Personne, nulle part, n’empêche quelque attaquant que ce soit de bloquer des tirs. Or, comme les 108 actuels meneurs de la LNH à ce chapitre sont des défenseurs, on finit par déduire que cet art ingrat est réservé aux arrières.

Il existe toutefois quelques exceptions. Au fil des ans, Nick Bonino s’est révélé un spécialiste en la matière. On n’aurait pas pensé instinctivement à lui, mais Auston Matthews est le plus prolifique chez les attaquants cette saison. On doit aussi désormais inclure le nom de Rafaël Harvey-Pinard à ce groupe sélect.

Depuis que le Canadien l’a rappelé de la Ligue américaine le 17 janvier dernier, aucun attaquant n’a bloqué plus de lancers que lui (40) dans toute la LNH. Au sein de son équipe, seul David Savard (59) le devance dans l’intervalle. En outre, son rythme de 6,48 tirs bloqués par tranche de 60 minutes jouées est un sommet chez tous les attaquants du circuit ayant disputé au moins 20 matchs en 2022-2023.

Chez certains joueurs, ces actions sont non sollicitées. Parlez-en à Jack Hughes qui, en chutant par accident samedi soir, a absorbé avec son corps un boulet de canon décoché par Jesse Ylönen. Qu’on ne se méprenne pas : ce n’est pas le hasard qui a placé Harvey-Pinard devant 40 tirs au cours des deux derniers mois.

« C’est une aptitude qui se développe, confirme le principal concerné. Il faut que tu te pratiques et que tu en bloques de plus en plus, match après match, pour que ça devienne un automatisme. »

Technique

Un rapide sondage auprès de quelques coéquipiers du numéro 49 confirme que son dévouement et sa technique ne passent pas inaperçus.

« Je l’ai remarqué l’an dernier quand il jouait avec le Rocket de Laval, en séries éliminatoires, affirme Kaiden Guhle. C’est une grosse partie de son jeu. On a besoin d’un gars comme lui. »

Anthony Richard, qui évoluait alors avec le Crunch de Syracuse, a justement affronté Harvey-Pinard au premier tour des séries, le printemps dernier. Lorsque le Rocket était en désavantage numérique, « j’avais l’impression que je pouvais le battre sur un lancer, mais au dernier moment, il sortait le pied ou la jambe », raconte Richard.

Ce dernier vante l’intelligence de celui qui a été son coéquipier.

Il se positionne bien. Souvent, les ailiers jouent plus près des défenseurs, donc c’est plus dur de bloquer des lancers. Avec ma rapidité, j’aime mettre plus de pression pour créer des revirements. Mais Rafaël, il joue un peu plus bas dans sa zone, il a confiance en ses habiletés à bloquer des tirs, et il le fait à merveille. Je n’ai jamais vu un gars aussi bon [à ce chapitre]. Il joue comme un gardien.

Anthony Richard

Samuel Montembeault abonde. « Les défenseurs sont tellement rendus mobiles… Des gars comme Adam Fox ou Shea Theodore, si tu fonces trop vite sur eux, ils vont faire une feinte, tu vas mordre et ils vont rentrer avec plus d’espace et de temps pour décocher un bon tir. »

Harvey-Pinard « respecte les défenseurs », souligne le gardien. « Il n’attaque pas trop vite, il reste patient, il trouve la bonne ligne de tir. Et la rondelle le frappe. »

En toute logique, en zone défensive, les défenseurs bloquent les tirs plus près du but que les attaquants. Que l’action se produise plus loin du gardien change-t-il quelque chose dans son contact visuel avec la rondelle ? « Pas vraiment… Tant qu’il la bloque, moi, ça facilite mon travail ! s’exclame Montembeault. Ce serait problématique s’il me cachait la vue et que la rondelle passait, mais ce n’est pas un problème. Il reste debout longtemps et se met en position de bloquer au bon moment. »

Gratification

Les défenseurs qui gobent le plus de rondelles s’enorgueillissent généralement de cet aspect de leur jeu. Harvey-Pinard voit les choses du même œil.

« Je le fais depuis que je suis tout jeune, dit-il. Pour moi, c’est très gratifiant. Les gars se lèvent sur le banc, tu te fais féliciter. Je sais que si je veux monter au prochain niveau et rester en permanence dans la LNH, je dois apporter des détails que d’autres ne font pas. Je pense que bloquer des lancers, ça en fait partie. »

Son entraîneur pense de la même manière. « Il a de bons détails, c’est un atout, estime Martin St-Louis. C’est un état d’esprit, aussi. Bloquer des lancers, ce n’est pas le fun, mais c’est important. »

Pourquoi n’est-ce pas attendu de tous les attaquants, dans ce cas ? « C’est attendu de tout le monde », rétorque St-Louis.

On prend des notes, à la maison.