De 2007 à 2021, Carey Price a obtenu 65 % des départs pour le Canadien de Montréal. Ainsi, pendant 14 saisons, hormis quelques brèves parenthèses, on ne s’est pas vraiment demandé qui était le véritable gardien numéro 1 de l’organisation.

Depuis le début de l’ère post-Price, la réalité est moins tranchée. En dépit des blessures, Jake Allen a obtenu ce titre par défaut l’an dernier et a été identifié comme tel au début de la présente saison. Son utilisation et celle de Samuel Montembeault disaient la même chose : deux ou trois départs pour le Néo-Brunswickois, un seul pour le Québécois. Et on recommençait.

Or, les choses changent parfois vite. Allen s’est blessé au « haut du corps » au début du mois de janvier et, en son absence, Montembeault a présenté parmi les meilleures performances de la LNH. L’aîné du duo, en outre, connaissait une saison passablement difficile avant de se blesser. L’écart statistique entre les deux s’est donc creusé, à l’avantage évident du numéro 35 sur le numéro 34.

La différence entre les taux d’efficacité est particulièrement saisissante. Exprimé autrement, toutes les fois que chaque gardien reçoit 100 tirs, soit environ tous les trois matchs, Allen donne environ deux buts de plus que son partenaire. C’est largement suffisant pour transformer deux victoires en défaites – ou l’inverse.

Mercredi, le Canadien a annoncé avoir cédé Cayden Primeau au Rocket de Laval, et Jake Allen s’est entraîné avec ses coéquipiers. Il semblait à l’aise devant son filet et n’a ménagé aucun effort. On ne connaît pas encore l’identité de l’homme masqué qui amorcera la rencontre de jeudi contre les Red Wings de Detroit, mais on peut facilement prédire qu’Allen disputera au moins une des trois joutes qui restent au calendrier du CH avant la longue pause du début du mois de février.

Questions

La question, déjà sur les lèvres de bien des partisans, se posera donc inévitablement : qui est désormais le gardien numéro 1 du Tricolore ? En fait, on se demandera sans doute : y en a-t-il encore un ? À un moment où les séries éliminatoires ne sont plus vraiment dans les plans, le besoin semble moins criant que jamais.

Très volubile pendant une longue mêlée de presse, Jake Allen a grosso modo fait savoir que c’était le dernier de ses soucis. À 32 ans, et après 380 matchs dans la LNH, « je ne mets plus de numéro sur rien ».

« Dans la situation actuelle, je ne m’en fais pas, et ça ne changera pas tant que je jouerai ici. […] Je comprends que, du point de vue des partisans, il y a traditionnellement eu un numéro 1 et un numéro 2. Mais il n’y a plus beaucoup d’équipes où c’est le cas. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Jake Allen

Allen n’a qu’en partie raison. La saison dernière, 10 équipes sur 32 ont confié au moins les deux tiers des départs à un seul gardien, ce qui est loin d’être marginal. Là où le vétéran a vu juste, c’est que cette proportion est nettement plus faible qu’en 2013-2014, alors que la moitié des équipes du circuit (15/30) avaient utilisé cette stratégie.

« Il y a tellement de talent à la position de gardien » partout dans la ligue, s’est-il ému. Même si les « Price, Vasilevskiy ou Shesterkin » sont rares, nombreux sont ceux qui peuvent entrer dans une séquence irrésistible et amasser des victoires avec régularité pendant 10, 15 ou 20 matchs.

Vu l’accélération constante du jeu et l’accent évident qui est mis sur l’attaque, Allen s’attend à ce que le partage des tâches entre les gardiens devienne la norme… et évolue. « Je ne serais même pas surpris qu’on parle de gardiens numéro 1, 2 et 3 dans 10 ans. C’est là qu’on s’en va. »

Derrière Montembeault

Au sein de l’organisation depuis presque un an et demi, Samuel Montembeault a profité d’appuis publics timides de la part de la direction et du personnel d’entraîneurs. Le ton a changé au cours des dernières semaines, avec un vote de confiance évident du directeur général Kent Hughes et, dans une moindre mesure, de l’entraîneur-chef Martin St-Louis.

De toujours, le plus grand admirateur de Montembeault a probablement été… Jake Allen.

Il n’est « pas surpris du tout » des succès récents de son partenaire. Dès que le Québécois a été rapatrié par le Canadien, qui l’a réclamé au ballottage en octobre 2021, il a vu « que c’était un bon gardien ». Aujourd’hui, il se dit « fier » que son cadet « puisse le montrer ».

C’est un athlète dans le but, pas juste un gardien qui reste là et qui bloque des rondelles. Je trouve qu’une partie méconnue de son jeu est son contrôle de la rondelle. Personne n’en parle, mais neuf fois sur dix, il l’envoie à la bonne place.

Jake Allen

Concrètement, l’ancien des Blues de St. Louis n’a pas vu beaucoup d’améliorations tangibles dans le jeu de Montembeault. D’une manière générale, il le trouve « plus patient sur ses pieds », une qualité qui est à la source de la « confiance » d’un gardien. Celle dont fait preuve, justement, le cerbère de 26 ans.

« Il est en feu, je suis content pour lui, a ajouté Allen. Une chance s’est présentée et il l’a saisie. Il peut prouver qu’il peut être le gardien d’avenir ici. »

Quant à la « compétition » entre les deux hommes, Allen n’en a cure. « Sam fait ses choses, et moi, les miennes. Je veux que sa séquence continue. Mieux il joue, mieux l’équipe se porte. C’est comme ça que j’aborde les choses. Quant à moi, je veux juste retrouver mon jeu tranquillement et m’améliorer à chaque match. »