(Buffalo) Une des pistes évoquées pour expliquer pourquoi les joueurs du Canadien avaient oublié comment jouer au hockey en octobre 2021 était la fatigue. La pandémie avait fait en sorte que la finale de la Coupe Stanley s’était terminée en juillet, trois bonnes semaines après la date habituelle.

On a compris a posteriori que les problèmes du CH étaient bien plus profonds, mais le court été n’avait certainement pas aidé. Si c’était vrai pour les pros, se peut-il que ce le soit aussi pour les joueurs d’âge junior ?

Le cas de Jordan Tourigny est intéressant en ce sens. Le défenseur des Cataractes de Shawinigan, classé 123espoir nord-américain par la Centrale de recrutement de la LNH, a en effet vécu un été 2022 bien rempli.

  • 11 juin 2022 : les Cataractes remportent la Coupe du président au terme des séries de la LHJMQ.
  • 20 au 29 juin : ils participent à la Coupe Memorial à Saint John, au Nouveau-Brunswick.
  • 31 juillet au 6 août : Tourigny dispute la Coupe Hlinka-Gretzky avec Équipe Canada à Red Deer, en Alberta.
  • 9 septembre : premier match préparatoire des Cataractes en vue de la saison 2022-2023
  • 22 septembre : premier match de saison des Cataractes

Avant même qu’on l’évoque à Tourigny, un recruteur nous avait averti. « Ces jeunes-là, ça leur fait des horaires chargés. Et les joueurs comme lui, qui ne sont pas à maturité physique, ont besoin de s’entraîner », avait prévenu notre homme.

À 165 lb (sur 5 pi 11 po), Tourigny aurait effectivement gagné à passer du temps à lever de la fonte.

« J’ai peut-être eu deux semaines d’entraînement, estime Tourigny, rencontré au camp d’évaluation de la LNH. À 16, 17 ans, deux saisons de suite presque sans pause, c’est dur mentalement et physiquement. Sur glace, ça a paru. Je ne le réalisais pas pendant la saison, mais avec le recul, je me rends compte que j’aurais dû prendre du temps après les Fêtes. »

Tourigny a conclu cette saison cruciale avec 41 points (6 buts, 35 aides) en 67 matchs. Sa production a doublé par rapport à la saison précédente, mais son différentiel est passé de + 15 à - 28. Il faut toutefois préciser que les Cataractes amorçaient un nouveau cycle après leur championnat de la saison précédente.

Son classement a néanmoins souffert. Placé au 63rang à la mi-saison, il a dégringolé de 60 rangs lors de la version finale.

Personne ne veut caler, mais ça reste une liste. Je me concentre sur le repêchage et on verra ce qui arrivera. Une fois au camp, je vais montrer à mon équipe qu’elle a fait un bon choix.

Jordan Tourigny

La ferme

À ce camp d’évaluation, les fils d’anciens joueurs sont nombreux : Gabriel Perreault, Oliver Bonk et Ethan Gauthier sont les principaux noms connus. Mais des fils de fermiers, il y en a moins.

Tourigny a toutefois grandi dans une ferme laitière de quelque 700 vaches à Victoriaville, un détail qui attire manifestement l’attention des équipes qui l’ont interviewé cette semaine.

« Quand ils demandent ce que mes parents font dans la vie et que je réponds que j’ai grandi sur une ferme, ils ne s’y attendent pas ! raconte Tourigny. À ma dernière entrevue, on m’a demandé la job la plus plate que j’ai faite, la valeur de la machinerie… »

Pour discuter de la valeur d’une moissonneuse-batteuse Gleaner R60, on vous annonce avec regret que vous serez mieux servis dans les autres sections du journal. Mais la tâche la plus plate, c’est intrigant.

Alors, c’était quoi ? « Ramasser les roches, lance-t-il, sans hésiter.

— Ramasser les roches ?

— Avec le froid et le chaud, les roches remontent à la surface. Quand on fait les récoltes, ça peut briser la machinerie. Donc tu marches derrière le tracteur, tu ramasses les roches, tu bois de l’eau à chaque bout, au soleil toute la journée. Ça devient fatigant ! »

Ces détails-là, le Canadien doit toutefois les connaître, puisque l’équipe a repêché l’an dernier Miguël Tourigny, le grand frère de Jordan, également un défenseur. Reste que le CH fait partie des huit équipes qui voulaient rencontrer Jordan Tourigny cette semaine.

« Ils connaissent mon frère, mais sur la glace, on a des styles différents. Mon frère va juste baisser sa tête et rentrer dans le tas. Moi, je vais observer, prendre des notes, sauter au bon moment. Mais je ne pense pas qu’une équipe va choisir un joueur en fonction de sa famille. Ça peut jouer un rôle, mais il n’y a pas juste ça. »