Il était tard lundi, Kim St-Pierre se remettait de ses émotions après avoir prononcé un discours enflammé pour son admission au Temple de la renommée du hockey.

« La femme qui s’occupe de nous arrive, c’est la fin de la soirée, on a tous faim. Les enfants la voient avec une grosse boîte dans les mains et disent : “Une pizza !” Elle dit : “Non, désolée, c’est la plaque !” »

La plaque en question, c’est l’un des trois souvenirs qu’elle a reçus quand elle a été admise dans l’institution torontoise. Les deux autres : le veston qu’elle portait jeudi soir, lorsqu’elle a été présentée à la foule du Centre Bell, et la fameuse bague.

« La plaque, c’est beau, c’est gros, tu mets la main dessus et c’est spécial », a confié
St-Pierre, croisée avant le match Penguins-Canadien de jeudi. « Au Temple, les plaques sont exposées dans le Great Hall. Tu vois toutes les photos des autres joueurs intronisés, et c’est là que tu réalises : “Je fais partie de ça, de l’histoire.” J’ai vu la plaque de Maurice Richard, de Jacques Plante. »

Pour la cause

St-Pierre n’a pas à rougir d’avoir été admise, la huitième joueuse, mais surtout, la première gardienne à faire son entrée à Toronto. Elle a aidé le Canada à remporter trois médailles d’or olympiques et cinq titres au Championnat du monde féminin. Elle a affiché une moyenne de 1,17 et une efficacité de ,939 dans l’uniforme canadien.

Mais son discours lui a surtout servi de plateforme pour s’adresser aux filles, qu’elles pratiquent le hockey ou un autre sport.

« J’aimerais exprimer mon admiration pour les femmes du monde du sport qui brisent les barrières. Votre détermination nous donne confiance et nous incite à travailler fort », a témoigné St-Pierre, dans la dernière minute de son discours. « […] Maintenant, c’est notre responsabilité de [nous] assurer que le hockey féminin continue de grandir. Nous rêvons tous à une ligue professionnelle féminine, et c’est le temps d’en faire une réalité. Les joueuses travaillent fort et méritent de pouvoir vivre pleinement leur rêve. N’arrêtez jamais de vous battre pour ce en quoi vous croyez ; vous serez récompensées. »

Écoutez le discours de Kim St-Pierre

Pour l’ancienne gardienne, c’était une façon de désamorcer ce qu’elle décrit comme une situation « bizarre ».

« J’ai pratiqué un sport d’équipe… Tu gagnes et tu perds en équipe. Là, je me retrouve seule. C’était un feeling bizarre. C’est pour ça que je voulais prendre la plateforme et promouvoir le hockey féminin, féliciter les femmes qui percent. C’est pour ça que mon discours a viré là-dessus à la fin. C’était la place idéale. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

François Legault discute avec Kim St-Pierre, jeudi après-midi.

St-Pierre a elle-même été inspirée par Patrick Roy, mais surtout par Manon Rhéaume. « J’ai eu des inspirations. Si ça m’a inspirée, on peut inspirer les prochaines jeunes femmes. »

Grosse semaine

St-Pierre n’est pas près d’oublier cette fin de semaine à Toronto, qui lui a permis de connaître les autres intronisés de la cuvée 2020 (la cérémonie de l’an dernier avait été annulée en raison de la pandémie).

Jarome Iginla est tellement gentil avec mes enfants, Marian Hossa aussi. Kevin Lowe leur a parlé en français. Doug Weight, la grande classe. C’était intéressant, et on dirait qu’ils ont appris à découvrir le hockey féminin.

Kim St-Pierre

St-Pierre a participé aux Jeux de 2002, 2006 et 2010, soit les mêmes qu’Iginla. « On croisait les gars, mais on ne prenait jamais le temps de jaser. Son père est vraiment gentil. Le vendredi soir, on était invités au match des Leafs, nos deux familles ont partagé une grande loge. »

Tous ces évènements ont culminé jusqu’à l’intronisation, que St-Pierre a vécue « comme un match de la médaille d’or ».

« Je savais que c’était une grosse journée, j’ai bien dormi. Le matin, les intronisés, on a été sur la scène pour voir de quoi ça avait l’air. Je voulais être prête, je me suis concentrée seule dans ma chambre, j’ai fait de la visualisation. Quand je suis arrivée sur la scène, je voulais profiter du moment. Et là, c’est Danielle Goyette, ma coéquipière, qui m’a présentée. Elle m’a dit : “Let’s go, Kim.”

« J’avais confiance en mon discours, je l’avais tellement travaillé. Je voulais juste le faire de la bonne façon. Et dès le début, la foule a embarqué, m’a applaudie, ça m’a donné confiance. La foule s’est levée. Je ne savais plus quoi faire ! »