La révélation peut sembler difficile à croire, mais un directeur général déteste gagner un échange.

Le DG veut évidemment obtenir un ou des joueurs productifs, mais remporter une transaction haut la main, si elle flatte l’égo, n’est pas très bonne pour les affaires.

Dans un monde idéal, on veut que les deux organisations y trouvent leur compte pour ne pas perdre un bon partenaire pour d’autres échanges éventuels.

En ce sens, la transaction entre le Canadien et les Golden Knights (les adversaires dès lundi soir en demi-finale de la Coupe Stanley), en 2018, illustre parfaitement cet état de choses.

* Le 10 septembre 2018, le CH échange son capitaine Max Pacioretty à Vegas en retour de Nick Suzuki, Tomas Tatar et un choix de deuxième ronde en 2019.

Montréal entrait en phase de rajeunissement et cherchait de jeunes joueurs, des centres de préférence. Après avoir repêché Ryan Poehling et Jesperi Kotkaniemi, ils ajoutaient Nick Suzuki à la banque d’espoirs à cette position.

Tomas Tatar avait déçu à Vegas et il n’avait plus sa place dans la formation régulière. Son départ pour Montréal permettait aux Golden Knights de se débarrasser de son salaire annuel de 4,8 millions pour encore trois ans et ainsi mieux incorporer le nouveau contrat de leur nouvelle acquisition dans la masse salariale de l’équipe.

Et qui sait, avec un peu de chance, Tatar redeviendrait-il le joueur qu’il était à Detroit et permettrait à Montréal de pallier la perte de Pacioretty le temps de voir les jeunes se développer?

Vegas cherchait du renfort à court terme. L’équipe venait d’atteindre la finale de la Coupe Stanley, possédait déjà une multitude d’espoirs et de choix grâce à des règles favorables à leur entrée dans la ligue. Max Pacioretty représentait l’un des meilleurs buteurs de sa génération et il était à l’aube de ses 30 ans.

Un peu moins de trois ans plus tard, les deux équipes y ont trouvé leur compte. Pacioretty est membre du premier trio depuis son arrivée. Il a amassé 157 points en 185 matchs de saison régulière, 27 points en 30 matchs de séries éliminatoires et les Golden Knights atteignent le carré d’as pour une deuxième année consécutive. Pacioretty, 32 ans, est encore sous contrat pour deux saisons.

PHOTO JEFF ROBERSON, ASSOCIATED PRESSE

Max Pacioretty

À 21 ans, Nick Suzuki est déjà le premier centre du Canadien. Il a produit à un rythme de 60 points sur une saison complète à sa deuxième année dans la LNH. Il a 15 points en 21 matchs de séries éliminatoires. Au-delà de sa production offensive, ses qualités défensives impressionnent pour un joueur si jeune.

À moins d’un revirement de situation inattendu, Tatar ne sera pas retenu à la fin de la saison. Mais il a rempli son mandat. Il a disparu pour une deuxième année de suite en séries, mais il a amassé 149 points en 198 matchs de saison régulière et formé avec Phillip Danault et Brendan Gallagher l’un des meilleurs trios à égalité numérique de la LNH. Des jeunes sont désormais prêts à prendre sa relève.

Marc Bergevin a échangé son choix de deuxième ronde à Los Angeles pour obtenir des choix de troisième et cinquième ronde. Trevor Timmins a repêché les défenseurs Mattias Norlinder en troisième ronde et Jacob LeGuerrier en cinquième.

Norlinder vient de signer un contrat de trois ans après une fin de saison fort productive en Suède. LeGuerrier n’a pas obtenu d’entente. On verra si Norlinder pourra ajuster son jeu à celui de la Ligue nationale. Mais l’arrivée seule de Suzuki justifie la transaction avec Vegas.

Un DG a besoin à la fois de flair et de chance. Une entente avec Los Angeles avait été conclue quelques mois plus tôt. Mais Max Pacioretty a refusé de signer une prolongation de contrat avec les Kings et l’entente ne s’est jamais concrétisée.

On n’a jamais su exactement ce que Los Angeles offrait en retour. Les noms de Jake Muzzin, Tyler Toffoli et Gabriel Vilardi ont été évoqués, mais on n’a jamais pu relier les morceaux. Vilardi avec ou sans Toffoli ? Un choix supplémentaire ? Rien n’est clair. Vilardi, 21 ans, aurait constitué une bonne acquisition également. C’est un jeune centre prometteur.

Puis dans les négociations avec Vegas, Nick Suzuki n’était pas l’espoir convoité au départ. « Ce n’est pas lui qu’on demandait en premier, a révélé le directeur du personnel du Canadien, Martin Lapointe, au confrère de TVA Sports Louis Jean, en juin 2020. Ce sont les Golden Knights qui nous l’ont proposé. Et Trevor Timmins a dit que ça marchait avec lui. »

Le CH espérait sans doute mettre la main sur un autre centre droitier, Cody Glass, repêché au sixième rang en 2017, sept rangs avant Suzuki. Le jeune homme de 6 pieds 3 pouces et 205 livres a amassé 10 points en 27 matchs dans la LNH cette saison, et 10 points en 14 rencontres dans la Ligue américaine. Il a disputé un seul match de séries éliminatoires.

Mais il serait injuste de comparer le développement des deux joueurs en raison du contexte particulier de chaque équipe. Glass aurait sans doute obtenu un poste important s’il avait été échangé à un club en réinitialisation, tandis que Suzuki chercherait peut-être encore à percer la formation des Golden Knights derrière des joueurs de centre plus expérimentés s’il était resté à Vegas.

Au final, Vegas est heureux, Montréal est heureux. Mais si le Canadien parvenait à éliminer les Golden Knights, il gagnerait à deux chapitres: il aurait atteint la finale plus rapidement que Vegas (après la transaction) tout en comptant dans sa formation un centre numéro un pour les 15 prochaines années potentiellement.

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  1. Comment ne pas trouver les textes d’Alexandre Pratt sur le baseball romantiques ? Un récit à lire absolument.
  2. Yves Boisvert a raté la pratique de balle-molle de l’équipe de La Presse dimanche matin, mais je m’en voudrais de pénaliser Léa Stréliski pour l’absence d’Yves. Alors voici le lien pour leurs échanges pendant les séries éliminatoires.
  3. Dans un texte fort éclairant, Simon-Olivier Lorange raconte comment les Golden Knights s’y sont pris pour dénicher leur éventuel premier centre, un joueur à la carrière modeste avant son arrivée à Vegas.