(Toronto) En tant qu’ancienne gymnaste qui a vu le côté le plus sombre de ce sport, le mandat de Kirsty Duncan était d’éradiquer les abus dans le sport canadien.

Mme Duncan, qui a été ministre fédérale des Sports de 2015 à 2019, a avoué être fâchée de ne pas avoir été informée par Hockey Canada ou Sport Canada des allégations d’agression sexuelle contre des membres de l’équipe de hockey junior en 2018.

Elle a ajouté n’avoir aucune confiance en Hockey Canada pour nettoyer son sport, surtout si les mêmes personnes demeurent à la tête de l’organisation.

« Si l’on regarde le hockey, ils ont échoué pendant 30 ans, a dit l’ex-ministre. Nous entendons parler d’initiatives. Nous en apprenons beaucoup après coup. Le point tournant aurait dû être après Sheldon Kennedy [qui a été victime d’abus par l’entraîneur Graham James au niveau junior]. »

« Est-ce que Hockey Canada a changé ? La réponse est non. Je pense qu’ils ont joué autour des bordures. Ils ont fait des choses ici et là. Mais je crois qu’ils ont été incapables de changer la culture au cours des 30 dernières années. Pourquoi serait-ce différent cette fois-ci, surtout si le groupe de meneurs est le même ? »

Mme Duncan a discuté avec La Presse Canadienne un jour après avoir publié une lettre ouverte dans le Globe and Mail au sujet du hockey et de la crise dans le sport canadien. Les émotions étaient encore vives dans sa voix.

Elle a écrit au sujet de son expérience en gymnastique, un sport qui se retrouve aussi sous les projecteurs alors que plus de 500 gymnastes du Canada ont demandé une enquête indépendante au sein de leur sport.

« Je sais personnellement ce que c’est que de se faire dire de manger du Jell-O, des laxatifs, du papier de toilette afin de respecter le poids et de se faire abuser verbalement à répétition par des entraîneurs, des juges et des parents », a écrit Mme Duncan.

« Je vais vous parler d’un juge, a-t-elle ajouté en entretien téléphonique vendredi. J’étais à une compétition locale. Locale ! Au niveau club. Un juge était allé voir ma mère et lui avait dit devant toute la foule “vous savez, votre fille est bonne, mais elle a de grosses fesses”. Je devais avoir 11 ou 12 ans. »

Mme Duncan, qui est députée dans Etobicoke North, a rappelé avoir dédié la plupart de sa vie au sport, devenant entraîneuse et juge après sa carrière d’athlète afin de protéger la relève.

« J’ai tout fait en mon pouvoir pour rendre le sport sécuritaire », a-t-elle dit.

Elle a raconté avoir été confrontée à de nombreux obstacles quand elle a voulu développer des programmes de sécurité dans le sport, incluant 13 sommets à ce sujet à travers le pays, la création d’un code universel de conduite, une ligne téléphonique d’aide, un panel d’experts à ce sujet et un centre de recherche sur l’égalité des genres.

Elle croit maintenant que chaque sport doit entrer en période de réflexion.

« Tout le monde a un rôle à jouer là-dedans. Tout le monde doit faire sa part », a-t-elle dit.

« C’est bouleversant, a ajouté Mme Duncan. À l’école, il y a le devoir de rapporter un incident. Ça n’existe pas dans le sport. […] Vous ne pouvez pas fermer les yeux. Vous ne pouvez pas dire que vous n’avez rien vu ou entendu. Allez-vous me faire croire que personne chez Hockey Canada n’a vu de motif au fil des ans ? »

Mme Duncan, qui a été ministre des Sports et de la Science, a affirmé que le gouvernement fédéral devait faire du sport une priorité, avec le financement nécessaire et un large département dévoué à ce secteur.

« Parce que nous parlons de la jeunesse, de l’avenir de notre pays. Nous devons leur donner le meilleur départ possible », a-t-elle dit.