(Buffalo) Jordan Dumais a survolé la LHJMQ cette saison. Avec 140 points, l’attaquant des Mooseheads d’Halifax a gagné le championnat des compteurs par 21 points. Rien de moins.

S’il était le Wayne Gretzky de la saison, Dylan MacKinnon était son Dave Semenko. Grand défenseur de 6 pi 2 po, arborant une coupe Longueuil qui aurait fait sensation au Marché aux puces 5 étoiles en 1992, MacKinnon s’est battu trois fois cette saison.

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Jordan Dumais

« Il y aura toujours des durs qui vont essayer d’arracher la tête des vedettes, pestait MacKinnon, samedi matin, au camp d’évaluation de la LNH en vue du repêchage. Je joue avec Dumais. Si quelqu’un lui court après et que je ne peux pas me battre… c’est gênant. »

Le durcissement des sanctions contre les bagarres, dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), a peut-être été accueilli favorablement par la classe politique, mais chez les joueurs sondés samedi, on sentait une certaine réticence, incarnée en toute candeur par MacKinnon.

L’an passé, je me suis battu huit fois [cinq fois, en fait]. Cette saison, c’est arrivé seulement trois fois et j’ai eu une suspension pour ma troisième. Il devrait toujours y avoir une place pour les bagarres.

Dylan MacKinnon

Les bagarres continuent à diminuer dans la LHJMQ comme ailleurs. Il y a 10 ans, une bagarre éclatait dans deux matchs sur trois. Cette saison, c’était dans un match sur sept. Au cours des séries 2023, le collègue du Soleil Mikaël Lalancette rappelait qu’il n’y a eu que deux combats en 72 matchs.

« C’est sûr qu’on est jeunes, mais je pense que ça a quand même sa place au hockey. Et elles étaient en train de s’éliminer par elles-mêmes », a commenté Ethan Gauthier, attaquant des Voltigeurs de Drummondville et espoir le mieux classé de la LHJMQ.

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Ethan Gauthier

Quand tu sais qu’il y a des batailles, tu es peut-être moins tenté d’essayer la grosse mise en échec. C’est ce qui me fait peur. Des fois, des gars mal intentionnés peuvent se dire : “Je n’aurai pas à me battre, donc je peux m’essayer.”

Ethan Gauthier

Gauthier a hérité de son père, Denis, un amour pour le jeu robuste et les bons coups d’épaule. Il admet donc que le resserrement des règles pourrait lui éviter quelques conséquences. « L’an passé, c’est arrivé que je pince un joueur et après ça, mon premier réflexe était de regarder à gauche, à droite une couple de fois ! Ce côté-là va peut-être changer. Mais notre but est de jouer au hockey. Qu’il y ait des batailles ou pas, le sport, c’est de mettre la rondelle dans le but. »

Étienne Morin est un autre espoir de la LHJMQ qui pourrait entendre son nom au premier tour à Nashville. Lui n’est pas du tout du style bagarreur ; le défenseur des Wildcats de Moncton n’a toujours pas été pénalisé pour une bagarre, après deux ans dans le circuit québécois. C’est pour ses habiletés offensives (72 points en 67 matchs) qu’il est prisé.

Mais lui aussi croit en l’utilité des bagarres pour protéger les vedettes.

« Je ne suis pas quelqu’un qui se bat, donc ça ne changera rien pour moi, mais ça va changer des choses, estime Morin. C’était le repêchage de la LHJMQ aujourd’hui, on a pris Caleb Desnoyers. S’il se fait frapper, je veux être là pour lui. Mais sachant qu’on peut se fait suspendre, ce sera plus difficile. Les joueurs seront moins nerveux d’aller frapper et ça pourrait être plus dangereux, dans un sens.

« Mais je suis dans cette ligue depuis deux ans, j’ai confiance en nos dirigeants. »

Faible année

Dans son plaidoyer contre la nouvelle réglementation, MacKinnon a établi un lien avec la sous-représentation de la LHJMQ au camp d’évaluation. « Je ne sais pas si c’est en cause, mais ça ne nous fait pas une bonne image », a dit le Néo-Écossais.

Évidemment, il est faux d’établir un lien entre la réglementation annoncée vendredi et les invitations au camp d’évaluation, qui est commencé depuis dimanche dernier.

Il reste que la LHJMQ ne comptait que sept représentants ici, contre 20 pour la Ligue junior de l’Ontario (OHL) et 21 pour la Ligue junior de l’Ouest (WHL).

L’écart n’a rien à voir avec les décisions de la Ligue nationale ; sont invités les joueurs qui reçoivent le plus de demandes de la part des 32 équipes. « On demande aux équipes qui elles veulent et on descend la liste. Avant, on choisissait les joueurs, mais on ne le fait plus, on laisse les équipes choisir », s’est défendu Dan Marr, vice-président de la Centrale de recrutement de la LNH.

Toutes les personnes de hockey que nous avons consultées ont rappelé qu’il s’agit d’une cuvée plus faible qu’à l’habitude pour la LHJMQ. Il reste toutefois que les perceptions semblent jouer contre le circuit québécois.

Prenez ce témoignage de Mathieu Cataford, attaquant des Mooseheads, qui racontait son expérience avec Équipe Canada à la Coupe Hlinka-Gretzky l’été dernier.

« Des gars disaient que la LHJMQ est plus faible, plus soft. Mais ça fait quatre ans de suite qu’on gagne la Coupe Memorial ! lance-t-il. On a comme une étiquette… Il y a quand même plusieurs bons Québécois dans la Ligue nationale.

« Des fois, j’ai l’impression qu’en Ontario et dans l’Ouest, tout est plus centré sur le talent individuel et le développement, tandis que dans la LHJMQ, c’est sur la structure d’équipe, pour préparer les joueurs au prochain niveau. »

Dylan MacKinnon croit lui aussi que le circuit est parfois sous-évalué. « Regarde la Coupe Memorial, ça fait quatre ans de suite qu’on gagne. Mais je sens qu’on est un peu en bas de la liste. »

« Ça ne change pas que la LHJMQ est une très bonne ligue, a ajouté Ethan Gauthier. Cette année, ça adonne que c’est une grosse cuvée de 2005 pour la WHL. Mais ce n’est pas parce que la LHJMQ est moins forte qu’il y a moins de joueurs ici. »