(Newark, New Jersey) C’est avec un « Bonjour, ça va bien ? » que notre interlocuteur nous accueille dans la salle de presse du Prudential Center, mercredi midi, à la veille du duel Canadien-Devils.

C’est Dawson Mercer qui nous adresse ainsi la parole. Le reste de l’entrevue avec la surprenante recrue des Devils se passera en anglais, mais ces quelques mots de français sont un rappel de son ancienne vie à Lennoxville, Drummondville et Saguenay. Ce Terre-Neuvien a en effet quitté son île à 14 ans afin de poursuivre son développement, d’abord au collège Bishop’s, puis dans la LHJMQ.

La moitié de son séjour au Québec, il l’a passée chez Denis Gauthier, alors conseiller spécial des Voltigeurs de Drummondville.

« C’était plus nos enfants qui pratiquaient leur anglais en parlant avec lui. De toute façon, mes gars ne lui auraient pas montré ce qu’on aurait voulu qu’ils lui montrent en français ! », lance Gauthier en riant, au bout du fil.

« Et quand il avait de la misère avec ses travaux d’école en français, c’est ma fille qui l’aidait ! », ajoute Stéphanie, la conjointe de Gauthier.

« C’était cool pour mes enfants, pour nous aussi. C’était le fit parfait, des gars de hockey qui se tenaient ensemble, reprend Gauthier. Dawson est un super bel exemple pour mes enfants. Ils sont devenus des chums, ils se textent. Il était aussi fin avec mes gars qu’avec ma fille, il s’intéressait à tout. Il venait voir leurs sports, il leur demandait comment ça allait à l’école. »

PHOTO FOURNIE PAR DENIS GAUTHIER

Dawson Mercer, à droite, en compagnie de Kellyann, Kaylen et Ethan Gauthier

Le jeune homme est assurément reconnaissant de ses années passées chez les Gauthier. « Denis et sa famille ont été bons avec moi. Je suis arrivé à 15 ans. C’est comme ma deuxième famille. Je parle tout le temps à ses gars. À l’aréna, on parlait hockey, et la maison, c’était la maison. »

La voie rapide

La croissance des jeunes est en quelque sorte un baume sur une saison à oublier chez le Canadien. Il en va de même chez les hommes en rouge et noir, comme le chantait Jeanne Mas.

Les cinq meilleurs compteurs des Devils ont en effet 23 ans ou moins. Si les premiers choix au total Nico Hischier (2017) et Jack Hughes (2019) étaient attendus parmi les meilleurs, ce n’était pas aussi évident pour Mercer.

Repêché au 18rang en 2020, Mercer a toujours eu un potentiel intéressant. N’empêche que ce ne sont pas tous les choix de son rang qui passent directement du hockey junior à la LNH, comme lui l’a fait, sans s’arrêter dans la Ligue américaine.

Fiche de Dawson Mercer en 70 matchs en 2021-2022 (rang parmi les recrues de la LNH)

  • Buts : 16 (5e)
  • Aides : 24 (7e)
  • Points : 40 (5e)
  • Temps d’utilisation : 16 min 34 s (3e parmi les attaquants)

Mercer est ainsi récompensé pour son audace, car partir de la maison à 14 ans n’a rien de banal. Ainsi va la vie à Terre-Neuve…

« Tu es à la maison, avec tes amis, et tu pars vers l’inconnu, raconte-t-il. Ce n’est pas comme si mes parents pouvaient venir me voir en auto. Même si ç’avait été à sept heures de route… Non, ils devaient prendre l’avion, dormir à l’hôtel, et c’était compliqué.

« Je me souviens d’une discussion avec mon père et mon cousin où j’ai réalisé que si je voulais jouer dans la LNH, je devais partir. Mon père m’avait dit : « Si t’aimes pas ça, reste un mois et tu reviendras. » Mais je n’ai jamais regretté. Je me suis fait de nouveaux amis, et quand je retournais à la maison, j’avais encore mes vieux amis. C’était gagnant-gagnant ! »

Du Bishop’s College, il aurait pu poursuivre sa route vers les universités américaines, mais sa priorité était d’atteindre la LNH le plus vite possible.

« Je voulais jouer au meilleur niveau, et à cette étape de ma carrière, c’était le junior. Je savais que je jouerais à 16 ans dans la LHJMQ et que ça m’aiderait à atteindre mon objectif final. Je n’ai aucun regret. J’ai tout de même continué l’école, et cette année est d’ailleurs la première année où je ne vais pas à l’école. Ça a été une bonne décision. »

Un bémol

En fait, la seule tache à son dossier est au chapitre des mises en jeu, où son taux de réussite de 35,1 % le place au 100rang, sur 101, dans la LNH (minimum 500 mises en jeu).

« Il doit devenir plus fort », concède l’entraîneur-chef des Devils, Lindy Ruff, avant de grogner.

« Dans cette ligue, les recrues n’ont pas autant de chances que les vétérans aux mises en jeu. Dawson se fait toujours dire de déposer son bâton sur la glace, il se fait chasser du cercle. Prends Patrice Bergeron. Je pense qu’il a un plus gros compte de banque auprès des arbitres. Mais Dawson va aussi apprendre à connaître les gars, à savoir quand utiliser ses pieds ou son bâton. Très peu de recrues sont arrivées et ont été bonnes immédiatement. »

Mais pour le reste, les commentaires sont élogieux. « Il a un impact très positif, à l’aile ou au centre, se réjouit Ruff. Il a toujours été fiable défensivement, mais je suis surpris de ce qu’il nous donne offensivement. C’est comme un cadeau. »

« Le hockey sense lui sort des oreilles, ajoute Gauthier. On pensait que son coup de patin serait à travailler dans la LNH, mais on se rend compte qu’il lit le jeu tellement vite, ça ne dérange pas.

« J’ai toujours dit que je n’avais aucune idée de ce qu’est son plafond. Même quand il avait 17 ou 18 ans, j’avais de la misère à répondre aux recruteurs. »

Si ce que nous voyons de Mercer à 20 ans est son plancher, aussi bien tout de suite regarder vers le haut.