(Winnipeg) Il y a 1000 bonnes raisons de se souvenir d’une série, d’un match ou même d’une séquence en particulier. Et il y en a sans doute autant de mauvaises.

Mark Scheifele s’est assuré que la victoire du Canadien entre dans la deuxième catégorie. Sa violente mise en échec sur Jake Evans, après que celui-ci eut scellé l’issue de la rencontre remportée au compte de 5-3, a complètement escamoté le reste du match.

Ainsi, même si le Tricolore a pris les devants 1-0 dans cette série de deuxième tour, de voir le corps d’Evans sur la patinoire a relégué le pointage final très, très loin dans les priorités de bien du monde.

Avec une minute à jouer, le joueur de 25 ans a foncé seul en zone adverse afin d’y récupérer la rondelle envoyée profondément par Tyler Toffoli, et ce, alors que le filet des Jets avait été déserté par le gardien Connor Hellebuyck. Sachant pertinemment qu’il devait faire vite, Evans a contourné le filet en protégeant la rondelle sur son revers et a marqué avant qu’un adversaire vienne le contrer.

PHOTO JOHN WOODS, LA PRESSE CANADIENNE

Jake Evans (71) a quitté le match sur une civière

La suite des choses, il l’apprendra en visionnant la reprise. Car on se permet de douter qu’il se souvienne de l’impact avec Scheifele, dont le gabarit est supérieur au sien de 3 pouces et 24 livres.

L’attaquant des Jets n’a jamais ralenti sa course. Il a rapproché les bras de son corps et semble avoir atteint son opposant à la poitrine avec son épaule. Cela n’empêche pas qu’Evans s’est envolé et qu’il s’est effondré tête première sur la patinoire. Dans les airs, il semblait déjà inerte. Et les secondes ont été longues avant que, face contre la glace, il s’anime d’un mouvement lent.

Sans surprise, l’intervention exhaustive du personnel médical a été nécessaire afin de le sortir de la surface de jeu sur une civière. Le jeune homme a levé un pouce en l’air.

Aucune mise à jour sur son état n’avait été communiquée par le Canadien au moment de publier. On en saura davantage ce jeudi sur la gravité de sa blessure ainsi que sur les sanctions disciplinaires (ou non) auxquelles s’expose Scheifele.

« Dégoûtant »

Les coéquipiers d’Evans qui se sont adressés aux médias ont offert des réactions en crescendo. « Je ne suis pas ici pour fournir des commentaires, je vais laisser la ligue gérer ça », a d’abord dit Corey Perry, reprenant le discours officiel généralement prononcé dans ces circonstances.

En entrevue à la télévision, Brendan Gallagher est allé un peu plus loin. Hochant la tête d’incrédulité, il a qualifié la séquence de « brutale ». « Scheifele devrait être meilleur que ça. C’est un mauvais jeu qui ne devrait pas arriver », a-t-il ajouté.

Joel Edmundson et Jesperi Kotkaniemi sont, quant à eux, allés au bâton. « C’était un coup sale », a estimé le défenseur, qui a pris soin de rappeler que si Scheifele n’est pas suspendu, « on va lui rendre la vie misérable », résumant ainsi tout le raffinement du hockey du XXIe siècle.

Kotkaniemi a mis la cerise sur le gâteau : « C’était dégoûtant. » Ce geste, croit-il, trahit le « peu de respect » qu’ont les joueurs entre eux.

En point de presse, la colère de Dominique Ducharme était palpable. La mise en échec était « inutile », et le coup, « vicieux », a-t-il dit, signifiant par ailleurs sa confiance en une réplique du département de la sécurité des joueurs de la LNH.

Il a toutefois été moins réservé à l’endroit de l’attitude des Jets. Il a rappelé la scène similaire vécue au tout début de la série contre les Maple Leafs de Toronto, alors que John Tavares avait lui aussi quitté la glace sur une civière après un coup accidentel de Corey Perry.

À ce moment, « des deux côtés, tout le monde souhaitait que [Tavares] aille mieux ». Or, « je n’ai pas senti ça de l’autre côté » dans le cas d’Evans.

Aucune rivalité naturelle n’existait entre le Canadien et les Jets. On peut déduire que la donne vient de changer. Dans le camp du Tricolore, on aurait seulement apprécié que ça se passe autrement.

Départ canon

Mine de rien, 59 minutes de hockey ont eu lieu avant l’assaut de Scheifele sur Evans. Et la majorité de ces minutes ont été à l’avantage du Canadien, qui a signé sa victoire la plus convaincante des séries éliminatoires jusqu’ici.

Paul Maurice, entraîneur-chef des Jets, avait prévenu que les 10 premières minutes du match seraient cruciales. On saurait alors qui, de l’équipe reposée après une semaine de congé ou de celle qui sortait tout juste d’une éreintante série de sept matchs, s’élancerait avec le plus d’énergie.

La réponse n’a pas tardé à venir. Après un peu plus de 5 minutes de jeu, c’était 2-0 pour le Canadien. Trois fois, les Jets ont réduit l’écart accentué par les visiteurs. Mais jamais le CH n’a flanché. Même avec une marque de 4-2 et plusieurs minutes à écouler, il semblait évident que les Jets ne reviendraient pas dans cette rencontre.

Interrogé à savoir ce qu’il avait le plus apprécié de cette performance, Ducharme a parlé de la « constance » de ses hommes et de leur manière de protéger la rondelle.

« On était à la bonne place. On était en contrôle. »

Sur le fait que les Jets avaient profité de huit jours de congé avant la rencontre, l’entraîneur a plutôt sèchement rétorqué qu’il ne s’intéressait « vraiment pas à ce qui se passe de l’autre côté ».

On ne devrait pas s’ennuyer au cours de la prochaine semaine.

En hausse

Joel Edmundson

Cinq tirs au but, quatre autres tentatives qui n’ont pas atteint la cible, des passes précises toute la soirée. Edmundson n’est pas payé pour sa contribution offensive, mais il a joué comme si c’était le cas.

En baisse

Erik Gustafsson

Deux bourdes de sa part, l’une modérée et l’autre monumentale, ont mené au premier but des Jets. Il a très peu joué par la suite à cinq contre cinq, et plus du tout en avantage numérique, ce qui est pourtant censé être sa spécialité.

Le chiffre du match

1

C’était la première défaite des Jets dans ces séries éliminatoires 2021