Arber Xhekaj a séduit bien des amateurs à Montréal jusqu’ici cette saison. Que ce soit par la façon dont il défend ses coéquipiers, par son charisme de gars qui joue dans la LNH depuis 10 ans, par son parcours de vie qui l’a mené à travailler chez Costco pendant la pandémie, toutes les raisons sont bonnes pour s’attacher à la recrue moustachue.

À ces raisons de l’apprécier, il faudra ajouter les perles qu’il sort en entrevue, comme celle-ci : « Je dis toujours que les tirs que tu ne bloques pas font plus mal que ceux que tu bloques. »

Les tirs bloqués s’imposent comme un thème incontournable de ce début de saison du Canadien. Un drôle de thème, parce que c’est une statistique qui est, comme le chantait Joe Bocan, paradoxale [note : la chanson ne portait pas sur les tirs bloqués].

Le paradoxe des tirs bloqués, c’est que la statistique, tout honorable soit-elle pour chaque individu qui s’expose ainsi à la douleur, n’est pas flatteuse du point de vue collectif.

Savard montre l’exemple

Dans tous les matchs du Tricolore jusqu’ici, un joueur se jette courageusement devant une rondelle, suscitant chaque fois les mêmes réactions. Au Centre Bell, des applaudissements de la foule ; sur la route, du tapage au banc pour encourager le coéquipier en question.

Mercredi, contre les Canucks de Vancouver, c’était Brendan Gallagher qui se sacrifiait devant un tir de Tyler Myers. Une minute plus tard, Kirby Dach donnait une avance de 3-0 au CH. Le 5 novembre, contre les Golden Knights de Vegas, Christian Dvorak s’est transformé en paratonnerre, inspirant Juraj Slafkovsky à l’imiter plus tard dans le match. Slafkovsky en a été quitte pour une visite au vestiaire.

« Ça fait partie du hockey. Tu dois en bloquer. D-Vo a bloqué trois tirs pendant le match. Si je peux aider l’équipe de cette façon, tant mieux », disait le Slovaque après le duel contre les Golden Knights.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Joel Edmundson lors du match contre les Penguins de Pittsburgh, samedi

Joel Edmundson ne fait que ça, bloquer des tirs, depuis son retour. Après cinq matchs, il est déjà 79e dans la LNH avec 21 tirs bloqués. S’il reste en santé, il se hissera dans la dizaine de tête avant longtemps.

« On adore bloquer des tirs, on sait que ça donne de l’énergie aux gars, surtout quand on voit Big Dave bloquer un tir. Les attaquants aussi, on les a vus en bloquer avec leurs genoux, leurs chevilles », estime Edmundson.

« Big Dave », ce n’est pas notre collègue au pupitre David Courchesne, mais bien David Savard, 2e dans la LNH pour les rondelles bloquées par des patineurs (51).

PHOTO JESS RAPFOGEL, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le défenseur David Savard (58) devant Anthony Mantha (39), des Capitals de Washington, et son tir

Dès le premier match de la saison, à Toronto, le colosse maskoutain a été frappé par neuf rondelles. Aussi bien dire qu’il a donné le ton.

« Il est tellement bon pour ça, on dirait que la rondelle est attirée par lui, note Jordan Harris. Quand tu vois des gars plus vieux comme lui et Eddy [Edmundson] le faire, tu te demandes : quelle excuse auront ceux qui ne le font pas si les vétérans le font ? »

Le paradoxe

Une équipe qui bloque beaucoup de tirs, c’est théoriquement une équipe qui passe beaucoup de temps dans sa zone. L’an dernier, les huit équipes qui ont mené la LNH pour les tirs bloqués ont raté les séries. Cette saison, le CH vient au 7rang dans le circuit (avant les matchs de dimanche).

Savard, si courageux soit-il, se classe parmi les pires joueurs de la LNH pour le ratio des tentatives de tir (Corsi). C’est donc dire que la rondelle est plus souvent sur la palette de l’adversaire, une conséquence qui vient avec le mandat d’affronter les meilleurs trios adverses.

Mais ces joueurs évoluent pour un entraîneur qui valorise cet aspect du jeu. « Ça fait partie d’une culture gagnante, de tout faire pour empêcher l’autre équipe de marquer », estimait St-Louis, interrogé sur le sujet la semaine dernière.

Savard confirme.

C’est non négociable. Tu n’as pas le choix de le faire si tu veux gagner. Tout le monde se sacrifie pour ça.

Le défenseur David Savard

Savard, par ailleurs, a joué sous les ordres de John Tortorella dans une autre vie. Le même Tortorella qui, à son embauche chez les Canucks, annonçait que les jumeaux Sedin allaient dorénavant bloquer des tirs.

Sans affirmer que St-Louis s’inspirait directement de son ancien coach, Savard reconnaît que même à Columbus, « Torts » valorisait encore les tirs bloqués.

« Sinon, il allait te le faire savoir, mettons, dit pudiquement Savard. C’est important pour lui, il pense que ça fait partie de la culture d’une équipe gagnante et depuis que Martin est arrivé, c’est la même chose. »

Personne ne veut faire de lien direct, mais l’évocation d’une « culture gagnante », tant par St-Louis que par Savard, en dit long. Tout le monde loge à la même enseigne.

Visionnez une vidéo de John Tortorella au sujet des tirs bloqués
En savoir plus
  • 40,85 %
    Le CH ne contrôle que 40,85 % des tentatives de tir quand David Savard est dans la mêlée à cinq contre cinq. Parmi les 422 joueurs qui ont joué 150 minutes ou plus, il est 397e.
    source : Natural stat trick