Il était beaucoup question du 3-10-1 au 9-4-10 mercredi.

3-10-1, c’est l’atroce fiche du Canadien en ce début de saison ; 9-4-10, c’est le restaurant du Centre Bell où ledit début de saison en faisait pester quelques-uns en cet après-midi d’automne.

Pour Serge Savard, le diagnostic est simple à établir.

« Il y a deux ou trois joueurs repêchés par Marc Bergevin en neuf ans. J’ai de la misère à croire que tu ne peux pas bâtir une base solide », a analysé l’ancien directeur général, croisé au lancement de la biographie d’Yvon Lambert.

Bon… Établissons d’abord les faits. Il y avait mardi quatre joueurs dans la formation du Canadien repêchés sous Bergevin : Artturi Lehkonen, Jake Evans, Alexander Romanov et Michael Pezzetta. À la défense de Bergevin, les trois premiers ont été parmi les meilleurs du club dans la défaite. Mais il s’agit néanmoins de joueurs qui occupent un rôle de soutien la plupart des soirs.

On peut toutefois comprendre Savard de se désoler du faible apport des produits maison du Canadien. Un rappel des joueurs qui ont participé aux conquêtes de la Coupe Stanley de 1986 ou de 1993, repêchés par le Tricolore à partir de 1983, sa première année aux commandes du club.

1983 : Claude Lemieux, John Kordic
1984 : Petr Svoboda, Stéphane Richer, Patrick Roy
1985 : Donald Dufresne
1986 : Benoît Brunet, Lyle Odelein
1987 : John LeClair, Éric Desjardins, Mathieu Schneider, Ed Ronan
1988 : Sean Hill
1989 : Patrice Brisebois, André Racicot
1990 : Gilbert Dionne, Paul DiPietro

C’est sans compter Shayne Corson, Sergio Momesso, Brent Gilchrist, Jyrki Lumme et Andrew Cassels, qui ont connu de longues carrières même sans bague de la Coupe Stanley à Montréal.

Aux yeux de Savard, les espoirs du Canadien font les frais d’une arrivée précipitée dans la LNH.

« On pense que ce sont nos sauveurs, déplore-t-il. [Ryan] Poehling arrive, il marque quatre buts à son premier match, mais là, il est dans les mineures [il a été rappelé tard mercredi soir]. Il y a eu KK [Jesperi Kotkaniemi]. [Cole] Caufield, on pense qu’il est le sauveur, il est dans les mineures.

« [Yvon] Lambert a passé deux ou trois ans dans les mineures. Larry [Robinson] aussi. Caufield a bien joué l’an passé en arrivant, je comprends ça. Mais c’est comme si t’es en 9e année et qu’on te donne ton certificat de 12e année ! »

L’incertitude

L’avenir incertain de Bergevin, au-delà de la présente saison, n’aide certainement pas la cause. Les anciens rencontrés mercredi sont toutefois tous d’avis que l’effet sur les joueurs de l’édition actuelle est minime.

Mais Lucien DeBlois, qui a travaillé une vingtaine d’années comme recruteur après sa carrière de joueur, rappelle que la situation n’est pas sans conséquence.

« Ça crée une certaine incertitude pour les joueurs. Ils ne sont peut-être pas aussi impliqués là-dedans, mais ils savent qu’il se passe quelque chose, soulève-t-il.

« Mais les gens autour, les dépisteurs… Plusieurs n’ont pas de contrat pour l’an prochain. Ils attendaient que Marc signe son contrat, mais il n’en a pas. Je ne suis pas sûr que les joueurs le ressentent, parce qu’ils sont sous contrat et ils savent où ils s’en vont. Mais les coachs peuvent le ressentir aussi. »

Guy Lapointe, lui, remarque le trou béant en l’absence de Shea Weber et de Joel Edmundson.

« Ajoute-les, ça stabiliserait beaucoup. Dans notre temps, moi, Serge et Larry… S’il en manquait un, ça déséquilibrait un peu ! »

À ce sujet, il est fascinant de voir comment le « Big Three », devenu le « Big Four » avec Edmundson l’an passé, a volé en éclats. C’est Claude Julien, lors des séries de 2020, qui évoquait parfois le surnom du groupe formé de Savard, Lapointe et Robinson pour parler de Weber, Ben Chiarot et Jeff Petry. Ces arrières ont été cruciaux lors des deux dernières saisons, mais Weber est le seul à avoir déjà fait partie de l’élite comme les trois membres de la mouture originale du « Big Three ».

Quoi qu’il en soit, ces discussions ont rappelé de bons souvenirs à Lapointe.

« Serge et Larry jouaient ensemble quand je suis arrivé, moi, je jouais avec Pierre Bouchard ou Bill Nyrop. Ils disaient le Big Three parce que quand il restait trois ou quatre minutes, on jouait à trois défenseurs. J’étais sur la patinoire avec Larry, Serge s’en venait, on se regardait et si j’étais le plus fatigué, je disais : ‟Larry, il faut que je débarque”, et je débarquais, Serge embarquait, et on faisait la rotation. »