(Buffalo) Décidément, le milieu agricole est un filon riche pour le repêchage 2023 de la Ligue nationale.

Le défenseur des Cataractes Jordan Tourigny nous a décrit son travail dans la ferme familiale à Victoriaville plus tôt cette semaine. Un autre espoir, l’attaquant Easton Cowan, nous a raconté qu’il lavait les tracteurs et la machinerie lourde sur une terre à Mount Brydges, dans la région de London.

Bradly Nadeau, un Acadien de Saint-François-de-Madawaska, a lui aussi du vécu sur 30 arpents. Mais dans son cas, la ferme familiale est doublée d’une entreprise d’excavation, et c’est surtout ce secteur d’activité qui occupait Nadeau.

« J’ai fait de l’excavation avec mon père, il nous l’a appris à mon frère et moi, nous raconte le Néo-Brunswickois, au camp d’évaluation de la Ligue nationale en vue du repêchage. On passait du temps en famille et on travaillait en même temps. »

Son rôle ? « Je faisais la pelle, l’excavateur, et je conduisais les camions de sable. Ce n’est pas trop compliqué, mais il fallait que je le fasse sur la propriété privée parce que je n’avais pas mes licences ! »

PHOTO FOURNIE PAR JOHN NADEAU

Bradly Nadeau

Le paternel, qui revenait justement de Montréal pour un achat de machinerie lorsqu’il a répondu à l’appel de La Presse, estime que Nadeau a commencé à manœuvrer la machinerie « vers l’âge de 10 ans ». « Lui et son frère, pas mal tout ce que tu leur fais faire, ils sont bons, raconte John Nadeau. Ils chauffaient des pelles et des bull. Et ils faisaient du foin. Il n’y a pas assez d’heures dans une journée à la ferme ! Si tu veux partir du bon pied, tu dois travailler. Moi aussi, j’ai été élevé sur la ferme. Tu te lèves, tu travailles ! »

Et cet apprentissage, ça a servi au hockey ? « Je pense que oui parce que travailler, ce n’est pas un fardeau pour eux. »

Meilleur compteur

Dans son coin de pays, Bradly Nadeau était loin de la LNH, au sens propre et au sens figuré. À 539 km, Montréal est le marché le plus près de chez lui. C’est pourquoi il a, à ce jour, assisté à un seul match du circuit Bettman en personne.

Et le hockey mineur à Saint-François, un village de 470 habitants en date de 2016, offre évidemment des possibilités limitées. Jusqu’au niveau atome, il jouait donc du hockey récréatif avec tous les groupes d’âge. À compter du niveau pee-wee, il a dû s’inscrire à Edmundston, à 40 minutes de route.

« Quand il est tombé bantam, c’était trois heures aller-retour pour aller aux entraînements à Perth-Andover, estime John Nadeau. On a fait du kilométrage moyennement ! Mais ce n’était pas dur parce qu’il aimait ça. J’allais le chercher à l’école à 4 h 30, on revenait à la maison à 11 h. »

On voyageait une quinzaine d’heures par semaine. C’est drôle, je vois des parents qui ont 20 minutes de route à faire pour aller reconduire leur enfant et ils trouvent ça loin. Si c’était à recommencer, je le referais, parce que nos enfants ne restent pas jeunes toute leur vie.

Le père de Bradly, John Nadeau

Cette lourde logistique n’a pas empêché Bradly Nadeau de se développer, car le voici à 18 ans meilleur marqueur de la BCHL, le circuit junior B de Colombie-Britannique, avec une récolte de 113 points en 54 matchs pour les Vees de Penticton. Ses statistiques sont comparables à celles obtenues par Tyson Jost (104 points en 48 matchs) à son année de repêchage. Jost est le joueur repêché le plus haut dans l’histoire des Vees (10e en 2016), mais il tarde à prendre son envol dans la LNH.

« Il peut te faire mal autant avec son tir qu’avec sa créativité. Il est toujours autour de la rondelle. C’est un bon joueur sur 200 pieds », note un recruteur de la LNH, s’exprimant de manière anonyme.

Au 2rang des compteurs de la BCHL : son grand frère, Josh. S’ils sont passés par Penticton, c’est parce qu’ils ont opté pour la NCAA. Les deux sont attendus à l’Université du Maine la saison prochaine. À 5 pi 8 po, Josh a toutefois été ignoré au repêchage 2022, le premier auquel il était admissible.

« En grandissant, j’ai toujours voulu jouer dans le junior majeur, explique Bradly Nadeau. Venant du Nouveau-Brunswick, je ne pensais pas à la NCAA. Mais l’année de mon repêchage junior, je pesais 140 lb, j’étais petit. J’avais entendu dire que la NCAA permettait d’avoir plus de temps pour devenir plus fort physiquement et se développer. »

Il doit encore gagner du coffre, à 5 pi 10 po et 161 lb. Mais son cheminement le place aujourd’hui parmi les espoirs intéressants du repêchage.

La Centrale de recrutement de la LNH le classe au 17rang des patineurs nord-américains, et la plupart des experts l’attendent quelque part au deuxième tour, sinon en fin de premier tour.

« Je n’ai pas vraiment d’attentes, deuxième ou troisième tour, admet-il. Je ne veux pas me faire des espoirs trop hauts ni trop bas. »

Cette semaine, il rencontrait 25 équipes, dont le Canadien. Il quittera Buffalo samedi, comme tout le monde, et retournera à Penticton afin de terminer son année scolaire et obtenir son diplôme d’études secondaires. Avant de filer en Colombie-Britannique, il est toutefois convié au camp d’évaluation maison organisé par les Maple Leafs, détenteurs du 28choix, à Toronto.

Si les Leafs – ou toute autre équipe – ne le sélectionnent pas, le Canadien aura deux occasions pour le faire : en toute fin de premier tour (choix des Panthers) ou avec son propre choix au 37rang.