Combien de fois a-t-on entendu des phrases du type « Si j’avais su que c’était mon dernier match… » ? David Desharnais a pris les choses en main et s’est assuré de ne pas avoir de regrets. Avant même le début de la saison, le Québécois a prévenu son entraîneur que cette campagne était sa dernière.

Cette décision n’est pas liée à ses capacités physiques – il connaît encore une excellente saison avec le club de Fribourg Gottéron, en Ligue nationale A de Suisse – ni à une passion éteinte. Elle est, surtout, familiale.

« J’ai toujours dit que quand mon plus vieux allait avoir 6 ans, qu’il serait en première année… Nos parents vieillissent aussi. On a toujours dit que quand on part et qu’on revient, ils ont vieilli d’un an. Les cousins, les cousines, tout ça. On ne sait jamais ce qui nous attend. On veut profiter de notre monde. »

Desharnais et sa conjointe Isabelle, qui sont parents de deux garçons de 5 ans et 3 ans, se sont sérieusement posé la question de savoir s’ils préféreraient demeurer en Suisse une fois le hockey derrière eux. Après tout, ils adorent le pays, le style de vie, les infrastructures, le système de santé… Mais au bout du compte, ont-ils réalisé, « ce qui est important, c’est d’être proches » de la famille. Et celle-ci est au Québec.

Même s’il aime toujours jouer au hockey, l’athlète de 36 ans admet aussi avoir un peu plus de difficulté à quitter ses fils pour se rendre à ses matchs.

« C’est plus le mental. Je ne sais pas si je suis trop proche de mes enfants ou que je veux trop être là, mais parfois, de partir – et on ne part pas souvent ! – pour un match le soir ou en après-midi, ça me fait plus mal au cœur », reconnaît-il.

Au bout du compte, le fait qu’il prend ça « un peu moins à cœur » est peut-être, croit-il, une des raisons qui expliquent son rendement pas piqué des vers de 28 points en 36 matchs jusqu’ici cette saison.

« Parfois, de prendre ça un peu moins à cœur, ça te permet de penser à autre chose durant la journée et de revenir en force, note-t-il. Je n’ai pas de pression, ça va bien. Mes entraîneurs et mes coéquipiers me connaissent, je n’ai rien à prouver. »

Un beau problème

David Desharnais n’est pas différent de n’importe quel autre athlète, c’est-à-dire que la vie dite « normale » l’effraie un brin. Mais il est tout de même serein. Au bout du fil, on le sent bien.

« Je ne sais pas comment ça va aller. Je suis juste content de prendre cette décision-là. Après ça, je vivrai avec. Rendu là, ce sera un beau problème. De toute façon, ça [devait] arrêter un moment donné. Ce n’est pas comme si je pouvais continuer à jouer pendant 20 ans ! »

Le Québécois n’a pas encore de projets, si ce n’est de prendre soin des siens et de s’assurer que tout est en place pour la nouvelle vie de ses enfants, qui ont passé la plus grande partie de leur enfance de l’autre côté de l’océan Atlantique. Comme le lui ont conseillé Daniel Brière et son voisin Antoine Vermette, Desharnais souhaite « prendre le temps de prendre le temps », ce qu’il n’a pas fait depuis ses 16 ans.

Je veux prendre le temps, pour un an ou deux, de découvrir qui je suis en dehors du hockey, qui je suis avec ma famille et mes enfants.

David Desharnais

« Juste de ne pas partir au mois de juillet pour un camp d’entraînement, ça va être spécial », lance-t-il.

Jamais repêché, David Desharnais aura connu une carrière bien remplie. Quand on lui demande quel est son plus précieux souvenir, le Québécois répond que chacune de ses saisons a eu son importance, avant d’ajouter l’évidence : « Porter le chandail du Canadien, c’est le summum de tout. »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

David Desharnais avec le Canadien, en 2016

Son premier match dans le chandail du Tricolore. Son premier but. La première fois qu’on lui a annoncé qu’il pouvait se trouver un appartement. Tant de moments « tous spéciaux à leur façon ».

Autrement, Desharnais n’a pas encore vraiment pris le temps de penser à tout ce qu’il a vécu dans sa carrière, ce qui inclut une participation inattendue aux Jeux olympiques de 2022. Après tout, il lui reste encore des matchs à disputer. Et il compte bien les savourer, dans la victoire comme dans la défaite.

« Je veux apprécier ces moments-là. Même quand ça va mal, c’est de l’adrénaline que je ne revivrai pas. C’était un peu ça, le but, de pouvoir emmagasiner ça et en profiter. »