier ou demain ne change rien.

Martin St-Louis a reconnu que comme joueur ou comme entraîneur, ce moment précis n’est jamais agréable. Mais en tant qu’adepte du verre à moitié plein, il a rapidement souligné qu’il avait vu « tellement de positif » et de « progression » au sein de ses troupes qu’il préférait garder les réussites en tête.

On n’organisera pas des funérailles pour la saison de son club, a-t-il insisté, mais plutôt une « célébration de la vie ». Même si, « mentalement », ce n’est jamais gai de se dire à l’année prochaine. « On continue », a-t-il résumé.

Cette progression, on a eu le temps de le dire et de le répéter au cours des 75 derniers matchs, elle est réelle à plusieurs égards, surtout sur le plan individuel.

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

Erik Cernak (81) et Juraj Slafkovsky (20)

Juraj Slafkovsky est devenu un joueur de la LNH, et Nick Suzuki, un centre offensif de haute qualité. Cole Caufield, si l’on fait abstraction de sa récolte de buts décevante, a ajouté des cordes à son arc. Kaiden Guhle, qui s’est par ailleurs blessé jeudi, a continué de s’affirmer comme un défenseur fiable et polyvalent. Samuel Montembeault a confirmé son statut de gardien numéro un. Joel Armia a retrouvé le goût de jouer au hockey. Et ainsi de suite.

Sur le plan collectif, le progrès est plus abstrait. Et le duel contre le Lightning nous en a fourni un rappel frappant.

À cinq contre cinq, les visiteurs n’ont pas exercé une domination totale, en tout cas pas durant toute la rencontre. Or, leur capacité à frapper fort lorsque l’adversaire baisse sa garde leur a suffi.

Écart

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Cayden Primeau

Un thème récurrent des dernières semaines, chez le Canadien, a été la diminution de l’écart séparant cette équipe des clubs de tête. On a en effet assisté à des oppositions très honnêtes, parfois même surprenantes, face à des aspirants sérieux à la Coupe Stanley – les Oilers d’Edmonton, l’Avalanche du Colorado, les Panthers de la Floride.

Les Montréalais ont même réussi à soutirer quelques victoires lors de ces duels corsés. Mais pour y arriver, il faut encore un certain alignement des astres. Dans le désordre : une performance impeccable du gardien, un désavantage numérique intraitable, du jeu organisé à forces égales, à plus forte raison en zone neutre et en zone défensive, et pourquoi pas un coup de pouce de l’avantage numérique.

Absolument aucune de ces cases n’a été cochée jeudi. Et le Lightning, dans les mots de Martin St-Louis, « a flairé le sang ».

Ç’a été particulièrement pénible en deuxième période, au cours de laquelle les hommes de Jon Cooper ont marqué quatre buts. Sur deux de ceux-ci, Steven Stamkos, d’abord, et Nikita Kucherov, ensuite, ont été abandonnés devant le filet, profitant de tout le temps du monde pour décocher de puissants tirs sur réception. Ce n’est pas idéal.

St-Louis a parlé de l’une des pires périodes de la saison, et a estimé, puisque ce type d’effondrement ne se produit que rarement, qu’il ne fallait pas en tirer de conclusions tranchées. « Je vois cette période comme une exception, et non la norme », a-t-il dit. Il n’empêche que « c’est plate quand ça arrive ». C’est peu dire.

Il y a toutefois là, au risque de nous répéter, une valeur de rappel que malgré tout le chemin parcouru, la route est encore longue avant de ressembler aux clubs de tête – le Lightning, mettons.

« On sait qu’on doit en donner encore plus pour s’améliorer, a reconnu Mike Matheson. Mais je pense qu’on continue de montrer qu’on est plus proches que ce que les gens pensent ou ce que les résultats montrent. La différence [avec les équipes dominantes], c’est leur capacité à demeurer constantes pendant 60 minutes. [Les joueurs du Lightning] nous l’ont montré ce soir. »

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

Nikita Kucherov (86) et Mike Matheson (8)

Ce type de match constitue « un gros test » aux yeux de Juraj Slafkovsky, qui aspire à ce que son équipe ressemble aux Stamkos, Kucherov, Point et leurs amis. « Si on se fait donner ce qu’on leur a donné, on veut faire la même chose, a-t-il illustré. C’était bien pour nous de les voir aller, mais ce n’est pas amusant de jouer contre eux. »

« Il faut voir du positif, a insisté David Savard. On est capables de jouer à cinq contre cinq. Quand on joue notre game, on peut compétitionner contre n’importe quelle équipe. Ce soir, on ne s’est pas donné de chances, en écopant de mauvaises punitions ou en faisant de mauvais jeux. »

On y revient. Le fameux écart ne peut être grugé que si les conditions gagnantes sont remplies. Tant qu’elles ne le seront pas, soir après soir, mois après mois, les saisons se termineront comme celle-ci. Par des funérailles ou une célébration de la vie, selon le nom qu’on préfère utiliser. Mais par une mort prématurée néanmoins.

En hausse : Brendan Gallagher

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

Joel Armia (40), Alex Newhook (15), Brendan Gallagher (11) et David Savard

Il a obtenu deux mentions d’aide et a possiblement obtenu les meilleures chances de marquer à cinq contre cinq de son club. Son trio avec Alex Newhook et Joel Armia se retrouve encore au tableau d’honneur.

En baisse : Le désavantage numérique

PHOTO DAVID KIROUAC, USA TODAY SPORTS

Brandon Hagel (38)

Dominante au cours des dernières semaines, cette escouade a cédé deux fois, pratiquement trois puisque Brandon Hagel a marqué alors que Mike Matheson sortait à peine du banc des punitions.

Le chiffre du match : 14

C’est le total de minutes de punition dont ont écopé Jayden Struble (8), Mike Matheson (4) et Arber Xhekaj (2). Avec Kaiden Guhle tombé au combat en début de match, ç’a fait beaucoup de temps passé avec un effectif partiel en défense.

Dans le détail

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Kaiden Guhle

Lourdes pertes dans les deux camps

La soirée de travail de Kaiden Guhle fut de courte durée. Dès sa deuxième présence, le défenseur a été victime d’une solide mise en échec de Nikita Kucherov. Sa tête a donné contre la baie vitrée et il est resté longtemps étendu sur la patinoire, avant de retraiter au vestiaire. Le Canadien a annoncé, sans grande surprise, une blessure au haut du corps pour le numéro 21. L’équipe a congé d’entraînement vendredi, donc il faudra attendre à samedi matin pour savoir si ce n’était qu’une frousse ou s’il devra s’absenter. Avec le Rocket en pleine course aux séries, il est logique de croire que le Tricolore se contenterait d’employer Johnathan Kovacevic comme sixième défenseur, sans piger dans son club-école. Le Lightning a quant à lui perdu deux soldats, deux attaquants membres de leur noyau. Anthony Cirelli a d’abord hissé le drapeau blanc. En début de match, il s’est fait bardasser par Jayden Struble devant le filet de Tampa, mais a néanmoins effectué plusieurs présences par après. « Il s’est fait sonner et on arrive au point où il faut être prudent et ne rien risquer, donc on l’a sorti du match », a simplement dit Jon Cooper, sans préciser si la blessure résultait de l’empoignade avec Struble. Puis, en fin de match, Brandon Hagel a été victime d’une collision accidentelle avec son capitaine, Steven Stamkos. Hagel compte 70 points en 76 rencontres cette saison.

Quand le trophée Art-Ross est un objectif

Nikita Kucherov en a eu pour son argent à sa dernière présence du match, qui a duré 2 min 12 s Le Canadien avait retiré son gardien et attaquait à six patineurs, et de l’autre côté, avec les deux pertes susmentionnées, Cooper a terminé le match à 10 attaquants. Ses options étaient limitées. « Pour jouer à 5 contre 6, tu dois être intelligent, a rappelé Cooper. Je crois fermement que Kuch pourrait jouer en désavantage, mais il faut gérer ses minutes et s’assurer qu’il ne joue pas trop. Mais il est si intelligent, c’est facile de l’envoyer à 5 contre 6. » Sur le but inscrit dans un filet désert, Kucherov a d’ailleurs fait le bon jeu en se contentant d’une remise par la bande à Stamkos. Mais auparavant, on l’a vu scèner près de la ligne bleue offensive à quelques occasions. Ce qui nous amène à notre deuxième point : le trophée Art-Ross. Kucherov l’a gagné en 2019 et avec maintenant 133 points, il vient au 1er rang de la LNH, trois points d’avance sur Nathan MacKinnon. Certains entraîneurs atténuent l’importance des honneurs individuels, mais pas Cooper. « C’est très dur de remporter des trophées individuels. Je crois sincèrement que si un joueur se donne pour l’équipe et qu’il est reconnu pour ses exploits individuels, ça montre qu’il est une superstar. Kucherov a transporté l’équipe. Est-il notre joueur le plus utile ? Aucun doute, surtout avec les absences de Vasilevskiy et de Sergachev. »

Chacun sa force

Les meilleurs trios rassemblent des joueurs aux qualités complémentaires et c’est en partie ce qui explique le succès de l’unité de Nick Suzuki, Cole Caufield et Juraj Slafkovsky. En un seul jeu, les trois jeunes joueurs ont démontré ces qualités. Slafkovsky, l’Averell Dalton du groupe, s’est donc amené dans le coin et a utilisé son gros gabarit pour protéger la rondelle contre deux colosses, soit Nick Paul et Emil Lilleberg. Pendant ce temps, Suzuki, le Joe Dalton de son unité, s’est montré rusé comme toujours. Il a vu Slafkovsky s’engager dans cette lutte et s’est vite dirigé derrière le filet pour devenir une option de passe pour Slafkovsky, tout en apercevant Cole Caufield qui filait vers l’enclave. Puis, Caufield, qui est William ou Jack Dalton, au choix, a sorti ses qualités de tireur d’élite pour compléter la manœuvre.