L’embauche de Vincent Lecavalier à titre de conseiller spécial aux opérations hockey du Canadien, vendredi matin, à peine une semaine après l’arrivée de Martin St-Louis dans un rôle d’entraîneur-chef par intérim, donne des airs de déjà-vu à l’organisation montréalaise.

Le 17 octobre 1995, le président du CH Ronald Corey congédiait le directeur général Serge Savard et l’entraîneur-chef Jacques Demers, avant de les remplacer par des candidats sans expérience en gestion d’un club professionnel — Réjean Houle, en tant que directeur général, et Mario Tremblay, comme entraîneur-chef.

L’expérience n’avait pas été particulièrement fructueuse, si bien que 27 ans plus tard le Canadien convoite toujours la 25e coupe Stanley de son histoire. Un scénario similaire est-il en train de se répéter ?

Le président aux opérations hockey Jeff Gorton a engagé l’agent de joueurs Kent Hughes, qu’il connaît bien, à titre de directeur général en janvier. Celui-ci ensuite a embauché son bon ami St-Louis la semaine dernière. Puis, Gorton a engagé Nick Bobrov, avec lequel il a travaillé chez les Bruins de Boston et les Rangers de New York, comme co-directeur du recrutement amateur. Et pour couronner le tout, Lecavalier s’est joint à son ex-coéquipier du Lightning de Tampa Bay, St-Louis, qui n’a aucune expérience derrière un banc de la LNH — tout comme Tremblay à l’époque.

Questionné au sujet des récentes nominations chez le CH, Savard a paru déçu.

« Je trouve qu’on n’a pas travaillé fort pour trouver quelqu’un parmi les anciens Canadiens pour prendre la relève. Ceci étant dit, je trouve qu’ils sont mieux structurés qu’il y a deux mois, et je donne la chance aux coureurs », a d’abord déclaré Savard en entretien téléphonique avec La Presse Canadienne.

L’homme âgé de 76 ans a semblé irrité par l’absence d’anciens joueurs qui ont porté l’uniforme tricolore au sein de l’état-major actuel.

« Quand on pense au passé, il y a des personnes qui n’ont pas voulu se joindre au Canadien en tant que joueur, et là on les récompense comme dirigeants. C’est sûr, ce sont des francophones, et tant mieux s’ils réussissent », a mentionné Savard.

À l’instar de Savard, certains observateurs craignent que l’organisation tente de se moderniser en adoptant une approche similaire à celle de Marc Bergevin, qui s’était entouré d’un cercle d’adjoints ayant tous la même vision.

Savard aurait aimé que d’anciens joueurs du CH aient fait partie des récentes nominations — des rumeurs avançaient les noms de Mathieu Darche et Daniel Brière, pour ne nommer que ceux-là, parmi les candidats pour le poste de directeur général qui a éventuellement été octroyé à Hughes.

« Il y a tellement de bons gars comme anciens joueurs du Canadien, et on semble ne même pas les regarder, a dit Savard. Ça, ça me tanne un peu. Je n’ai rien contre ceux qui sont nommés, ils ont peut-être de très belles qualités, mais ceux qui ont combattu avec le chandail du Canadien sur le dos et qui ont de belles qualités, on ne semble même pas les considérer.

« Il y a des gars comme Benoît Brunet, Guy Carbonneau ou Patrick Roy, et on va chercher les joueurs d’autres équipes et qui, dans certaines occasions, ont refusé de venir jouer à Montréal. Qu’est-ce qu’on fait avec nos anciens combattants ? Ce n’est pas de l’amertume, je suis juste un peu déçu de ça », a-t-il ajouté.

Houle, aujourd’hui le président de l’Association des Anciens Canadiens, voit néanmoins d’un bon œil l’arrivée de Lecavalier avec l’organisation, ainsi que celles de Hughes et St-Louis.

« Vincent Lecavalier, c’est un grand joueur qui a passé dans l’organisation de Tampa Bay, et il a fait une différence incroyable chez le Lightning. Ça peut être un ajout important, dépendant de la fonction qu’on va lui confier. Tu peux donc avoir des personnes reconnues, qui ont connu du succès par le passé, et il faut tout mettre ça ensemble. Et ça, malheureusement, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut donner la chance aux coureurs.

« Ce sont des gens qui connaissent le milieu, qui habitent dans le milieu et qui viennent de chez nous. C’est tant mieux pour l’organisation », a résumé Houle.

Houle s’est d’ailleurs réjoui de la première victoire de St-Louis en tant qu’entraîneur-chef dans la LNH, jeudi soir, tout comme Savard.

« Hier (contre les Blues de St. Louis), on a vu une performance de l’ensemble de l’équipe, où l’effort était là. Au moins, l’effort était là. Et ils ont gagné », a souligné Savard.

Alors, peut-on s’attendre à voir le Canadien rebondir rapidement ?

« Est-ce qu’on peut aller plus bas qu’au 32e rang ? », a questionné Savard, sèchement.