Elles sont cinq étudiantes-athlètes qui ont en commun le désir de bâtir un avenir dans lequel les femmes pourront briller de tous leurs feux. Elles œuvreront en enseignement, en médecine, en génie et en administration. Pour le moment, elles excellent dans leur discipline sportive. En cette Journée internationale des femmes, La Presse a décidé de mettre en lumière ces femmes qui sortent de l’ordinaire. Aujourd’hui, premier d’une série de cinq portraits, celui d’Emmy Fecteau.

Comme Marie-Philip Poulin, elle porte le numéro 29, est originaire de la Beauce et amasse des points à la tonne. Plus important encore, comme son idole, Emmy Fecteau a le désir d’améliorer le sort des générations futures.

Les Stingers de Concordia ont un entraînement sur glace chaque jour de la semaine, tôt le matin. À l’exception du lundi, puisque les joueuses s’entraînent en soirée.

Fecteau a donc profité de son lundi matin de congé, en pleine semaine de relâche, pour accueillir La Presse dans sa deuxième maison, le Centre Perform du campus de l’Université Concordia, dans l’ouest de Montréal.

L’attaquante de 23 ans s’est présentée dans un local du deuxième étage du complexe, surplombant la salle d’entraînement destinée au centre de recherche de l’université.

Elle dépose son long manteau noir affichant le logo de son équipe et il est question dès le départ du train de vie particulier de l’étudiante en enseignement de l’anglais langue seconde.

Avec deux matchs par fin de semaine, Fecteau doit répartir son temps, et sa concentration, entre le hockey et les études. Jusqu’à présent, elle excelle dans les deux sphères. Cette saison, elle a terminé au deuxième rang des pointeuses du RSEQ avec 32 points en 23 matchs. Elle a également reçu une bourse d’excellence remise aux futurs enseignants.

« Toute ma vie, je me suis mis de la pression pour avoir de bonnes notes et bien performer au hockey, mais c’est sûr qu’avec des bourses, il faut avoir de bonnes notes, parce que c’est quand même dur de tout payer à Montréal. »

Son équipe et elle pourront néanmoins profiter d’un don considérable de 1,3 million de dollars de la part de Power Corporation, offert à l’université pour financer les programmes de basketball, hockey, rugby et soccer féminin.

Annoncé en novembre dernier, ce don contribuera à « transformer les sports féminins à l’université ».

PHOTO FOURNIE PAR EMMY FECTEAU

Emmy Fecteau

L’autre d’abord

Saint-Odilon-de-Cranbourne est une petite municipalité d’à peine 1500 habitants. Après Marie-Philip Poulin, Thomas Chabot et Joshua Roy, Fecteau est elle aussi un bijou sur patins issu de la Beauce.

Ses parents l’ont d’abord initiée au patinage artistique. Puis, à la ringuette. « J’ai haï ça dès le premier entraînement. J’ai dit à mon père : on dirait que les petites filles ne travaillent pas ! »

Elle a ensuite tenté sa chance au hockey. « Je suis tombée en amour tout de suite », s’exclame-t-elle.

J’aime la compétition. Même à l’école, il fallait que je sois la meilleure dans les exercices de maths qu’on faisait.

Emmy Fecteau

Son acharnement, son intelligence, sa passion et son profond désir d’être supérieure à quiconque caractérisent son jeu sur la glace. Elle s’est démarquée encore une fois cette saison dans le circuit universitaire. « Pas pire, oui… », dit-elle d’un ton gêné en portant son regard vers le sol et en arrondissant ses épaules. Pour Fecteau, les réussites individuelles n’importent guère. Seule une vraie volonté de projeter la lumière sur les autres subsiste.

Elle est le catalyseur offensif d’une équipe en voie de défendre son titre national acquis l’année dernière. Elle a été honorée à maintes reprises par le RSEQ pour son rendement. Elle peut aspirer à une carrière professionnelle. Qu’à cela ne tienne, une chose la rend particulièrement fière.

« Je ne sais pas si c’est une bonne réponse, pousse-t-elle, toujours habitée par ce souci de perfection, mais je dirais que c’est de créer des amitiés qui vont rester toute la vie. »

Redonner à sa communauté

Fecteau a quitté son patelin à 16 ans, pour s’aligner avec les Titans du cégep de Limoilou.

Elle s’est donc acclimatée à un mode de vie plus urbain. Hors de question, cependant, de renier ses racines, au contraire. À vrai dire, elle a choisi son domaine d’études pour en faire profiter à sa communauté ultérieurement.

« En Beauce, l’anglais n’est pas très populaire et je trouve que c’est important de nos jours d’apprendre l’anglais pour voyager. J’aimerais partager l’anglais avec les élèves. J’adore enseigner, j’adore être avec les enfants et faire partager mes connaissances. »

Avant, elle veut toutefois vivre son vrai rêve. Jouer au hockey de manière professionnelle.

Dorénavant, ce rêve peut devenir réalité. « Pendant un bout, je pensais qu’après le hockey universitaire, c’était terminé. Mais là, même mes parents ont compris qu’il y a quelque chose après et que ça se peut que je reste à Montréal », explique-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR EMMY FECTEAU

Emmy Fecteau

Elle fait maintenant partie du programme de développement de Hockey Canada. Non seulement elle est sur le radar de la plus prestigieuse équipe féminine de hockey au monde, mais surtout elle peut côtoyer Marie-Philip Poulin.

« C’est mon idole depuis que je suis toute petite. Je crois qu’on est amies, souligne-t-elle en riant, comme une élève du secondaire à propos de la reine du bal. On s’envoie des messages, parfois. Elle est super gentille. »

Puisqu’elle marche dans les traces de la plus grande joueuse au pays, Fecteau a aussi été capitaine d’Équipe Canada, à l’Universiade d’hiver de Lake Placid, il y a quelques semaines.

D’ici à ce qu’elle gagne sa vie avec le hockey, Fecteau veut d’abord triompher à nouveau dans l’uniforme bourgogne des Stingers. Sa vie ne se limite pas au hockey, mais c’est ce qui la définit. « Il faut en profiter, parce que ça passe trop vite. »