Lorsqu’il évoluait pour les Sabres de Buffalo, au début des années 2000, Daniel Brière a commencé à s’intéresser au travail de son directeur général Darcy Regier.

La manière dont Regier a catapulté son équipe du fond du classement jusqu’à deux finales de conférence consécutives l’a fasciné. Il a ensuite étudié les méthodes de Paul Holmgren à Philadelphie. Puis celles de Marc Bergevin à Montréal, et celles de Joe Sakic au Colorado.

Aussi bien dire que, depuis 20 ans, Brière « regarde comment se construisent les équipes ». C’est aujourd’hui à son tour de le faire, alors que les Flyers de Philadelphie viennent de lui confier le rôle de directeur général par intérim de l’organisation.

« Il n’y a aucun doute dans ma tête que je peux faire le travail », a dit le Québécois, dimanche matin, au cours d’un point de presse virtuel (très) matinal, sa première apparition médiatique depuis qu’il a accepté sa promotion, vendredi dernier. Il était jusque-là l’adjoint du DG Chuck Fletcher, à qui on a montré la porte.

Je me voyais [être DG] quand je jouais, j’ai toujours cru que je pourrais me retrouver dans cette position.

Daniel Brière

Son ascension, depuis sa retraite comme joueur en 2015, donne du poids à sa conviction. Après une fin de carrière chez le Canadien et chez l’Avalanche, il est rentré à Philadelphie, une ville que sa famille et lui appellent « la maison ». Le président des Flyers à l’époque, Paul Holmgren, l’a pris sous son aile, l’initiant au « côté business » de son sport et lui confiant diverses responsabilités dans l’organisation. Il a amorcé des études universitaires en gestion. Pendant cinq ans, il a fait un détour par l’ECHL, prenant les rênes des Mariners du Maine, avant de se retrouver parmi les derniers candidats au poste de directeur général du Canadien de Montréal en janvier 2022.

Cela a, croit-il, accéléré son accession au poste de ses rêves. De fait, peu après que le Tricolore lui eut préféré Kent Hughes, les Flyers faisaient de Brière le bras droit de Chuck Fletcher. Il ne s’attendait toutefois pas à le remplacer à peine un an plus tard.

L’appel des propriétaires de la franchise l’a « un peu surpris », avoue-t-il : « Tu ne te diriges jamais vers le travail en croyant que ton boss sera congédié. »

Les 48 heures qui ont suivi ont été « un peu folles » ; son téléphone vibre « toutes les trois secondes ».

Encore en « mode survie », il parle de l’« honneur » qui lui est fait, de la « fierté » qu’il éprouve d’être un membre des Flyers.

Comme son prédécesseur, il porte pour l’heure les titres de directeur général et de président aux opérations hockey, deux postes qui seront toutefois scindés au terme du processus de sélection qui se mettra en branle au cours des prochaines semaines. Brière se considère surtout comme un DG, encore qu’il se dise « ouvert » à ce que ses patrons lui proposeront.

L’étiquette intérimaire ne l’effraie pas du tout. À l’évidence, il se voit dans cette chaise pour un bon moment. « Je vais faire tout mon possible pour aider à remettre l’équipe sur les rails », promet-il.

Reconstruction

Du travail, il n’en manquera pas. À court terme, il y a une saison à finir – une quatrième sans séries éliminatoires en cinq ans, et une septième en 11 ans.

À moyen et long termes, les chantiers sont nombreux. La banque d’espoirs, quoiqu’intéressante, n’est pas la plus garnie du circuit. Un récent classement d’Athletic plaçait le groupe de jeunes joueurs des Flyers au 14rang sur 32 équipes. Il n’est pas acquis qu’une future grande vedette se cache présentement dans les filiales du club.

Brière hérite en outre de lourds et onéreux contrats qui ne seront pas faciles à liquider. La santé de joueurs clés comme Sean Couturier et Ryan Ellis est fragile. La position de gardien de but est précaire depuis presque 40 ans.

Daniel Brière n’hésite pas à prononcer le mot « reconstruction », redouté par bon nombre de gestionnaires. Avant que les Flyers redeviennent une équipe aspirant à la Coupe Stanley, « cela prendra plusieurs années », croit-il.

« C’est important de ne rien précipiter. Il n’y a pas de solution rapide [quick fix]. Ça ne veut pas dire pour autant que nous ferons une vente de feu et que nous nous débarrasserons de tout le monde. Notre équipe a rajeuni, ça paraît déjà. Nous sommes dans la bonne direction. »

Le repêchage est placé très haut dans la liste des priorités des prochaines années. On y voit une « clé » pour la relance du club. « En ce moment, je ne crois pas qu’on soit en position d’aller chercher des joueurs autonomes d’impact, concède le DG. Malheureusement et heureusement, on aura un choix très élevé cette année. Et on a déjà deux choix de premier tour l’an prochain. »

Une « évaluation » complète du personnel aura lieu. Celui sur la glace, évidemment, mais aussi celui dans les bureaux. L’exercice sera fait avec franchise et rigueur, mais il n’y aura pas de purge là non plus, promet-il.

Je n’ai jamais été un joueur qui travaille seul, j’ai toujours cru que l’équipe passait en premier, et je garderai la même approche. J’adore travailler avec les gens.

Daniel Brière

À l’entendre, on comprend que l’entraîneur-chef John Tortorella n’a pas à s’inquiéter pour sa sécurité d’emploi. Daniel Brière faisait d’ailleurs partie du comité qui l’a embauché, en juin dernier, et il n’a que des éloges pour le bouillant personnage, dont la garde-robe est réputée pour son absence de gants blancs.

« Ce qui m’impressionne le plus de lui, c’est à quel point il veut rebâtir notre culture, souligne Brière. Au cours des deux dernières années, nous étions devenus une équipe facile à affronter. C’était parfois dur à regarder. [Avec Tortorella], on voit déjà la différence. Nous ne sommes pas le groupe avec le plus de talent, mais c’est difficile de nous affronter. C’est emballant. »

Même si l’heure n’est pas aux réjouissances dans la ville de l’amour fraternel, Daniel Brière débarque avec le sourire et la détermination de celui qui arrive enfin là où il le voulait, même si la route vers le succès sera longue.

Sur la glace, il a toujours démontré à ceux qui doutaient de lui qu’ils avaient tort. Et il n’a jamais été aussi bon que lors des matchs les plus importants. Comme administrateur, il ne s’en laissera pas imposer davantage.

Daniel Brière en bref

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Daniel Brière en 2014

  • Né le 6 octobre 1977 à Gatineau
  • Repêché au premier tour (24e au total) en 1996 par les Coyotes de Phoenix
  • A disputé 973 matchs de saison avec les Coyotes, les Sabres de Buffalo, les Flyers de Philadelphie, le Canadien de Montréal et l’Avalanche du Colorado. Il a récolté 696 points dans l’intervalle.
  • A ajouté 116 points en 124 matchs de séries éliminatoires. Il a atteint la finale de conférence à cinq reprises, et la grande finale une fois.
  • A annoncé sa retraite comme joueur en 2015.