Le directeur général des Jets de Winnipeg, Kevin Cheveldayoff, s’est exprimé pour la première fois, mardi, après que le commissaire de la LNH, Gary Bettman, eut annoncé qu’il ne serait pas sanctionné pour ce qui s’est produit chez les Blackhawks de Chicago en 2010.

La semaine dernière, la firme indépendante Jenner & Block révélait que l’état-major des Blackhawks était au courant des agressions sexuelles alléguées de Brad Aldrich à l’endroit de l’ancien joueur Kyle Beach, mais qu’aucune mesure n’avait été prise pour aider la victime.

L’entraîneur-chef de l’époque, Joel Quenneville, a démissionné de son poste chez les Panthers de la Floride, jeudi dernier. Stan Bowman, directeur général à Chicago en 2010, a aussi quitté ses fonctions plus tôt dans la semaine, tout comme le président des opérations hockey, Al MacIsaac.

Quant à Cheveldayoff, qui était l’adjoint au directeur général à l’époque, le commissaire Bettman a convenu vendredi qu’il garderait ses fonctions comme directeur général des Jets de Winnipeg. Et donc, qu’il n’aurait pas à payer pour les décisions prises par les Blackhawks. Et ce, en raison du poste qu’il occupait à ce moment-là.

« Cheveldayoff n’était pas un membre sénior de l’état-major de l’équipe en 2010, a écrit Bettman dans un communiqué. Je ne peux donc lui faire porter la responsabilité des actions, ou des inactions, prises par le club. Il a expliqué le degré de son implication dans l’affaire, et elle se résumait exclusivement à sa présence dans une seule rencontre. Je l’ai trouvé crédible et coopératif lors de notre discussion. »

Dans une conférence de presse qui s’est étirée sur près d’une heure et quart, mardi en fin de journée, Cheveldayoff a expliqué avoir pris part à la rencontre du 23 mai 2010 avec les membres de l’état-major des Blackhawks, mais que les allégations lui avaient été présentées comme du harcèlement et non des agressions. Il croyait alors qu’il s’agissait de textos inappropriés et de commentaires verbaux.

Il a ensuite précisé avoir quitté la rencontre « avec la compréhension que ces allégations seraient gérées par ceux au-dessus [de lui dans la hiérarchie] ». « Trois semaines plus tard, quand j’ai appris que l’individu en question n’était plus un membre de l’organisation, j’ai interprété que la situation avait été corrigée. »

Si j’avais su après cette rencontre qu’il y avait eu des agressions sexuelles, j’aime penser que j’aurais agi différemment et que toutes les autres personnes dans cette salle auraient agi différemment.

Kevin Cheveldayoff

Cheveldayoff a indiqué que « ce que Kyle [Beach] a traversé est inacceptable et intolérable », ajoutant que personne ne devrait avoir à vivre ce qu’il a vécu. « Kyle a été abandonné par un système qui aurait dû l’aider, mais ne l’a pas fait. Je suis désolé que mes propres présomptions au sujet de ce système n’aient clairement pas été assez bonnes. »

« J’ai eu l’occasion de réfléchir après avoir lu le rapport et après avoir vu l’entrevue émouvante [de Kyle Beach à TSN], a-t-il poursuivi. Je suis désolé de ne pas pouvoir changer ce qui s’est passé ou comment ç’a été géré à l’époque, mais je peux apprendre de ça et m’assurer que ça n’arrive plus jamais.

« Nous devons tous faire mieux. Il y a beaucoup trop de personnes qui utilisent leur position pour en harceler et agresser d’autres. Je m’engage à faire partie du changement dans le hockey, je vais parler et apprendre des survivants à propos de ce que nous pouvons faire mieux dans notre sport. »

Problèmes systémiques

En conférence de presse, Cheveldayoff était accompagné du chef de la direction des Jets, Mark Chipman, qui a livré un long discours. Il a d’ailleurs dû prendre quelques pauses, visiblement affecté.

« Ç’a été une semaine horrible pour Kyle Beach et toutes les victimes d’agression et de harcèlement sexuels », a-t-il d’abord laissé entendre.

L’homme de 61 ans a ensuite donné des statistiques d’agressions sexuelles, avant d’énumérer les trois façons dont réagissent généralement les victimes. La première, en racontant leur histoire et en recevant le soutien « dont elles ont besoin et qu’elles méritent ». La deuxième, en gardant le silence de peur d’être jugées et de faire face à des représailles. Et la troisième, en racontant leur histoire, mais sans que les adultes qui les entendent ne réagissent adéquatement.

« Kyle Beach tombe dans cette troisième catégorie, a-t-il soutenu. […] Kyle devrait être félicité non seulement pour avoir raconté son histoire, mais aussi pour avoir servi courageusement d’exemple pour d’autres survivants. »

« Je ne peux pas prétendre que je sais ce que Kyle a traversé, mais j’ai vu l’impact que peuvent avoir des abus sexuels, a-t-il dit avant de prendre une longue pause, émotif. Sur des gens qui sont vraiment proches de moi… »

Chipman a ensuite relaté la version de Cheveldayoff, avant de se porter à sa défense. « Il s’est fait dire par les leaders de cette organisation qu’ils allaient enquêter et gérer la situation. Dans son rôle, il n’avait pas de contacts fréquents avec l’entraîneur ou les joueurs. Il n’était pas au courant du préjudice que Kyle avait vécu. Il n’aurait pas pu le savoir.

« Néanmoins, s’il avait su, le Kevin Cheveldayoff que je connais aurait agi et fait tout ce qu’il fallait pour s’assurer que Kyle aurait reçu tout le soutien dont il avait besoin, que son intimité aurait été protégée et que l’auteur [de ces agressions] aurait été dans une position de ne jamais faire de mal à quiconque d’autre. »

Chipman a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d’apporter un changement au sein du « système ».

« Je m’engage aujourd’hui à utiliser mon influence au sein de la LNH pour reconnaître qu’il y a des problèmes systémiques qui requièrent des solutions systémiques. Et que toutes les parties prenantes et le personnel qualifié s’uniront pour améliorer les ressources et faire en sorte de prévenir les prochaines situations de ce genre et favoriser une culture où les victimes de harcèlement et d’abus sexuels pourront raconter leurs histoires et faciliter leur guérison. »