Quand on demande à Frantz Jean si la Ligue nationale de hockey (LNH) pourrait en faire un peu plus au chapitre de l’inclusion, il n’hésite pas vraiment avant de trouver une réponse : « On peut toujours en faire plus… »

La réponse est celle d’un homme de 51 ans, qui a dû gravir les échelons un à un, qui a dû faire sa place. En premier comme gardien lui-même à Montréal ; il ira jusqu’à tenter sa chance au camp du Canadien à titre d’invité, en 1991. Ensuite comme entraîneur des gardiens au hockey junior québécois, avec les Wildcats de Moncton.

Depuis 2010, Jean est entraîneur des gardiens chez le Lightning de Tampa Bay. Ce qui a changé ? Un peu tout, bien sûr, mais il y a certaines choses qui n’ont pas tant changé.

Car le hockey, peu importe la taille de l’aréna, peut parfois être un territoire fertile pour les préjugés, pour les insultes sur la glace, à l’extérieur aussi. Frantz Jean est bien au fait de tout ça, mais il a choisi de ne pas s’y arrêter, et aujourd’hui, en plein Mois de l’histoire des Noirs, il préfère regarder droit devant.

Parce qu’il voit de la lumière au loin.

« C’est sûr qu’il y a des stéréotypes dans le monde du hockey, commence-t-il par admettre. Ça existe. Il m’est arrivé d’entendre des commentaires de partisans qui sont dans les gradins. Parfois aussi, tu rencontres quelqu’un qui pense te faire une blague, et puis c’est complètement raté. »

Il y a des petits commentaires çà et là. Ça arrive. Mais je pense que c’est en train de changer…

Frantz Jean

L’entraîneur est conscient du poids du passé. Après tout, la LNH part de loin ; il y a quelques années à peine, la seule présence d’un joueur noir était source de discussions, pour le meilleur ou pour le pire.

Sur la grande scène du changement social, la LNH a la réputation d’un circuit qui est à la traîne des autres – le cas du défenseur russe Ivan Provorov, des Flyers de Philadelphie, est venu nous le rappeler encore récemment.

« Une prise de conscience »

Frantz Jean refuse toutefois de croire que son univers à lui, celui du hockey, est pire que les autres.

« J’ai grandi à Montréal, d’un père haïtien et d’une mère québécoise qui est blanche. Avec le temps, dans le monde du hockey, j’ai vu des gens de ma couleur, et ça m’a prouvé que le rêve est possible. J’ai lu sur Willie O’Ree, sur Herb Carnegie. Je remarque qu’un peu partout dans la ligue, on embauche des gens comme Blake Bolden [ex-joueuse engagée par le service de recrutement des Kings de Los Angeles].

« Aussi, je pense qu’il y a eu une prise de conscience au cours des dernières années. On l’a vu avec le mouvement Black Lives Matter, on l’a vu dans la NBA. Dans la LNH, je pense qu’on n’a pas le choix : il faut aussi faire cette prise de conscience.

« Dans la ligue, je sens qu’il y a maintenant une plus grande ouverture d’esprit, qu’on fait plus de sensibilisation. Mais le hockey, ce n’est pas juste la LNH ; c’est tout autour. C’est dans les villes, les quartiers. »

Il faut rendre notre sport plus accessible là où il y a des communautés qui n’ont peut-être pas une grande tradition avec notre sport.

Frantz Jean

Pour Frantz Jean, le Mois de l’histoire des Noirs, c’est un peu ça : un moment important, oui, mais aussi un moment pour admirer le chemin parcouru.

Tout en admettant qu’on peut toujours en faire plus.

« C’est une période de l’année qui est significative pour moi, et c’est pour une raison : ça me rappelle tous les sacrifices qui ont été faits. C’est la preuve d’une réussite pour les gens de race noire partout en Amérique du Nord.

« Souvent, il y a des préjugés défavorables qui restent. On va nous associer à des choses négatives, comme la criminalité ou la pauvreté. Alors février, c’est le mois où l’on fait l’effort de promouvoir la culture noire. C’est une belle vitrine. C’est plate que ce soit juste un mois dans l’année… mais c’est un début. »