Imaginez le scénario suivant. Le Rocket de Laval vient d’atteindre le carré d’as des séries de la Ligue américaine de hockey.

Juraj Slafkovsky lui a été prêté au début des éliminatoires après l’élimination de son club junior en quatre matchs consécutifs. Le jeune homme doit en principe y dominer, après avoir été repêché au premier rang total l’été précédent.

Mais après 14 matchs à Laval, Slafkovsky a obtenu seulement six points, dont deux buts. On l’a même rayé de la formation deux fois en finale d’association. Le Rocket est plutôt mené par Anthony Richard, Rafaël Harvey-Pinard, Jesse Ylonen et Xavier Simoneau.

Dans ces mêmes séries, deux attaquants repêchés plus tard au premier tour, Joakim Kemell au 17rang et Jiri Kulich au 28e, cartonnent avec huit points, dont sept buts, en onze matchs pour le premier et dix points, dont six buts, en dix matchs pour le second.

Pendant ce temps, en Europe, le cinquième choix au total par les Flyers de Philadelphie, Cutter Gauthier, un attaquant de puissance de 6 pieds 2 pouces et 194 livres, marque sept buts en dix matchs pour l’équipe américaine au Championnat du monde.

Plusieurs hurleraient sans doute au meurtre à Montréal et réclameraient déjà la tête des nouveaux recruteurs de l’équipe. On parlerait d’un choix gaspillé et sans doute de l’une des plus grandes gaffes de l’histoire au repêchage.

Le beau temps, les bourgeons dans les arbres et le bruit des tondeuses à gazon ramènent à la mémoire les débats du printemps 2022.

À pareille date l’an dernier, plus de 90 % de fans du Canadien espéraient voir l’équipe réclamer Shane Wright au premier rang, dans un sondage artisanal sur Twitter. Presque 3000 lecteurs avaient néanmoins voté.

Wright trônait d’ailleurs en tête sur presque toutes les listes de spécialistes… et des pseudos-spécialistes. On y voyait encore la réincarnation de Patrice Bergeron et prétendre le contraire pouvait vous valoir les pires insultes.

Montréal pourrait enfin compter sur son gros centre numéro un, prêt à jouer dans la LNH dès la saison 2022-2023 et Nick Suzuki serait relégué éventuellement au sein du deuxième trio.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le Canadien avait repêché Juraj Slafkovsky au premier rang.

Le Centre Bell a été pris de stupeur le 7 juillet 2022 lorsque Kent Hugues a annoncé son choix au premier rang. Les fans, dont certains portaient déjà un chandail du Canadien au numéro 51, ont mieux digéré la décision après avoir vu les Devils du New Jersey et les Coyotes de l’Arizona bouder également le jeune homme au profit de Simon Nemec et Logan Cooley.

Des séries en dents de scie

Wright a compté son deuxième but des séries éliminatoires lundi soir, en saisissant un retour de tir devant le filet adverse, dans une défaite de 3-1 des Firebirds de Coachella Valley. Ceux-ci tirent de l’arrière 2-1 dans leur série contre les Admirals de Milwaukee, club-école des Predators de Nashville.

Le jeune homme en était à son deuxième point en autant de rencontres, après avoir été rayé de la formation pour deux matchs par l’entraîneur Dan Bylsma.

Il a obtenu une passe samedi à la suite d’un jeu efficace à sa ligne bleue pour permettre une sortie de zone, son cinquième point en treize matchs. « Nous avons un environnement gagnant et compétitif et nous voulions que Shane en fasse partie, a déclaré Bylsma après la victoire du week-end. Il vient probablement de disputer son meilleur match à cet égard. »

Le développement d’un jeune joueur demeure aléatoire. Et chacun suit son propre rythme. Le Kraken doit néanmoins être préoccupé de voir son premier choix âgé de 19 ans connaître autant de difficulté ce printemps dans la Ligue américaine, après des séries éliminatoires décevantes dans les rangs juniors et un Championnat mondial junior en demi-teinte, éclipsé par l’éventuel premier choix au total, Connor Bedard.

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Shane Wright

Généralement, les jeunes joueurs de premier plan peuvent déjà dominer dans la Ligue américaine à un jeune âge. Jesperi Kotkaniemi avait amassé 13 points en autant de rencontres à Laval lors d’une brève rétrogradation à 19 ans.

Cole Caufield n’y a pas moisi longtemps. Il a marqué trois buts à ses deux premiers matchs avant d’être rappelé à Montréal en 2021. Il totalise neuf points, dont cinq buts, en huit matchs dans cette ligue où il ne retournera plus jamais.

Mais un jeune joueur peut aussi connaître un début de carrière difficile dans les rangs professionnels et rebondir s’il y met du sien. Quatrième choix au total en 2010, Ryan Johansen a lui aussi été écarté de sa formation en séries éliminatoires dans la Ligue américaine en 2013 à 20 ans et il est devenu un bon centre par la suite dans la LNH, même si on aurait souhaité plus de constance dans son cas.

Il faudra encore plusieurs années pour tirer des conclusions de ce repêchage. Juraj Slafkovsky a été le seul à jouer dans la Ligue nationale de hockey sur une base régulière cet hiver, mais ça ne lui confère pas pour autant le premier rang à ce stade-ci du parcours. Surtout pas avec 10 points en 39 matchs.

Mais à 6 pieds 3 pouces et 238 livres, il constituera un atout pour le CH s’il peut marquer éventuellement entre 25 et 35 buts, sans pour autant avoir la pression de traîner le club sur ses épaules.

Cooley vient de connaître une brillante saison dans la NCAA avec 60 points en 39 matchs à l’Université du Minnesota, et 14 points en sept matchs au Championnat mondial junior. Le sixième choix au total, David Jiricek, a constitué l’un des meilleurs défenseurs dans la Ligue américaine. Le huitième choix au total, le centre autrichien Marco Kasper, a été rappelé le temps d’un match à Detroit après une belle saison en Suède.

Le Canadien regrettera peut-être d’avoir préféré l’ailier slovaque Filip Mesar, après une saison en demi-teinte dans les rangs juniors, à Jiri Kulich au 26rang tellement le Tchèque est fumant dans la Ligue américaine. Il le regrette peut-être déjà d’ailleurs.

Qui sait si le jeune défenseur Lane Hutson, repêché à la fin du deuxième tour, ne deviendra pas le joueur le plus important de cette cuvée pour le CH. Hutson, 19 ans, désormais 5 pieds 10 pouces et 161 livres, vient d’amasser six points en neuf matchs pour les Américains au Championnat mondial, après une première saison éclatante de 48 points en 39 parties à Boston University.

Un gardien méconnu en finale

Les Sharks de San Jose avaient pourtant payé un choix de deuxième tour aux Coyotes de l’Arizona en juillet 2021 pour l’obtenir. Mais on n’a pas été convaincu par la saison d’Adin Hill en 25 matchs dans un rôle d’auxiliaire à James Reimer en 2021-2022 et on l’a refilé aux Golden Knights en août 2022 pour un choix de quatrième tour, même s’il avait encore seulement 26 ans.

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Adin Hill

Hill constituait une acquisition de l’ancien directeur général Doug Wilson, pas de son successeur Mike Grier. Celui-ci lui a préféré un autre gardien du même âge, Kaapo Kahkonen. On pourrait blâmer Grier aujourd’hui, mais Hill ne serait pas le gardien titulaire en finale de la Coupe Stanley si le gardien numéro un du club, Logan Thompson, ne s’était pas blessé, et si Jonathan Quick et Laurent Brossoit n’avaient pas failli en cours de route.

Brossoit a d’ailleurs disputé les sept premiers matchs de Vegas en séries, avant de se blesser lors de la deuxième rencontre du second tour contre les Oilers. Hill a une fiche de 7-2-1, une moyenne de 2,07 et un taux d’arrêts de ,937 depuis le début des éliminatoires. Voyons quel type de contrat lui vaudra son parcours en séries lorsque la saison prendra fin…

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