Jim Rutherford a lancé un immense pavé dans la mare dès sa première conférence de presse à Vancouver, lundi.

« Je vais vous dire que ce que les directeurs généraux craignent toujours dire, la portion la plus importante de notre métier demeure de gérer le "sommet". »

Personne dans la salle n’a eu besoin d’explication. Les médias affectés à la couverture des Canucks connaissent la dynamique de l’organisation : le propriétaire, Francesco Aquilini, aime bien mettre son nez en cuisine…

Il fallait un vieux routier comme Rutherford, 72 ans, pour crever ainsi l’abcès sans craindre les foudres du grand patron.

Rien ne peut faire plus mal paraître un directeur général qu’un propriétaire qui se mêle des décisions hockey. Celui-ci doit évidemment donner son aval avant d’accorder des contrats faramineux, mais un désastre s’annonce lorsqu’il s’implique trop dans la gestion quotidienne d’un club.

Un problème récurrent à Vancouver

L’ancien président des Canucks, Trevor Linden, a démissionné avec fracas il y a quelques années parce qu’on ne voulait pas suivre son plan de reconstruction. Le DG, Jim Benning, a sagement suivi la ligne directrice d’Aquilini afin de rester en poste. On devine, en lisant entre les lignes, que les contrats monstrueux offerts à Loui Eriksson et Tyler Myers avaient probablement été commandés au sommet.

Une organisation en santé a d’ailleurs généralement un propriétaire investi, mais pas omnipotent. Jeffrey Vinik à Tampa constitue un exemple probant. Il n’a jamais craint de nommer des hommes forts, Steve Yzerman, puis Julien BriseBois, en leur donnant les coudées franches, tout en s’assurant qu’ils ne manquent pas de ressources.

À Toronto, le président Brendan Shanahan ne se fait pas dire quoi faire par Maple Leafs Sports & Entertainment. Idem pour Joe Sakic à Denver et George McPhee à Vegas.

De mauvais exemples

Les employés des Sabres de Buffalo adorent Terry Pegula. L’ancien capitaine Jason Pominville a déjà raconté que Pegula et sa femme invitaient les joueurs québécois des Sabres sur leur yacht quand ils passaient dans le Vieux Port de Montréal.

Mais comme Aquilini à Vancouver, Pegula aime bien faire ses « recommandations » à ses hommes de hockey. Les Sabres en sont à leur troisième reconstruction en dix ans, après moult raccourcis inefficaces en grande partie à cause de la trop grande implication d’un patron peu connaisseur.

Il y a quelques années, le propriétaire des Oilers, Daryl Katz, avait renversé une décision de ses recruteurs, qui souhaitaient repêcher le défenseur Ryan Murray au premier rang en 2012, pour leur imposer Nail Yakupov.

Murray ne constitue pas le choix du siècle, mais il est toujours dans la LNH, presque dix ans plus tard, tandis que Yakupov est rentré en Russie depuis maintenant trois ans, après quatre saisons infructueuses (sauf la première) à Edmonton.

En Caroline, la décision d’offrir six millions à Jesperi Kotkaniemi pour l’arracher à l’organisation du Canadien ne vient certainement pas du DG Don Waddell, mais d’un propriétaire, Tom Dundon, avide de venger l’offre qualificative à Sebastian Aho deux ans plus tôt.

Jim Rutherford a beau jeu de mettre en lumière à sa façon subtile l’omniprésence du patron. Il n’épouse pas lui non plus les méthodes de reconstruction, si répugnantes aux yeux d'Aquilini. Les deux sont probablement déjà sur la même longueur d’ondes.

Notre homme veut néanmoins améliorer la vitesse et le niveau de talent des Canucks. Le nouveau président et DG intérimaire de l’équipe se donne aussi du temps pour embaucher un directeur général, qu’il chapeautera.

En attendant, le vieux routier Bruce Boudreau, malgré tous ses défauts, semble avoir redressé la barre. Les Canucks viennent de remporter quatre matchs de suite, après une séquence de cinq victoires en 16 rencontres…

La Russie dit non à Miroshnichenko

Le jeune attaquant de 17 ans Ivan Miroshnichenko est considéré par plusieurs comme l’un des meilleurs espoirs de la cuvée 2022, donc en principe un candidat d’intérêt pour le Canadien, qui repêchera vraisemblablement dans le top 5. Miroshnichenko, un patineur explosif doté d’un tir foudroyant, a ouvert les yeux au tournoi Hlinka/Gretzky avec neuf points en seulement cinq matchs. Sa cote vient d’en prendre un coup : le jeune homme a été retranché de la formation junior russe en prévision du Championnat mondial. L’entraîneur Sergei Zubov a évoqué sa mauvaise condition physique. Miroshnichenko connaît d’ailleurs une saison difficile dans la VHL, la « Ligue américaine » de la KHL, avec seulement neuf points, dont quatre buts, en 22 matchs. Miroshnichenko ne peut même pas se servir de l’excuse d’avoir été exclu parce qu’il avait osé quitter son pays pour jouer au sein du circuit junior canadien…

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