Le mot qui est revenu souvent dans le vestiaire du Canadien jeudi soir, sous toutes ses formes, est probablement le mot suivant : frustration.

De la frustration, il y en a eu sur la glace, mais il y en a eu aussi dans ce vestiaire montréalais un peu confus, où un peu tout le monde parlait de frustration, de joueurs frustrés, et de joueurs frustrés qui parlaient de frustration, en gros.

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La veille, le directeur général Kent Hughes avait évoqué le large concept de la patience, et en ce jeudi soir frustrant au Centre Bell, on va se le dire, ce sont les Panthers qui l’ont emporté haut la main, avec une victoire sans appel de 6-2.

« On est frustrés de la manière dont on a joué, a expliqué le défenseur Mike Matheson. C’est difficile, on essaie de bien faire, et puis il y a toutes ces punitions… c’est dur de composer avec ça. »

Ce que l’on a eu sous les yeux en ce jeudi soir mouvementé — à un certain moment, David Savard était assis par terre au banc des punitions, tellement il n’y avait plus de place pour tous les coupables —, c’est la performance d’un club qui est en train d’apprendre des choses, peut-être en vue d’un futur plus reluisant.

Car c’est tout le monde qui apprend dans ce groupe. Samuel Montembeault a appris à la dure que parfois, il y a des rondelles qui ne bondissent pas du bon bord (« on l’a laissé tomber », dira Arber Xhekaj à son sujet), Martin St-Louis apprend à connaître le règlement de l’obstruction contre le gardien (à sa décharge, il est loin d’être le seul à ne pas être sûr de comprendre), et les joueurs eux-mêmes devront apprendre à effectuer de meilleurs changements.

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Evgenii Dadonov et Marc Staal

Au fait, il y a eu deux pénalités coup sur coup pour avoir eu trop de joueurs sur la glace, une première de mémoire. À ce sujet, peut-être que le Canadien devrait ramener Dwight King au sein de l’organisation, lui qui savait faire les meilleurs changements du hockey ? Les vrais savent.

Cette enfilade de frustration a mené à trois bagarres, et le Canadien a fini par donner quatre buts en avantage numérique à la visite de Floride. C’est assez difficile de gagner des matchs dans ces conditions.

« Les punitions pour avoir eu trop d’hommes sur la glace, t’as pas d’excuses pour ça, les joueurs n’ont pas été assez alertes, a expliqué Martin St-Louis. Pendant la première période, on gérait le match, mais pendant la deuxième, on s’est tiré dans le pied.

« J’ai pas pensé que notre agressivité avait été un problème ; je suis content qu’on se soit tenus ensemble, dans un match frustrant un peu. C’était de notre faute aussi qu’on soit fâchés, parce qu’on s’est tirés dans le pied… en deuxième période on ne s’est pas donné de chance. »

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Carden Primeau se dresse sur un tir d’Aleksander Barkov

C’est d’ailleurs lors de cette deuxième période que les Panthers ont marqué 5 buts, pour prendre une très solide avance de 5-0. Ça aussi, ça commence à être un refrain usé lors des défaites du Canadien : cette incapacité à bien jouer pendant le match en entier. L’instant où le Canadien a perdu sa contestation vidéo, c’est le club en entier qui s’est effondré.

« Je ne sais pas trop quoi penser de ce règlement, parce que vraiment, le résultat aurait pu aller d’un bord comme de l’autre, a noté le capitaine Nick Suzuki. On ne sait jamais si on peut gagner une telle contestation, mais il faut par contre s’assurer de continuer à jouer après ça si on la perd… »

Mais le Canadien s’est laissé aller à une sorte de découragement, et ça aussi, ça fait partie de l’apprentissage. Comme l’a déjà dit Pat Burns : Rome ne s’est pas faite en un jour.

Alors des soirées comme ça, il y en aura d’autres. Il faut juste que ça finisse par finir à un moment donné, idéalement plus tôt que tard.

En hausse : Rem Pitlick

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Rem Pitlick

Un but et une passe pour ce joueur d’énergie, l’un des rares à avoir répondu présent, jeudi soir, dans la formation montréalaise.

En baisse : le chandail bleu poudre

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Cayden Primeau

La pire invention depuis le nouveau Coke qui est redevenu l’ancien Coke. Le Canadien a maintenant une fiche de 0-5 cette saison en portant cette chose.

Le chiffre du match : 3

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Michael Pezzetta et Ryan Lomberg

Nombre de bagarres entre ces deux équipes, qui ne s’aiment visiblement pas. Il y aura des flammèches si ces deux clubs se retrouvent en séries…

Ils ont dit

Ma mise en échec sur Staal, c’est quelque chose qui fait partie du jeu. Ensuite ils ont essayé de protéger leur joueur et c’est normal…

Mike Matheson

Si tu joues comme Radko Gudas le fait, tu dois t’attendre à répondre de tes actes, et il ne l’a pas fait.

Josh Anderson

Nous aurions dû mieux jouer que ça devant Samuel (Montembeault). Les arbitres ont imposé quelques punitions douteuses mais ce n’est pas une excuse.

Arber Xhekaj

Au moment de retirer Samuel du filet, je lui ai seulement dit de ne pas s’en faire avec ça, que ce n’était pas de sa faute.

Martin St-Louis

Je suis sûr que la ligue va revoir la séquence (au sujet de la mise en échec de Mike Matheson contre Eric Staal)

Paul Maurice

Dans le détail

Patrick Chèvrefils était prêt !

On ne comptait aucun Québécois dans l’uniforme des Panthers pour ce match, mais c’est passé à une blessure près qu’il y en ait un. Quand Sergei Bobrovsky s’est blessé en tout début de match, le gardien d’urgence mandaté par la Ligue nationale, Patrick Chèvrefils, a dû descendre dans le vestiaire des Panthers et enfiler son équipement, au cas où il arriverait une malchance à Alex Lyon. « C’est la fois où c’est passé le plus proche », a confié Chèvrefils aux deux journalistes qui lui ont fait la causette, dans un corridor du Centre Bell. Chèvrefils, policier à temps plein, était en direction de la passerelle quand il a appris que Bobrovsky était blessé. Paul Maurice, l’entraîneur-chef des Panthers, savait quant à lui à qui il avait affaire. « Oh, tu parles de Patrick ? nous a-t-il demandé après le match. Il était dans le vestiaire avec nous aux entractes. J’ai dû ajuster mon langage pour qu’il ne dévoile pas nos secrets ! On l’a même nourri après le match. » Au bout du compte, Lyon a tenu bon, bloquant 23 des 25 tirs du Canadien. Son arrêt ultra spectaculaire aux dépens de Cole Caufield, en deuxième période, quand c’était encore 0-0, fera partie des jeux de la semaine. « Cet arrêt était incroyable. Cet aréna peut être très bruyant et l’arrêt a permis de calmer les partisans », a noté Maurice.

Une contestation, un tournant

Cet arrêt est assurément un des deux tournants du match. L’autre ? La contestation refusée à Martin St-Louis. C’était toujours 0-0 quand Sam Reinhart a ouvert la marque. Mais sur le jeu, Samuel Montembeault était entré en contact avec Matthew Tkachuk en tentant de se déplacer latéralement dans son demi-cercle. « Je pensais que j’avais une bonne chance, a admis St-Louis. Tu penses que ce sera 0-0, et tu leur redonnes un avantage numérique. Des fois, tu n’es pas sûr, tu n’oses pas, tu penses que tu vas le perdre. Celui-là, je pensais que j’allais le gagner. » Dans son courriel explicatif, la LNH a indiqué que « le contact entre Tkachuk et Montembeault n’a eu aucun impact sur le but, et il n’y a donc pas eu d’obstruction contre le gardien ». Paul Maurice, lui, a été mis à l’amende pour 25 000 $, quelques heures avant le match, en raison de ses critiques contre les arbitres mardi. Tel un otage qui lit un texte, il a donc dit, au sujet de cette même séquence, qu’il avait « une confiance totale en la LNH pour que la bonne décision soit rendue ».

Stratégie différente, même résultat

Lors du premier match entre ces deux équipes, il y a trois semaines, les Panthers avaient inscrit trois buts en six occasions en avantage numérique. Cette fois, ce fut quatre buts en huit tentatives. Il était amusant d’entendre Sam Bennett dire, à propos des joueurs du Canadien, que ses coéquipiers et lui avaient « étudié leur désavantage numérique sur vidéo », après le match, parce que les blessures ont fait en sorte que le CH se défendait avec des joueurs différents d’il y a trois semaines. Kaiden Guhle et Jake Evans sont désormais sur la liste des blessés, tandis que Mike Matheson, Rafaël Harvey-Pinard et Michael Pezzetta ne participaient pas à ce match du 29 décembre. « Ils ont changé leur désavantage numérique par rapport au dernier match, a noté Maurice. Ils étaient beaucoup plus passifs au dernier match et là, ils étaient nettement plus agressifs. Notre avantage numérique ne générait pas grand-chose jusqu’à ce que nous marquions. Ils mettaient beaucoup de pression, mais nous avons fini par faire les bons jeux, réussir des déviations, des passes transversales. Ça a demandé un gros ajustement. »