Marc Denis n’a rien voulu manquer du match entre les Bruins de Boston et les Capitals, présenté lundi soir à Washington.

Parce que l’analyste de hockey à RDS est bien sûr un fin observateur qui ne rate rien, mais surtout parce qu’il savait que ce match allait lui permettre de voir quelque chose de rare cette saison : un gardien québécois devant un filet de la LNH.

« Quand j’ai su que Zachary Fucale allait être devant le filet des Capitals, c’est clair que j’allais regarder ça, a expliqué Denis mardi au bout du fil. Je ne voulais rien rater. »

Dans un passé pas si lointain, un gardien québécois devant un filet de la LNH n’aurait pas été un évènement, mais de nos jours, c’est exactement ça. En plus d’être une rareté.

Ainsi, Fucale est devenu seulement le cinquième gardien québécois à prendre part à un match de la LNH cette saison, sur un total de 98 gardiens.

Des cinq, seulement un, Marc-André Fleury à Chicago, est un gardien partant. Deux autres, Jonathan Bernier, des Devils du New Jersey, et Samuel Montembeault, du Canadien, sont des réservistes. Le dernier, Maxime Lagacé, a participé à deux matchs avec le Lightning de Tampa Bay, après que les deux gardiens du club furent ajoutés au protocole de la COVID-19.

PHOTO BRAD REMPEL, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Zachary Fucale

Pour Marc Denis, élevé à une époque où les noms québécois étaient la normalité devant un filet, cette réalité est dure à accepter. Et c’est pourquoi, à titre de président du comité québécois de développement du hockey, il envisage de s’attarder particulièrement à la soudaine disparition des Québécois à cette position.

« À mon année de repêchage [en 1995], trois gardiens québécois ont été choisis au premier tour : Jean-Sébastien Giguère, Martin Biron et moi-même, explique-t-il. On arrivait en suivant une autre génération, celle de Patrick [Roy], de Martin [Brodeur]. C’est très différent maintenant. Cette année, au moment de l’ouverture du camp d’entraînement d’Équipe Canada junior, il n’y avait aucun gardien québécois invité. »

Une question de tendances

C’est à cette soudaine disparition du talent québécois devant les filets que Marc Denis souhaite s’attaquer dans son rôle au sein du comité, mais il admet que ce ne sera pas si simple.

« Parce qu’il y a plusieurs enjeux à cette question, répond-il. Entre autres, il y a l’âge des jeunes gardiens québécois et canadiens au moment du repêchage ; les gardiens américains et européens ont souvent le luxe de pouvoir arriver dans la LNH plus tard, et dans le cas des Européens, ils le font souvent après avoir joué chez eux dans des ligues d’élite.

« Je ne vais pas dire que le comité va s’attarder en particulier aux gardiens, mais c’est sûr qu’il s’agit d’une situation qui mérite notre attention. Le rapport qu’on va remettre va contenir des recommandations, et ensuite, il faudra un plan d’action. »

C’est clair qu’on doit porter une attention particulière à la question des gardiens.

Marc Denis

À ce chapitre, les chiffres ne mentent pas, et en guise de comparaison, rappelons que 23 gardiens québécois avaient pris part à au moins un match dans la LNH en 2001-2002. À cette époque, environ 25 % des gardiens de la LNH étaient québécois.

Marc Denis reconnaît que c’est parfois une question de tendances ; il y a 20 ans, la mode était aux gardiens québécois issus du moule de François Allaire, le gourou de Patrick Roy. Aujourd’hui, plusieurs recruteurs n’ont d’yeux que pour les gardiens scandinaves de 6 pi 4 po ou 6 pi 5 po. « J’ai déjà entendu dire qu’en bas de 6 pi 2 po, certains dépisteurs ne te regardent même pas, ajoute Marc Denis. On a eu un très bon gardien à Chicoutimi récemment en Alexis Shank, mais il n’a même pas été considéré dans les rangs professionnels parce qu’il mesure 6 pi… »

Dans l’immédiat, Marc Denis et ses collègues du comité vont plancher sur un rapport qui sera remis à la ministre Isabelle Charest au début du mois d’avril. Est-ce que cela va tout régler ? Peut-être pas, mais l’ancien gardien est optimiste.

« Ce ne sera pas un rapport pour pelleter des nuages ou un rapport avec des licornes, conclut-il. Je suis 100 % optimiste par rapport à ce qu’on fait. On veut que les choses changent pour les bonnes raisons. »