Kaiden Guhle n’est pas le joueur le plus démonstratif ; Lyle Odelein, il n’est pas. Donc son large sourire après son but, en troisième période du match de samedi, était difficile à ignorer.

Il appert que le but était le résultat d’un jeu planifié. Alex Newhook a gagné la mise en jeu et a envoyé la rondelle derrière lui à Johnathan Kovacevic. Dès que Guhle a noté que la rondelle se dirigeait vers Kovacevic, il a fait quelques enjambées vers l’avant et était placé pour un tir de qualité, qui a touché la cible.

Quelques secondes plus tôt, sur la mise en jeu précédente, également en zone des Leafs, Guhle avait constaté que les Torontois exerçaient une forte pression sur les défenseurs du Canadien à la ligne bleue. « Donc j’ai dit [à Kovacevic] de feindre le tir sur réception et de me passer la rondelle. C’est bien de réussir un jeu planifié comme ça ! »

« C’était à moi de décider si on faisait le jeu ou pas, a ajouté Kovacevic. Sur la première mise en jeu, je devais être plus prudent, donc j’ai tiré. Mais la deuxième fois, Kaiden a pu se blottir derrière leur joueur. »

Son large sourire, il était donc destiné à Kovacevic.

Les jeux planifiés ne sont pas légion au hockey en raison de la nature continue du sport, mais on en voit tout de même de temps à autre. Ce qui est encore plus rare, c’est d’en voir en zone offensive, de la part d’une équipe… en désavantage numérique !

Sauf que le pointage indiquait alors 3-0 Toronto et on était en milieu de troisième période. « Si tu mènes et que tu es en désavantage numérique, tu n’essaies pas ce jeu-là ! », énonce Guhle.

« Si on mène, le ratio risque-récompense n’est pas là, expose Kovacevic, dans le vestiaire après le match. Mais on perdait 3-0, on essayait d’aller chercher une étincelle. Il faut vraiment calculer les risques en tout temps. »

Leçons de jeunesse

Depuis son arrivée en poste, Martin St-Louis discourt souvent, en point de presse, de la gestion du risque. Il a ramené le concept à l’avant-plan cette semaine, dans une réponse sur Logan Mailloux, un défenseur qui aime vivre dangereusement. Son penchant pour le risque l’a d’ailleurs trahi lundi, face aux Devils du New Jersey.

Lisez « La leçon de Logan Mailloux »

Jouer avec un peu de risque, c’est important, mais il faut que ce soit calculé. Qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté de ce risque, et que peux-tu donner ? Tu dois l’enseigner aux jeunes. Ton calcul du risque, le temps, le score, tout ça rentre en ligne de compte.

Martin St-Louis

Mailloux n’a pas été le seul à assimiler des leçons de gestion du risque. Prenez le deuxième but des Leafs, samedi. Nick Suzuki file vers une rondelle libre, pendant que son équipe se défend à 4 contre 5. David Reinbacher décampe pour appuyer l’attaque, mais Suzuki se fait enlever la rondelle. Justin Barron est incapable d’intercepter la première passe, offrant un 2 contre 0 aux Leafs.

Si Suzuki ne perd pas sa bataille pour la rondelle, Montréal obtient un surnombre et une chance d’égaler la marque à 1-1. Mais Fraser Minten marque pour faire 2-0 Toronto.

« J’ai vu Suzuki prendre la rondelle, et ce n’était pas 50-50, c’était 75-25 pour lui, a estimé Reinbacher, après le match de samedi. Mais la rondelle est revenue. Je n’aurais pas dû partir si vite, mais j’ai vu une possibilité de surnombre. C’est ma faute. »

Reinbacher a été bon prince d’accepter le blâme pour son capitaine. Mais il pourra néanmoins ramener avec lui en Suisse une leçon de gestion du risque.

Juraj Slafkovsky y a lui aussi goûté. Pendant un avantage numérique en fin de deuxième période, il venait de tenter deux tirs, les deux dans les jambières du défenseur Marshall Rifai. À sa troisième tentative, il a mis toutes ses forces, mais n’a manifestement pas entendu son gardien qui piochait pour annoncer la sortie imminente d’un rival du banc des pénalités. La rondelle a donc raté la cible, mais était tirée avec une telle force qu’elle est revenue jusqu’en zone neutre, où l’a cueillie Nicholas Robertson, qui a marqué.

« J’ai probablement choisi le pire moment pour tirer. J’ai tenté deux tirs avant, ils n’ont pas fini dans la baie vitrée. Et celui-là finit dans la baie vitrée. Ça arrive. Mais tu dois être conscient du temps qu’il reste en avantage numérique, surtout à la fin, quand le quatrième attaquant doit rentrer au banc et laisser sa place à un défenseur. »

William Trudeau, qui s’est lancé à la poursuite de Robertson, s’en voulait lui aussi.

Ça n’arrivera plus. J’étais fatigué. J’aurais pu changer ou faire un meilleur repli. Je l’ai vécu et j’ai appris de ça.

William Trudeau

À l’inverse, on a aussi pu observer, au cours de ce même match, un Barron beaucoup plus prudent. À plusieurs reprises, il aurait pu s’avancer en zone offensive pour y garder une rondelle, mais a préféré rester à la ligne bleue, ou reculer.

Quoi qu’il en soit, le camp sert notamment à montrer à ces jeunes ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas courir comme risque. Ou, dans les mots de l’entraîneur :

« Tu dois jouer la game. Tu dois prendre des décisions réelles, pas juste ce que ça te tente de faire. Ça doit être calculé. Pourquoi tu prends cette décision ? Quel est le support ? Tu ne peux pas arriver le 11 octobre : “OK, là, je vais prendre les meilleures décisions." Je sais que ce sont des matchs hors concours, mais tu dois créer de bonnes habitudes. »